Article Énergies renouvelables

MBR au service de la biodiversité

Hydroélectricité

27.01.2022

Les droits d’eau acquis et le modèle physique ayant validé son fonctionnement, le projet Massongex-Bex-Rhône (MBR) peut rapidement viser un triple objectif: la préservation de la biodiversité, la sécurité d’approvisionnement et une énergie décarbonée.

Le projet de palier Massongex-Bex-Rhône (MBR) se positionne clairement dans le sens du courant des défis à venir. Petit rappel: en octobre 2021, le président de la Confédération Guy Parmelin appelait le pays à se préparer aux pénuries d’électricité dès 2025, principalement durant la période hivernale. Les hydroélectriciens se trouvent donc face à un triple défi: apporter simultanément leur contribution à la sécurité d’approvisionnement de la Suisse, participer à la lutte contre le dérèglement climatique organisée dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050 et s’engager pour la préservation de la biodiversité.

En octobre 2020, l’étude de base sur le potentiel de la force hydraulique en Valais identifiait différents sites pour augmenter la capacité de stockage de l’eau dans les vallées latérales. Situé à l’extrémité du bassin versant hydroélectrique valaisan, le futur palier MBR exploitera les eaux déstockées par les ouvrages de retenue en hiver. Ce projet – qui ne date pas d’hier – répond donc en tout point à ces trois défis en intégrant de plus le grand projet de la 3e correction du Rhône.

Trois dates clé

1980. Le projet de mettre en valeur la chute complète du Rhône entre Chippis et le lac Léman date de plusieurs décennies. Dans les années 1980, la société Hydro-Rhône SA prévoyait notamment l’implantation de dix usines semblables dans le lit du Rhône, produisant annuellement 780 millions de kWh. Les études réalisées à cette époque ont mis en évidence que le palier hydroélectrique n°8 « Massongex-Bex » présentait les conditions de réalisation les plus favorables. Suite à certaines oppositions formulées à l’encontre du projet, les promoteurs de l’époque avaient décidé d’en repousser la réalisation.

2016. C’est en 2008 que FMV SA, Romande Energie SA et les Services industriels de Lausanne – avec l’appui des cantons concernés – ont décidé de relancer le projet et d’étudier la faisabilité d’un palier de production hydroélectrique sur le Rhône à la hauteur de Massongex en reprenant les études antérieures. Ces études, pilotées par FMV SA, ont notamment permis d’adapter les aménagements du Rhône pour qu’ils soient en conformité avec la législation sur la protection des eaux et le projet de 3e correction du Rhône. Les promoteurs ont déposé les demandes de concession en novembre 2016 auprès des autorités concédantes des cantons de Vaud et du Valais.

2019. Au mois d’août de cette année-là, la décision de créer la société MBR SA a confirmé la volonté des partenaires de poursuivre le projet. La société est détenue à 50% par FMV SA, à 33,33% par Romande Energie SA et à 16,67% par la Ville de Lausanne. En septembre 2020, les cantons de Vaud et du Valais ont chacun octroyé simultanément une concession de droits d’eau pour l’utilisation des forces hydrauliques du Rhône à Massongex – Bex. Un recours a été interjeté par les organisations de protection de la nature contre les décisions de concession des cantons.

Un palier industriel intégré

Le palier MBR est un aménagement de basse chute au fil de l’eau. Le projet est porté par la société MBR SA (50% FMV SA, 33,3% Romande Energie, 16,67% SiL) dont FMV assure la direction technique et administrative. Les droits d’eau sont détenus à parts égales entre le canton du Valais et le canton de Vaud.

Le palier est composé d’une centrale en rive gauche abritant deux groupes Bulbe inclinés (2 x 9,5 MVA) ainsi que d’un barrage mobile comptant 4 passes en rive droite. Avec un débit d’équipement de 220 m3/s, une chute brute maximale de 8,6 m, la production annuelle moyenne est estimée à près de 80 GWh/an. Afin de garantir cette hauteur de chute, le profil du lit du Rhône doit être remodelé, avec un abaissement moyen de 2,0 m en amont et de 3,0 m en aval. Les digues en amont et les berges en aval du palier nécessitent également des ajustements afin de tenir compte de la nouvelle géométrie du Rhône ainsi que des modifications de charges.

Dès la phase de projet SIA 31, le maître d’ouvrage a émis une volonté forte d’intégrer tant les principes de durabilité que d’économicité dans la conception du palier. En se référant à des réalisations récentes de paliers similaires notamment en Autriche, une étude de variantes du concept de la centrale a été menée afin de retenir l’option qui garantisse une exploitation optimale en minimisant les volumes d’excavation et les volumes constructifs. La centrale, située en rive gauche à l’intérieur de la courbe, a ainsi été conçue de sorte à être la plus compact possible. Seul le sas d’accès est apparent. Elle abrite les deux groupes de production ainsi que tous les systèmes auxiliaires. Des ouvertures sont prévues dans la toiture de la centrale pour permettre la manutention des équipements.

Le barrage mobile, prévu en rive droite, est constitué de 4 passes de 15 m de largeur munies chacune d’une vanne segment-clapet permettant l’évacuation d’un débit maximal de 2296 m3/s (crue de sécurité). Les passes sont séparées par des piles de 26 m de longueur et de 2,4 m de largeur pour les deux latérales et de 3,0 m pour la centrale. À l’amont du seuil, il est prévu une couche de pavage en enrochements de 10,0 m de longueur et 2,0 m d’épaisseur pour protéger de l’érosion. Le bassin amortisseur a une longueur de 24,0 m et se termine par une contre-marche positive de 1,20 m de hauteur.

La migration piscicole garantie

La migration piscicole est assurée par une passe technique à fentes verticales pour la montaison et par un canal de dévalaison faisant également office de purge pour le transport flottant. Une attention particulière a été portée au design et au dimensionnement des ouvrages de migration afin de garantir leur efficacité tout au long de l’année et dans les différentes configurations de débit du Rhône. Une grille de type Curved Bar Rack (CBR) agit comme une barrière devant la prise d’eau pour les différentes espèces piscicoles identifiées. La mise en place d’un tel dispositif de protection sur un cours d’eau de l’envergure du Rhône étant un véritable défi, une collaboration a été initiée avec l’institut de recherche VAW de l’école polytechnique de Zurich pour optimiser, à l’aide de modélisations numériques et physiques, les caractéristiques de la grille CBR. Cette manière de procéder garantit au maître d’ouvrage de pouvoir bénéficier des dernières avancées de la recherche afin de les intégrer dans son projet d’exécution.

La mobilité douce à l’honneur

Le palier est aménagé pour permettre son franchissement par tous les modes de mobilité douce (vélo, marche, roller, etc.). Cette traversée est indéniablement un gain à l’échelle régionale, qui permettra une plus grande flexibilité dans les itinéraires, notamment par la création de boucles. La création de ce nouveau franchissement ainsi que l’aménagement d’une piste cyclable en rive droite à l’amont du palier, créent une alternative quant au tracé de la voie cyclable pour rejoindre le verrou de Saint-Maurice. En collaboration avec les communes sites de Massongex et Bex, une zone de détente pour le public a également été planifiée à proximité du barrage. Cette zone sera aménagée avec du mobilier urbain pour offrir une halte aux adeptes de mobilité douce et autres promeneurs. Ceux-ci pourront faire mieux connaissance avec la force hydraulique, le Rhône et la zone nature située directement à proximité du palier.

Des aménagements nature pour la biodiversité

Afin de minimiser les effets du projet, qui portent essentiellement sur le lit du Rhône, les mesures de remplacement et de reconstitution (mesures R+R) visant à équilibrer le projet du point de vue environnemental – voire à apporter un gain par rapport à l’état existant – ont été intégrées au projet. Ces mesures ont été coordonnées avec celles relatives aux milieux aquatiques, afin de développer un concept global reposant sur des objectifs communs, en retenant des objectifs prioritaires déterminés en termes de fonctions, de milieux ou d’espèces cibles. Les mesures R+R proposées au sens de la Loi fédérale sur la Protection de la Nature et du Paysage (LPN) concernent la revitalisation de trois embouchures d’affluents latéraux du Rhône – le Courset, la Rogneuse et l’Avançon – et la création de milieux naturels non soumis à la dynamique du Rhône, dans le secteur des Paluds, pour une surface totale d’environ 8 hectares.

Le secteur des Paluds, directement à proximité du palier, prévoit l’aménagement d’une zone inondable qui sera alimentée par les eaux du torrent de la Grotte aux Fées. Ce ruisseau sera surélevé par rapport aux casiers marécageux. Le fond de la plaine inondable excavé dans le secteur des Paluds se situera approximativement au niveau de la nappe en hautes eaux. À l’intérieur de ces zones humides, des surcreusements sont prévus, entre les niveaux hautes eaux et basses eaux de la nappe. Ces aménagements favoriseront les espèces de la faune et de la flore inféodées aux milieux humides.

L’autre mesure R+R phare du projet MBR – le réaménagement de l’embouchure de l’Avançon – consiste à renaturer le linéaire aval et l’embouchure de l’Avançon grâce à un élargissement du lit et à mettre en œuvre des biotopes humides de part et d’autre du cours d’eau. L’Avançon sera élargi afin de garantir la formation d’une surface maximale de milieux caractéristiques d’un écosystème de type alluvial. Cet objectif sera atteint grâce à la mise en œuvre d’un lit majeur à caractère alluvial ainsi que d’un lit mineur d’une vingtaine de mètres de large garantissant la connectivité piscicole avec le Rhône. Les berges de l’Avançon seront remodelées en pente douce et variable. Leur végétalisation offrira également de nouveaux refuges pour la petite faune.

Une approche globale pour garantir l’acceptabilité

Les récentes déclarations du Conseil fédéral démontrent les défis en termes de sécurité d’approvisionnement, notamment en hiver, auquel devra faire face la Suisse dans un avenir proche. Le temps presse, et il est donc essentiel que des projets tels que celui-ci puissent avancer rapidement pour consolider la sécurité d’approvisionnement du pays. De par sa position privilégiée, à l’extrémité du bassin versant hydroélectrique valaisan, le futur palier bénéficiera des apports des ouvrages d’accumulation situés à l’amont qui déstockeront leur eau principalement en hiver. De fait, environ 45% de l’énergie produite par le palier MBR, soit plus de 35 GWh, seront injectés sur le réseau en période hivernale. Ce projet est donc une réponse concrète aux attentes de la Stratégie énergétique 2050.

Bien que le palier soit localisé dans un site déjà fortement bâti entre l’autoroute, la route cantonale et la voie de chemin de fer, dans un secteur où le Rhône est naturellement canalisé, il doit traverser le sinueux chemin des procédures d’autorisation. Ce chemin est parsemé d’écueils que représentent les nombreuses possibilités de recours que le droit suisse autorise.

Pour réussir un tel projet, le maître d’ouvrage a rapidement constaté que le maintien de la biodiversité constitue une part importante des objectifs à atteindre pour garantir l’acceptabilité globale du projet. Cependant, en parallèle du développement de la biodiversité, le projet doit également répondre aux attentes de la population, des autorités communales et cantonales ainsi qu’à celles d’autres groupements d’intérêts. L’abondance des enjeux à gérer démontre également qu’ils sont interdépendants et que les démarches réalisées pour améliorer la biodiversité auront des impacts notamment sur les contraintes territoriales à respecter. Dès lors, il est absolument nécessaire de mettre en place une démarche participative dès le début du projet. Aux côtés des associations de protection de la nature, les autorités communales et cantonales doivent en être partie intégrante, car ce sont elles qui maîtrisent leur territoire et interviendront ultérieurement comme instance d’approbation. Leur participation garantit donc que les concepts et aménagements proposés puissent être autorisés plus tard.

Dans le développement du projet, il est également essentiel d’identifier et de tenter de préserver les écosystèmes existants. En particulier dans la plaine du Rhône, il est extrêmement complexe de trouver des surfaces pour créer de nouveaux biotopes. Pour répondre à ce défi de gestion du territoire, la préservation de l’existant est dès lors indispensable.

Fort de cette coordination avec les parties prenantes et d’un bilan environnemental positif, le projet MBR possède toutes les cartes pour pouvoir fournir rapidement une contribution à la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays. Le maître d’ouvrage est cependant conscient que, dans le contexte des procédures d’autorisation à obtenir, des possibilités de blocage au niveau local et individuel pourraient encore survenir. Il compte cependant sur l’appui des offices fédéraux compétents et des autorités cantonales pour soutenir le projet de centrale de basse chute au fil de l’eau le plus avancé en Suisse à ce jour. MBR SA et ses actionnaires affrontent sereinement ce défi et désirent soumettre à l’enquête publique le dossier en été 2022 avec l’objectif d’obtenir les autorisations qui permettront le lancement des travaux dans les meilleurs délais.

Synergies entre production énergétique et sécurité contre les crues

Le palier MBR s’intègre dans le projet de 3e correction du Rhône dans le Chablais qui porte sur 15 kilomètres depuis Saint-Maurice à l’amont jusqu’au droit des villages de Vouvry et Yvorne à l’aval.

En fonction de ses caractéristiques géométriques (La hauteur du barrage sera supérieure à 5 m et le volume de la retenue supérieur à 50'000 m3), le barrage MBR sera soumis à la loi sur les ouvrages d’accumulation (LOA), son ordonnance et les différentes directives associées. Son dimensionnement doit donc se conformer à la directive de l’OFEN sur la sécurité des ouvrages d’accumulation. Selon celle-ci, les crues à considérer pour l’analyse de la sécurité des ouvrages d’accumulation sont la crue de projet (Q1000) et la crue de sécurité (PMF = 1,2 x Q1000).

La vérification du passage de la crue a été réalisée sous l’hypothèse d’un niveau normal de retenue. La vérification du passage de la crue de projet est faite en admettant, pour tous les barrages en béton et en remblai, que parmi les «n» organes mobiles de décharge, celui dont la capacité est la plus importante est hors service (règle n-1), le débit de turbinage ne pouvant pas être considéré. Les calculs réalisés ont démontré la capacité du palier MBR à faire transiter les différentes crues, selon les hypothèses ci-dessus, sans mettre en péril l’ouvrage et en respectant les directives de l’OFEN. Les résultats obtenus ont également été comparés avec les essais systématiques sur modèle physique qui ont été réalisés entre janvier et juin 2021 à la Plateforme de Constructions Hydrauliques (PL-LCH) de l’EPFL. Dans le secteur réaménagé, le palier garantit le passage d’une crue de près de 2296 m3/s dans un secteur où le Rhône était initialement dimensionné pour le passage d’une crue centennale de 1489 m3/s.

En parallèle, les essais réalisés sur le modèle physique ont démontré que le concept d’aménagement est satisfaisant du point de vue du comportement hydraulique de l’ouvrage (amont et aval), du transit des crues, du transit sédimentaire ainsi que du transit du bois flottant.

Auteur
Julien Derivaz

est adjoint au directeur Production de FMV SA et directeur de MBR SA.

  • MBR SA c/o FMV SA, 1951 Sion

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