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Les multiples atouts du solaire vertical bifacial

Une solution innovante pour les environnements alpins et industriels

05.12.2024

Même si le nombre de nouvelles installations photovoltaïques croît à grande vitesse en Suisse, le solaire vertical bifacial reste encore très discret. Et pourtant, il présente de nombreux avantages et constitue une solution particulièrement intéressante pour les sites enneigés ou pour remplacer les barrières en bordure de voies de transport.

Le développement du solaire vertical en Suisse remonte à plus de dix ans. Parmi les pionniers du domaine: 3S Swiss Solar Solutions (une filiale de Meyer Burger), qui a ouvert la voie aux applications verticales et bifaciales, ou encore le CSEM (Centre suisse d’électronique et de microtechnique), basé à Neuchâtel et actif dans la recherche photovoltaïque, dont la façade solaire de 633 m2 construite en 2015 génère depuis environ 35 MWh/an. Grâce à la technologie bifaciale captant la lumière des deux côtés des modules, à des panneaux partiellement perméables à la lumière ainsi qu’à une peinture réfléchissante, cette façade améliore le rendement énergétique des modules d’environ 20% [1].

En 2023, les nouvelles installations photovoltaïques réalisées en Suisse ont atteint une puissance nominale de 1,7 GW, soit une augmentation de 50% par rapport à la puissance installée au cours de l’année 2022 [2]. Toutefois, selon l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et Swissolar, les installations en façade (inclinaison des panneaux de 75° à 90°) n’en représentent encore qu’une faible part, avec seulement 0,46% des nouvelles surfaces installées [2].

L’OFEN vise à couvrir 40% des besoins en électricité avec le photovoltaïque d’ici 2050. Bien que les installations sur les toits restent la priorité, les façades solaires représentent un potentiel important, estimé à 17 TWh/an, avec 45% de la production réalisée durant le semestre d’hiver. Néanmoins, des contraintes de sécurité, notamment pour les façades de plus de 11 m de haut, sont imposées par les assurances cantonales telles que GVZ, l’établissement cantonal d’assurance de Zurich [3]. Quant au potentiel du solaire vertical au sol et du solaire alpin, offrant des solutions pour intégrer une production solaire dans des régions aux conditions climatiques et géographiques particulières, il reste encore à explorer.

Les avantages du solaire vertical

En 2024, alors que la puissance nominale des installations solaires en fonction en Suisse n’est encore que de 6 GW, les prix de l’électricité sont déjà devenus négatifs huit fois au cours du mois de mai [4]. Les pics de production aux alentours de midi en été, associés à une faible demande du marché, génèrent cette situation qui devrait s’amplifier au fil du temps avec l’augmentation du nombre d’installations photovoltaïques. L’évolution de la flexibilité de la consommation et des moyens de stockage permettra à terme de mieux gérer l’équilibre entre la production stochastique (solaire et éolienne) et les besoins d’une société en pleine transition énergétique.

Le solaire bifacial vertical, du fait de son orientation, offre une courbe de production qui répartit mieux l’énergie sur la journée. Orienté est-ouest, il réduit le pic de midi en renforçant la production en début de matinée et en fin d’après-midi, favorisant ainsi l’autoconsommation. Orienté vers le sud, il augmente sa part de production hivernale. Les recherches menées sur le sujet, notamment sur les installations photovoltaïques alpines, confirment les effets positifs de cette approche sur la régularité de la production énergétique [5].

Le solaire vertical bifacial pour les environnements alpins

Les projets alpins en cours d’élaboration ont pour objectif de contribuer au mix énergétique à raison de 2 TWh de production annuelle grâce à diverses technologies adaptées aux conditions climatiques extrêmes. Jusqu’ici, les installations sur tables inclinées ont dominé le marché du fait de leur présence à large échelle dans les grandes installations au sol à l’étranger, mais elles présentent des limites pour les milieux alpins: elles nécessitent des structures surélevées et renforcées, et peuvent être vulnérables aux accumulations de neige soufflée par le vent pouvant entraîner des interruptions de production, voire des dommages aux installations.

Le solaire vertical bifacial présente à cet égard divers avantages, dont un décalage d’une partie de la production du milieu de la journée vers le matin et le soir, ainsi qu’une meilleure utilisation de l’albédo élevé de la neige (réflectivité du sol) [6]. En raison de leur orientation verticale, ces installations limitent les accumulations de neige, même en cas de précipitations abondantes. De plus, certaines configurations de panneaux en milieu alpin adoptent une disposition en croix (figure de titre), inspirée des dispositifs de protection anti-congères. Cette disposition favorise le déneigement par un phénomène appelé «effet vortex»: celui-ci crée un tourbillon de vent autour de la structure, qui permet un dégagement naturel de la neige et donc de limiter les pertes de production ainsi que la hauteur au sol des structures. Les premières observations réalisées sur les installations tests montrent que cette configuration permet d’atteindre une bonne efficacité hivernale grâce à l’importante irradiation diffuse réfléchie par la neige, tout en présentant une gestion optimale du dégagement de la neige. Ce type de conception pourrait représenter une solution résiliente pour les futures installations photovoltaïques en haute altitude.

Dans la quête d’optimisation des installations photovoltaïques alpines, des entreprises comme Helioplant, en Autriche (par exemple sur le site de la station de ski de Sölden), et Turn2Watt, en Suisse, explorent plusieurs configurations verticales, notamment en croix, permettant de concilier performance de production, gestion de la neige et rentabilité. Leurs développements visent à élaborer des structures qui, en restant économiquement viables pour les exploitants, s’intègrent dans les paysages alpins tout en résistant aux conditions extrêmes.

Centrales en plaine, centrales éphémères et haies solaires

Le solaire bifacial vertical présente également un potentiel significatif pour la production solaire en plaine. Une récente étude réalisée dans des pays de l’UE montre un potentiel substantiel pour les installations linéaires déployées le long des voies de transport (figure 1) en se basant sur les avantages des panneaux bifaciaux, notamment leur faible emprise au sol et leur utilisation pour remplacer des infrastructures existantes telles que des barrières [7].

Une autre piste: les surfaces temporaires, pour lesquelles des structures légères et démontables pourront devenir une option. Par exemple, la start-up LightSwing Solar propose des systèmes montés sur des cadres en acier conçus pour s’incliner en fonction du vent et dont le balancement est contrôlé par des freins. Cette technique réduit la charge appliquée par le vent et permet d’éviter des ancrages coûteux et intrusifs. Leur conception permet à ces structures d’être montées et démontées rapidement, facilitant ainsi leur déploiement sur des sites temporaires sans nécessiter d’importants travaux au sol.

Enfin, destinées au marché des clôtures privées, industrielles et commerciales, les haies solaires présentent l’avantage de ne pas nécessiter de fondation en béton: une vis en acier (Krinner) de 130 cm de profondeur suffit pour permettre une fixation résistant, selon les modèles de clôture, à des vents pouvant aller jusqu’à 140 km/h.

Un marché en devenir

S’inscrivant dans la transition énergétique avec des solutions innovantes adaptées aux contraintes en matière d’espace et d’infrastructures, le solaire bifacial vertical présente un important potentiel de développement. Alors qu’il a fallu plus de 30 ans pour que les installations photovoltaïques inclinées deviennent partie intégrante du paysage énergétique, les systèmes bifaciaux verticaux profitent d’une progression technologique plus rapide ainsi que de l’expérience accumulée par les systèmes conventionnels. Ces systèmes bifaciaux permettent d’étendre la production photovoltaïque à des surfaces à présent non comptabilisées dans les études de potentiel ainsi que dans des environnements variés. Ceci ouvre la voie à divers nouveaux développements: la réalisation de bornes de recharge autonomes pour véhicules électriques utilisant cette technologie est, par exemple, en cours d’étude (figure 2). Ces initiatives promettent de rendre l’énergie solaire encore plus accessible, en s’affranchissant de certaines contraintes techniques et financières, et de contribuer à un écosystème énergétique plus résilient.

Références

[1] Arc Info, «Le CSEM, à Neuchâtel, aura une façade solaire 100% Swiss made, une première mondiale», 17 juin 2014.
[2] Thomas Hostettler, Andreas Hekler, «Statistiques de l’énergie solaire – année de référence 2023», rapport réalisé par Swissolar pour l’OFEN, 11 juillet 2024.
[3] Swissolar, «Protection incendie pour les installations photovoltaïques ventilées en façades», document de transition pour la planification et la méthode de preuve en protection incendie, 26 octobre 2023.
[4] «Les prix de l’électricité peuvent parfois être négatifs en raison d’une surproduction», RTS, 16 juin 2024.
[5] Matthias Hügi, Christof Bucher, «Photovoltaïque bifacial vertical», étude réalisée pour le compte de SuisseEnergie, 30 novembre 2023.
[6] «Alpenstrom Davos», étude de la ZHAW.
[7] G. Kakoulaki et al., «European transport infrastructure as a solar photovoltaic energy hub», Renewable and Sustainable Energy Reviews, vol. 196, p. 114344, mai 2024.

 

Auteur
Philippe Gendret

est directeur de Turn2Watt.

  • Turn2Watt
    1400 Yverdon-les-Bains

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