Un pilier énergétique stratégique pour l’avenir
Usine Hydroélectrique Valais
Dans le cadre des projets d’extension de la force hydraulique et des droits de retour en Suisse, la stratégie du canton du Valais – avec le concept de l’Usine Hydroélectrique Valais mis en œuvre par FMV – se veut bénéfique tant pour les collectivités publiques que pour les entreprises d’approvisionnement valaisannes et helvétiques.
Les craintes liées à un manque d’électricité en hiver se sont pratiquement évanouies en Suisse. Trois ans après le changement radical de configuration géopolitique auquel sont venues s’ajouter des difficultés conjoncturelles de production nucléaire en France et des conditions hydrologiques défavorables, les opinions publiques européennes ont fait passer les préoccupations en matière d’approvisionnement énergétique au second plan. La population helvétique ne fait pas exception.
Un déficit structurel vis-à-vis de l’étranger
Pourtant, en Suisse, le risque de pénurie d’électricité en hiver est – et reste – structurel. Il a été chiffré par l’Association des entreprises électriques suisses (AES): ce déficit passera de 3 TWh actuellement, à 7 voire 9 TWh, selon les scénarios retenus, ces prochaines années [1]. Durant la saison froide, il manquera l’équivalent de deux à quatre fois la capacité totale de production annuelle de la centrale d’accumulation de la Grande Dixence, en Valais, pour satisfaire les besoins en électricité du pays. Or, à partir du 1er janvier 2026, une règle de l’Union européenne (UE) pourrait limiter davantage la capacité d’importation de la Suisse et réduire la stabilité du réseau électrique. Sans entrer dans le débat à venir sur un potentiel accord sur l’électricité avec l’UE, un constat s’impose: la Suisse est confrontée à divers défis menaçant son approvisionnement en électricité et entraînant des coûts supplémentaires.
Encore un chiffre: aujourd’hui, 72% de la consommation énergétique du pays provient d’énergies fossiles (pétrole, gaz) et d’uranium, non renouvelables et importés. Cette part illustre clairement la dépendance de la Suisse vis-à-vis de l’étranger [2].
Le pilier hydroélectrique de l’approvisionnement
En Suisse, forts de ces constats, les acteurs publics et privés de l’énergie se sont mobilisés. La Confédération a fixé différents objectifs en matière de sécurité de l’approvisionnement énergétique du pays, dans lequel l’électricité jouera le rôle central. Elle a évalué la contribution du secteur hydroélectrique à la réalisation de ces objectifs à long terme, sachant que son potentiel est déjà largement exploité. Résultat: une production hydroélectrique annuelle hivernale supplémentaire de 2 TWh est attendue à l’horizon 2035-2045, avec les capacités de stockage correspondantes.
Au niveau politique, en acceptant à plus de 68% la loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables, le peuple suisse a confirmé une véritable légitimité démocratique pour la production indigène et l’efficience énergétique. L’hydroélectricité, son optimisation et son potentiel de développement sont pleinement concernés. Il faut souligner que la Conférence gouvernementale des cantons alpins (CGCA) a soutenu cette loi. Acteurs clés, ces cantons se disent prêts à apporter leur pierre à l’édifice [3]. Avec ses 10 TWh annuels, soit près de 28% de la production hydroélectrique nationale, l’hydroélectricité produite sur le territoire valaisan se positionne comme une pièce maîtresse dans le paysage énergétique helvétique.
Une réponse stratégique aux défis
C’est dans la perspective des grands défis contemporains liés à la sécurité de l’approvisionnement, à la transition énergétique, mais aussi à l’accroissement de la flexibilité de la production et à la création de valeur pour les partenaires en Valais et en Suisse qu’a émergé l’idée d’un concept novateur: l’«Usine hydroélectrique Valais», dont l’objectif consiste à coordonner et à optimiser l’ensemble des infrastructures hydroélectriques du canton [4]. En rassemblant ces dernières dans un modèle à la fois intégré et décentralisé, l’Usine hydroélectrique Valais entend répondre aux enjeux croissants dans un cadre législatif renouvelé, en cohérence avec les objectifs de la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération et de la loi fédérale sur l’approvisionnement en électricité.
L’Usine hydroélectrique Valais
Pour mieux comprendre ce concept, un bref retour dans le passé s’impose. À la fin du XIXe siècle, les développements économiques et sociaux ont accru les besoins en électricité. Le Valais ne disposait toutefois pas des moyens financiers nécessaires à la construction des infrastructures coûteuses que sont les barrages, les amenées d’eau et les usines de production. La valorisation de l’eau et la mise en vente de l’électricité produite ont donc été confiées à des sociétés disposant des ressources nécessaires [5]. Pour cela, les communes et les cantons ont mis leurs eaux à disposition: ce sont les concessions, souvent accordées pour des durées de 80 ans. L’hydroélectricité dans les Alpes s’est ainsi construite de manière progressive, au gré des besoins [6]. Aujourd’hui, seuls environ 20% des aménagements sont en mains valaisannes. Or, au cours de ces trente-cinq prochaines années, pas moins de 17 concessions vont arriver successivement à échéance en Valais (figure 1). Canton et communes pourront donc à nouveau jouir des eaux et acquérir les aménagements construits, selon les modalités légales définies. Une situation qui offre l’opportunité unique de repenser la gestion de ce précieux patrimoine hydroélectrique en collaboration avec les acteurs historiques et les nouveaux partenaires.

Dans cette optique, le Valais s’est doté d’une stratégie lui permettant de maîtriser sa force hydraulique tout en générant de la valeur ajoutée dans le canton. Le Conseil d’État a proposé un modèle qui permet de mettre en œuvre une solution jugée réalisable sur les plans économique, industriel, juridique et politique. Ce modèle a été plébiscité en 2016 au Grand Conseil [7]. Il fixe l’objectif. À l’horizon 2060, les collectivités valaisannes devront détenir au moins 60% des aménagements, dont 30% via les Forces Motrices Valaisannes (FMV). Les communes concédantes pourront chercher des alliances hors canton, solides et complémentaires, jusqu’à hauteur de 40%, parts qu’elles pourront céder aux acteurs historiques ou à de nouveaux partenaires. La démarche poursuit un objectif fédérateur pour l’ensemble des protagonistes et clients qui, en Suisse, ont besoin de cette électricité. En 2021, la procédure et l’organisation pour clarifier les droits de retour et l’utilisation future de la force hydraulique en mains communales ont été détaillées dans un vadémécum par le Service de l’énergie et des forces hydrauliques du Canton du Valais [8]. Un dossier, celui des usines d’Ernen et Mörel sur le Rhône et la Binna, a déjà été traité selon ces nouvelles dispositions. Les dossiers des aménagements des Forces Motrices d’Orsières faisant retour en 2027 ou de Dixence-Cleuson en 2031 sont également pilotés selon ce modèle.
La réalisation progressive de l’Usine hydroélectrique Valais joue un rôle central dans cette transition historique en facilitant la continuité de l’exploitation, en mitigeant les risques industriels, en créant de la valeur et en assurant un développement cohérent de l’hydroélectricité valaisanne au service de la Suisse. À la clé: l’accroissement du portefeuille de la communauté valaisanne ainsi que la création d’une plateforme commune de gestion et de commercialisation avec l’ensemble des partenaires suisses intéressés.
Optimiser le parc et sa flexibilité
La valeur ajoutée majeure de l’Usine hydroélectrique Valais consiste à tirer parti des synergies possibles à un niveau suprarégional entre les installations existantes (figure 2) et à donner aux outils de production les meilleures conditions d’utilisation possibles.
Dans les faits, l’Usine hydroélectrique Valais propose une démarche globale, envisageant à terme, au gré des retours de concession, les 47 centrales valaisannes de plus de 10 MW comme une entité intégrée et décentralisée [9]. Grâce à une approche intelligente des réservoirs, avec un dialogue entre les usines, cette vision coordonnée permet une gestion multifonctionnelle de l’eau par bassin versant et une répartition optimale de la ressource. Elle contribue à une meilleure adaptation de la production aux variations saisonnières et aux besoins énergétiques quotidiens ainsi qu’aux exigences toujours plus élevées en matière de flexibilité en faveur de la stabilité du réseau électrique suisse. Ces améliorations industrielles seront dans l’intérêt de tous les partenaires, valaisans et hors canton.
Développer la force hydraulique
L’Usine hydroélectrique Valais est constituée des aménagements existants. Mais il y a également des infrastructures en projet. Rappelons que la Confédération table sur une production d’hydroélectricité accrue de 2 TWh par an en Suisse. Proactif, le Valais avait déjà réalisé en 2020 un inventaire des possibilités d’extension de la force hydraulique sur son territoire. Identifié par FMV dans une étude à la demande du Canton [10], ce potentiel théorique de production hivernale supplémentaire est estimé à plus de 2,2 TWh par an, impliquant une augmentation de la capacité de stockage de 655 millions de m3. À la suite de cette étude, les acteurs en Valais, soit 13 exploitants et 67 communes concédantes, ont identifié les projets sur une base multicritères. En moins d’un an, 17 projets ont été proposés – dont huit avaient déjà été retenus lors de la table ronde consacrée à l’énergie hydraulique [11] –, puis inscrits au plan directeur cantonal valaisan.
Le potentiel de ces huit projets est de 1,25 TWh par an, soit 60% des objectifs nationaux en matière de production supplémentaire d’énergie hivernale. Le volume additionnel de stockage nécessaire est de l’ordre de 330 millions de m3, ce qui correspond à environ un quart des 1,2 milliard de m3 de capacité de stockage du parc actuel. Ces capacités de stockage supplémentaires auront un impact non seulement d’un point de vue énergétique, mais aussi en améliorant la sécurité dans les vallées et la plaine valaisannes, si l’on se réfère aux inondations de juin 2024.
Il est en effet important de prendre en considération cette dimension sécuritaire dans les huit projets nationaux retenus que sont Griessee (figure 3), Chummensee, Oberaletsch, Mattmark, Moiry, Gornerli, Les Toules et Emosson [12]. L’augmentation des capacités de stockage se fera par le rehaussement de barrages existants, la construction de nouvelles retenues ou l’utilisation des lacs qui se forment avec le retrait des glaciers. L’un des projets importants et bien connus est celui du Gornerli, situé au-dessus de Zermatt. Porté par Alpiq, actionnaire majoritaire de Grande Dixence – qui le met en œuvre –, ce projet devrait renforcer la sécurité énergétique de la Suisse en transférant 650 GWh d’électricité de l’été vers l’hiver et en augmentant la production nette de 200 GWh par an, via les aménagements de Grande Dixence, tout en limitant les risques de crues pour Zermatt [13].

Il existe également un deuxième paquet de neuf projets en Valais, issu de l’étude de base de 2020. Le Canton réfléchit à l’opportunité de conserver ces projets, non retenus par la Confédération dans le cadre de la table ronde consacrée à l’énergie hydraulique. La raison? Compte tenu des difficultés de réalisation auxquelles ne manqueront pas d’être confrontés les huit projets nationaux sélectionnés, il existe un intérêt à disposer d’alternatives qui permettent l’atteinte des objectifs helvétiques de production hivernale supplémentaire. Aujourd’hui, certains projets sont déjà menacés d’oppositions, ce qui inquiète les acteurs de la branche ainsi que les autorités fédérales [14].
Une batterie alpine au service de la Suisse
On le constate, le Valais participe activement à la consolidation de la production hydroélectrique. En misant sur des sources d’énergie renouvelables telles que la force hydraulique, le photovoltaïque et l’énergie éolienne, la Suisse peut progressivement réduire sa dépendance aux ressources fossiles extérieures qui contribuent à l’accélération du dérèglement climatique. Les projets hydrauliques, mais aussi les projets photovoltaïques alpins initiés par le Solarexpress, offrent une opportunité historique de devenir plus vertueux et autonome sur le plan énergétique en créant une véritable batterie alpine au service de la Suisse.
L’Usine hydroélectrique Valais s’inscrit dans cette logique de transition énergétique, optimisant l’exploitation de la ressource hydraulique pour garantir un approvisionnement sûr et performant, en particulier en hiver, grâce au stockage estival permettant un transfert de la production d’énergie vers la saison froide. En favorisant la modernisation et le développement des infrastructures ainsi qu’une gouvernance partagée incluant acteurs locaux et nationaux, elle affirme son rôle pivot dans la qualité et la durabilité du mix énergétique suisse.
Références
[1] «Avenir énergétique 2050», AES, 9 janvier 2025.
[2] «Statistique globale suisse de l’énergie 2023», OFEN, 2024.
[3] www.rkgk.ch/fr/energie.php
[4] «L’union fait la force de l’Usine hydroélectrique Valais», FMV.
[5] «Centrales hydroélectriques en Suisse – Évolution de la puissance et de la production moyenne attendue 1913-2024», OFEN, 5 mai 2025.
[6] Pascal Fauchère, «L’histoire du Valais hydroélectrique en cinq points», FMV, 23 mai 2023.
[7] «Forces hydrauliques», Canton du Valais.
[8] Vadémécum «Retour des concessions », Service de l’énergie et des forces hydrauliques du Canton du Valais (SEFH), 20 avril 2021.
[9] Pascal Fauchère, «Quand 47 centrales valaisannes travailleront ensemble pour la Suisse», FMV, 19 mars 2023.
[10] «Étude de base sur le potentiel de la force hydraulique en Valais», FMV, 27 octobre 2020.
[11] «Déclaration commune de la table ronde consacrée à l’énergie hydraulique», DETEC, 13 décembre 2021.
[12] «Développement de la production hydroélectrique hivernale», SEFH/SDT, Canton du Valais, communiqué du 10 janvier 2024.
[13] «Retenue à buts multiples du Gornerli», Grande Dixence.
[14] Allocution du conseiller fédéral Albert Rösti, Hérémence, 5 septembre 2024.
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