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LED vs OLED

Les OLED suivront-elles les traces des LED dans le domaine de l’éclairage ?

07.12.2016

Alors que les écrans OLED ont déjà conquis le marché des smartphones et font leur apparition dans celui des téléviseurs, la technologie OLED reste encore discrète dans le domaine de l’éclairage. Pourtant, elle présente des possibilités intéressantes, telles que la réalisation de modules flexibles, transparents ou réfléchissants. Leur prix actuel, nettement supérieur à celui des LED, fait certainement partie des freins à leur expansion. Un projet de recherche européen s’est notamment consacré à la réalisation d’OLED imprimées à la manière des journaux sur une rotative.

Quiconque jette un œil de temps à autre aux rayons « télévisions » des grandes surfaces se sera aperçu de l’apparition, ces dernières années, de différents modèles d’écrans OLED (diode électroluminescente organique). Un excellent contraste, des couleurs brillantes, un noir intense, une émission angulaire uniforme (un angle de vision ouvert), une très bonne efficacité énergétique, une extrême finesse de l’écran : rien d’étonnant donc à ce que, depuis leur apparition sur le marché de grande consommation, ces écrans ne cessent de gagner des parts de marché. Dans le domaine des écrans de plus petite taille, tels que ceux des smartphones ou tablettes, leur pénétration est encore plus importante.

Mais qu’en est-il dans le domaine de l’éclairage ? S’il ne fait aucun doute qu’au vu des luminaires en vente dans les grandes surfaces, les LED (diodes électroluminescentes) s’imposent de plus en plus pour l’éclairage intérieur, la pénétration des OLED dans ce secteur est encore quasi inexistante. Pourtant voilà plusieurs années que l’on parle du développement de ces dernières à des fins d’éclairage. Quelles sont donc leurs perspectives dans ce domaine ?

Pour pouvoir répondre à cette question, il est important de comprendre les différences qu’il y a entre les technologies LED et OLED ainsi qu’entre leurs caractéristiques.

Les LED

Les LED sont des composants opto­électroniques à semi-conducteur. Elles sont composées d’une jonction p-n (une diode) qui, lorsqu’un courant la traverse, émet de la lumière lors de la recombinaison dans la zone active des électrons et des trous provenant respectivement des semi-conducteurs de type n et p. De petites dimensions, une LED a une surface de l’ordre du mm2, elles peuvent être considérées comme des sources de lumière ponctuelles.

Les LED blanches sont généralement composées de LED bleues recouvertes d’un luminophore jaune. La première étape de leur fabrication (figure 1) consiste à faire croître une couche de quelques micromètres de semi-­conducteur de type n (donneur d’électrons), typiquement du nitrure de gallium dopé avec des atomes de silicium (GaN:Si), sur un substrat transparent d’une dizaine de centimètres de diamètre, presque exclusivement du saphir. Vient ensuite la réalisation de la zone active composée d’une ou plusieurs couches ultraminces (des puits quantiques de quelques nanomètres d’épaisseur, typiquement en InGaN) au sein desquelles aura lieu l’électroluminescence. Cette étape est suivie de la croissance d’une seconde couche de nitrure de gallium de 200 nm d’épaisseur, dopé cette fois avec du magnésium (GaN:Mg) pour obtenir un semi-conducteur de type p, donneur de trous, aboutissant ainsi à la création de la jonction p-n. Des contacts métalliques sont alors réalisés, le semi-conducteur de type n étant contacté grâce à un trou gravé sur la face avant de manière à atteindre la couche de GaN:Si. La LED bleue ainsi obtenue est finalement recouverte d’un luminophore qui, une fois excité par une partie du rayonnement bleu de la LED, émettra une lumière jaune. [1] La combinaison de ces rayonnements bleu et jaune permet d’obtenir une lumière blanche de forte intensité.

Un grand flux lumineux

Les lampes à LED commercialisées sont composées de plusieurs LED blanches. Elles peuvent être intégrées sous la forme d’une matrice ou de filaments (design retrofit). Elles atteignent actuellement des efficacités lumineuses de l’ordre d’une centaine de lumens par watt, disposent d’un indice de rendu de couleur de 80 ou plus (un indice de 100 correspond au rendu de couleur de la lumière naturelle), affichent des durées de vie (temps après lequel le flux lumineux est réduit à 70% du flux originel) de l’ordre de 15 000 à 50 000 h et peuvent être utilisées avec des variateurs. Finalement, le prix d’une ampoule LED se situe aux alentours d’une dizaine de francs. En résumé, elles consomment peu d’énergie, offrent un grand flux lumineux, durent longtemps et leur prix est tout à fait raisonnable.

Elles présentent toutefois quelques inconvénients. Les LED sont par exemple sensibles à la chaleur : une hausse de température de la jonction et de la couche de phosphore conduit à une réduction de leur efficacité et de leur durée de vie ainsi qu’à une variation de leur spectre d’émission (soit de la couleur émise). Elles doivent donc être équipées d’un dissipateur thermique. De plus, les LED sont des dispositifs de petite surface qui nécessitent une optique pour l’extraction de la lumière et la mise en forme du faisceau lumineux. Ces deux derniers points empêchent la réalisation de lampes de très faible épaisseur. Ensuite, les technologies utilisées pour la production des LED ne permettent pas d’obtenir une homogénéité suffisante des couches sur la totalité de la surface du substrat. Les LED d’un même substrat présentent donc des variations en termes de qualité, ce qui rend nécessaire un tri méticuleux en sortie de production (binning). Finalement, jusqu’à récemment, les LED émettaient une lumière dont le spectre était marqué par un pic d’intensité dans le bleu qui pouvait avoir une influence néfaste sur le rythme circadien. De nouveaux développements ont depuis permis de réaliser des LED émettant dans le violet, atténuant ainsi considérablement l’émission dans les longueurs d’ondes correspondant au bleu auxquelles l’organisme est plus sensible.

Des applications très vastes

Le domaine d’application des LED semble sans limites. Elles sont utilisées aussi bien pour l’éclairage intérieur qu’extérieur. Elles offrent par exemple un éclairage d’excellente qualité, sans UV ni IR, des musées et des rayonnages des magasins. Elles conviennent également parfaitement à l’éclairage de routes ou de bâtiments. Elles offrent de multiples possibilités : il est en effet possible de varier leur intensité ainsi que, pour certaines d’entre elles, leur couleur. Leur forte intensité les rend en outre aptes à des applications dans le domaine de l’automobile ou de l’éclairage de terrain de sport.

Les OLED

Les OLED sont, quant à elles, des sources de lumière plates de faible épaisseur (inférieure à 2 mm) et de relativement grande surface, typiquement 10 x 10 cm2. Leur fabrication est basée sur l’utilisation de plusieurs couches organiques, des couches de molécules à base de carbone. Comme pour les LED, les couches actives sont constituées de matériaux semi-conducteurs (organiques pour les OLED) au sein desquels sont émis des photons lors de la recombinaison d’électrons et de trous.

Les OLED sont réalisées en superposant différentes couches de très faible épaisseur sur un substrat, généralement du verre (figure 2). Ces couches sont disposées dans l’ordre suivant [2] : le premier pas consiste à déposer l’anode transparente sur le substrat, par exemple une couche conductrice d’oxyde d’indium-étain (ITO). Cette étape est parfois suivie de la déposition d’une grille de conduction afin d’accroître la conductivité de l’anode. Le courant nécessaire au fonctionnement des OLED est en effet relativement important, or la conductivité de l’ITO est inférieure de deux ordres de grandeur à celle de la cathode. Diverses couches organiques sont ensuite déposées, en commençant par une couche d’injection de trous (un mélange transparent et conducteur de deux polymères facilitant l’injection des trous dans la couche émettrice). Cette couche est parfois suivie d’une couche de transport de trous. Un ou plusieurs polymères électroluminescents sont alors déposés pour réaliser la zone d’émission. La couleur de la lumière émise par ces polymères est déterminée par la structure des molécules qu’ils contiennent. Vient ensuite le tour d’une couche inorganique d’injection d’électrons très fine (par exemple du calcium ou du fluorure de lithium) et finalement de la cathode, typiquement constituée d’aluminium. L’ensemble des couches actives présente une épaisseur totale inférieure à 500 nm, ce qui correspond environ au centième du diamètre d’un cheveu.

L’OLED est ensuite encapsulée, c’est-à-dire qu’une couche mince d’oxyde de silicium est déposée sur les couches actives, suivie d’une couche d’adhésion (une colle spéciale sur laquelle est fixée la seconde couche de verre). Cette encapsulation offre une protection hermétique à la vapeur d’eau et à l’oxygène, deux éléments provoquant une dégradation irrémédiable des couches actives des OLED ainsi que de leurs électrodes.

Un spectre proche de celui de la lumière naturelle

Les OLED permettent de réaliser des sources de lumière d’intensité variable, non éblouissantes, extrêmement fines, efficientes, émettant une belle lumière diffuse et douce, uniforme dans toutes les directions (émission lambertienne) et ne projetant que peu d’ombre ou une ombre floue (figure 3). Ces caractéristiques réduisent notablement la fatigue oculaire, offrant ainsi un véritable confort aux personnes exposées plusieurs heures par jour à la lumière artificielle. Il s’agit d’ailleurs, à l’exception des ampoules à incandescence, de la source artificielle dont le spectre est le plus proche de celui de la lumière naturelle. Les spectres d’émission des molécules organiques sont en effet plutôt larges et les différents semi-conducteurs organiques utilisés pour obtenir de la lumière blanche émettent des photons de différentes énergies. Finalement, elles n’émettent pas d’UV et, contrairement à certaines LED, elles n’affichent pas un pic d’intensité dans le bleu.

Autres avantages : les OLED produisant naturellement une lumière diffuse, il n’est pas nécessaire d’ajouter d’éléments optiques tels que des diffuseurs. Elles ne génèrent, de plus, presque pas de pertes sous forme de chaleur (leur température en fonctionnement reste inférieure à 35°C) et ne nécessitent donc pas de dissipateur thermique.

Les OLED produites en série [3,4] affichent actuellement une efficacité de 30 à 60 lm/W, un flux lumineux de 800 lm pour une dalle de 32 cm de côté (respectivement de 75 lm pour une dalle de 10 x 10 cm2), un très bon indice de rendu de couleur (85-90), une uniformité supérieure à 85% et une durée de vie (temps après lequel le flux lumineux est réduit à 70% du flux originel) de 10 000 à 50 000 h selon le flux lumineux utilisé.

Comme mentionné plus haut, les OLED sont en principe réalisées sur du verre, ce matériau disposant de nombreux avantages, tels qu’une grande transparence et une très bonne herméticité à la vapeur d’eau et à l’oxygène, tout en étant peu onéreux. En utilisant également un matériau transparent pour la cathode, il est possible de réaliser des panneaux transparents (par exemple des fenêtres) se transformant la nuit en luminaires (figure 4). L’utilisation d’une cathode réfléchissante permet, quant à elle, de réaliser un miroir se métamorphosant en source de lumière (figure 5). Finalement, il est aussi possible de les fabriquer sur des substrats flexibles (figure 6), par exemple sur des feuilles de PET, ce qui réduit encore leur poids, leur épaisseur (inférieure à 0,5 mm) et ouvre la voie à de nouvelles applications.

Design et création d’ambiance

Les OLED sont principalement destinées à des applications dans des domaines privilégiant une lumière douce, agréable et confortable. Cependant, les rares OLED commercialisées actuellement restent relativement chères (50-70 CHF par dalle de 144 cm2 [3]) et sont de ce fait pour l’instant essentiellement utilisées pour des applications haut de gamme, de décoration ou de création d’ambiance. Ceci est dû, d’une part, au fait que le volume de production est encore relativement restreint et, d’autre part, à leur procédé de fabrication incluant notamment l’utilisation d’électrodes en ITO, l’indium étant un élément relativement rare et donc cher.

Divers projets se sont attelés à la recherche d’alternatives pour l’ITO ainsi qu’à la réduction des coûts de production. Les recherches effectuées par le CSEM pour le remplacement de ces électrodes ont par exemple fait l’objet d’un article paru dans le Bulletin 1/2015 [2]. Un projet de recherche européen, le ­projet FP7 TREASORES, s’est quant à lui donné pour but de développer des technologies permettant l’impression de cellules photovoltaïques organiques et d’OLED selon le procédé roll-to-roll (R2R), beaucoup moins onéreux que les procédés usuels utilisés pour la réalisation de tels dispositifs.

Des OLED imprimées à la manière des journaux

Le projet européen FP7 TREASORES (Transparent electrodes for large area, large scale production of organic opto­electronic devices) a permis, de novembre 2012 à octobre 2015, à 9 partenaires industriels, 6 instituts de développements technologiques et 3 universités de 5 pays européens de collaborer au développement de technologies adaptées au procédé R2R pour la réalisation de dispositifs électroniques organiques. Il s’agit là de partir d’un rouleau de feuille PET vierge pour aboutir, après impression des différents composants à la manière des journaux sur une rotative, à un rouleau de cellules solaires organiques ou d’OLED qu’il ne reste plus qu’à découper et à contacter. Pour ce faire, nombre de défis ont dû être relevés. L’un d’eux était constitué par le remplacement du substrat en verre par du PET, malheureusement bien plus perméable à la vapeur d’eau et à l’oxygène. Un autre exigeait l’étude d’alternatives à l’ITO pour la réalisation d’électrodes peu onéreuses, flexibles, transparentes, affichant une bonne conductivité et dont la réalisation soit compatible avec le procédé R2R.

De nouvelles barrières et électrodes

Si l’utilisation de PET en tant que substrat présente l’avantage de pouvoir réaliser des OLED flexibles, sa perméabilité a nécessité le développement de nouveaux films barrières. Les chercheurs sont parvenus à développer des barrières transparentes dont les performances ont presque atteint celles des meilleurs matériaux barrières commercialisés actuellement, mais à des coûts de production réduits d’un ordre de grandeur. Pour ce faire, ils ont utilisé un film de PET muni d’une barrière Ceramis [5] (une couche d’oxyde de silicium dont la stœchiométrie a été optimisée, SiOx) sur lequel une barrière Ormocer [6], un polymère hybride organique/inorganique, est déposé. Une couche adhésive est ensuite appliquée afin de fixer sur la couche Ormocer un second empilement PET-Ceramis-Ormocer sur lequel sera directement déposée l’électrode.

Divers types d’électrodes flexibles et transparentes ont en outre été étudiés pour remplacer l’ITO : film mince d’argent déposé entre deux couches d’oxyde métallique, électrode textile avec incorporation de fils métalliques et électrodes composées de nanotubes de carbone ou encore de nanofils d’argent. Toutes ces électrodes ont permis d’atteindre une transparence égale ou supérieure à celle de l’ITO ainsi qu’une meilleure conductivité de surface. Trois d’entre elles (film d’Ag, électrodes en textile et à base de nanotubes de carbone) sont depuis commercialisées.

Des rouleaux de plusieurs centaines de mètres

Finalement, la technologie basée sur le film mince d’argent compris entre deux couches d’oxyde métallique a été retenue pour la réalisation de rouleaux de PET de plusieurs centaines de mètres intégrant les films barrières et les électrodes, tels que ceux qui seront nécessaires à une future production à l’échelle industrielle. Ces substrats ont notamment permis à l’Institut Fraunhofer FEP (Fraunhofer-Institut für Organische Elektronik, Elektronenstrahl- und Plasmatechnik) de réaliser des OLED présentant une efficacité de 17 lm/W par impression R2R (figure 7). Comme l’indique Frank Nüesch, directeur du laboratoire pour les polymères fonctionnels de l’Empa, professeur titulaire de l’EPFL et coordinateur du projet : «L’efficacité de ces OLED ne constitue pas un record, mais leurs électrodes ont été produites en milieu industriel avec un procédé industriel. Ces développements pourraient permettre, d’ici quelques années, la réalisation d’OLED flexibles à un prix de l’ordre d’une cinquantaine d’euros par m2».

Perspectives

Bien que les OLED émettent une lumière aux propriétés très intéressantes et qu’elles offrent de vastes possibilités en matière d’intégration et de design, il est actuellement difficile de prévoir quel sera leur avenir sur le marché ces prochaines années. Rares sont les produits qui sont commercialisés pour l’instant et les prix restent peu compétitifs.

LG Display a annoncé en mars dernier la construction d’une installation de production de panneaux lumineux de type OLED de la 5e génération (sur des substrats de verre d’une surface de d’1 x 1,2 m2). Le but sera de produire dans un premier temps 15 000 substrats par mois, nombre qui pourra être adapté en fonction de la demande. En augmentant ainsi sa production actuelle, LG Display espère que ce volume accru lui permettra de baisser les prix de ses produits.

Les OLED flexibles imprimées constituent, quant à elles, une option intéressante pour une production à moindre coût. Des rouleaux de plusieurs centaines de mètres de substrat en PET incluant barrière et électrode ont déjà été réalisés par un procédé roll-to-roll peu coûteux au sein d’un projet de recherche européen. Ce procédé a également permis la réalisation de premières OLED imprimées à la manière des journaux. Les couches barrières et trois des quatre types d’électrodes transparentes et flexibles développées dans ce projet sont depuis commercialisées. Un premier pas vers la production en masse d’OLED flexibles, sans indium et peu onéreuses ?

 

Références

[1] N. Grandjean : Le principe de fonctionnement des LED blanches et les développements futurs. Bulletin SEV/AES 1/2014, pp. 23-28, 2014.
[2] G. Nisato, O. Fernàndez, R. Ferrini, S. Nicolay : Les OLED ou la lumière dans tous ses états. Bulletin SEV/AES 1/2015, pp. 36-40, 2015.
[3] www.oledworks.com/
[4] www.lgoledlight.com/index.do
[5] www.amcor.com/businesses/amcor-flexibles/industrial/amcor_ceramis/
[6] www.ormocere.de/

 

Auteure
Cynthia Hengsberger

est rédactrice du Bulletin Electrosuisse.

  • Electrosuisse,
    8320 Fehraltorf

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