Interview Mobilität

«Recharger, ce n’est pas comme prendre de l’essence»

Infrastructure de recharge et réseau de distribution

25.02.2022

Indispensable, l’électrification du trafic individuel représente aussi un grand défi. Krispin Romang, directeur de l’Association suisse pour l’électromobilité (« Swiss eMobility »), explique pourquoi cette tâche ne peut être résolue que dans un effort commun.

Bulletin : Krispin Romang, pourquoi n’y a-t-il pas déjà bien davantage de bornes de recharge en Suisse ? Où est-ce que ça coince ?

Krispin Romang : En Suisse, nous avons un très bon réseau de recharge public. Chez nos voisins, il y avait, ou il y a toujours des programmes de mise en place nationaux ; néanmoins, nous disposons d’une densité plus élevée de bornes de recharge publiques et, dans l’ensemble, de l’un des standards de développement les plus élevés qui soient. Mais, en principe, toute voiture électrique doit posséder une borne de recharge à la maison. Et c’est là que ça coince. Avec une part élevée de locataires et de propriétaires par étage, nous avons le contexte de départ le plus compliqué de toute l’Europe. C’est pourquoi nous avons été dépassés par l’Autriche et l’Allemagne le trimestre dernier concernant la part de marché des véhicules rechargeables.

Pourquoi ne pas simplement faire en sorte que chaque locataire installe lui-même une borne de recharge ?

Le premier problème commence dès avant l’installation, au niveau de l’autorisation. Le consentement du bailleur est requis. Et, dans les immeubles, la procédure d’autorisation est déjà un mauvais signe, car le « moteur » de l’électrification devrait être le bailleur. Celui-ci devrait proposer aux locataires un système de recharge bien conçu. Autrement, il en résulte des solutions isolées qui ne peuvent pas communiquer entre elles et ne sont pas pilotables. De plus, ce genre de solutions individuelles sont bien souvent surdimensionnées. Au plus tard lorsque d’autres voitures électriques viendront s’y ajouter sur le même lieu, ce qui sera sans doute le cas dans les prochains mois et les prochaines années, ces solutions isolées deviendront des corps étrangers.

Quels sont les plus grands défis pour l’électromobilité en ce qui concerne le raccordement au réseau ?

Nous devons considérer l’électromobilité comme un système global qui comprend la production d’électricité, la distribution et l’utilisation de véhicules rechargeables. Ni les fournisseurs de véhicules, ni les fournisseurs d’énergie ou les gestionnaires de réseau ne peuvent résoudre seuls, exclusivement à partir de leur propre perspective, les défis que pose l’électrification. Notre plus grande tâche consiste bien à rapprocher tous les acteurs et à élaborer ensemble des solutions sensées et viables pour l’avenir. Cela vaut en particulier pour l’intégration de bornes de recharge dans le réseau.

Comment les gestionnaires de réseau de distribution devraient-ils influencer le processus de recharge afin d’empêcher les surcharges dans le réseau de distribution ?

Comme dit, les gestionnaires de réseau de distribution ne devraient pas aborder ce problème seuls. Cela peut mener à des restrictions ou à une discrimination pour l’électromobilité. Les processus de recharge lents sont notamment d’une importance centrale. En Suisse, une voiture est à l’arrêt nettement plus de 23  heures par jour. Si, durant ces périodes, elle est reliée au réseau aussi longtemps que possible, la sollicitation du réseau peut être mieux répartie et le problème de la recharge simultanée le soir disparaît. Mais les chargeurs rapides sont aussi une partie de la solution. Leur profil d’utilisation est quasiment identique à la courbe de production du courant solaire. Et en rechargeant rapidement pendant la journée, on a besoin de moins de courant le soir. La recharge revêt de multiples aspects, et surtout : recharger, ce n’est pas comme prendre de l’essence. Cette mutation culturelle nécessite beaucoup de sensibilisation et d’information, et ce déjà avant l’achat de véhicule.

Ces changements de comportement ne suffiront-ils donc pas ?

Les tarifs présentent un gros potentiel d’influence. La question se pose : faut-il repenser les modèles tarifaires (bas tarif) à travers le prisme de l’évolution du marché de l’électromobilité ? Et, bien sûr, il faut pouvoir piloter intelligemment le plus de processus de recharge possible.

Auteure
Valérie Bourdin

est rédactrice AES.

  • AES,
    1003 Lausanne

 

Biographie

Krispin Romang est directeur de l’Association suisse pour l’électromobilité (« Swiss eMobility »).

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