Article Énergies renouvelables

Le nouveau laboratoire de l’hydroélectricité

Hydraulique

23.09.2021

La HES-SO Valais-Wallis va contribuer à faire croître les compétences industrielles dans le domaine de l’hydroélectricité. Un partenariat avec Alpiq, FMV et Hydro Exploitation a donné naissance à l’Hydro Alps Lab. Ce futur pôle de compétences, avec son savoir-faire, devrait permettre à l’hydroélectricité de jouer son rôle primordial dans la Stratégie énergétique 2050.

Dans un contexte de changement climatique et de transition énergétique, la Suisse s’est engagée à décarboniser son économie et sa société. Le Conseil fédéral vise l’objectif zéro émission nette d’ici à 2050, ambition qui présuppose une transformation fondamentale de l’approvisionnement en énergie. Une chose est certaine, la voie – déjà engagée – passe par l’électrification et le développement de toutes les énergies renouvelables, dans le cadre d’un mix équilibré et intelligent. Chaque source de renouvelable a son rôle à jouer, y compris la doyenne (parfois oubliée) des énergies renouvelables qu’est la force hydraulique.

Selon les Perspectives énergétiques 2050+ de la Confédération (sur la base du scénario Zéro), la production de l’hydraulique devrait atteindre 45  TWh en 2050 pour pouvoir fournir son apport complet à un approvisionnement sûr et climatiquement neutre. Cette source d’énergie renouvelable devrait développer sa production de 10% (base 2020). Il est donc nécessaire d’assurer la pérennité de l’hydraulique existante par sa rénovation et l’adaptation des installations existantes aux nouvelles réalités technologiques et commerciales. L’hydroélectricité se trouve aujourd’hui face à l’épreuve de vérité entre prescriptions et nécessité de développement.

Un laboratoire spécialisé en Valais

Canton alpin avec la plus grande production hydroélectrique brute en Suisse (entre 25% et 30%), le Valais représente – par sa géographie – un laboratoire naturel par excellence. L’alliance faisant la force, les principaux acteurs dans le domaine de l’hydroélectricité ont décidé de s’allier pour répondre aux enjeux de la Stratégie énergétique 2050. Dans la volonté de développer les compétences autour de la force hydraulique, FMV, Alpiq et Hydro Exploitation se sont associés à la HES-SO Valais-Wallis et sa Haute Ecole d’Ingénierie (HEI) pour créer l’Hydro Alps Lab. Ce dernier ambitionne de mettre en place un centre de compétence dans le domaine de l’hydroélectricité pour pouvoir répondre, dans le cadre de ce partenariat, aux défis qui attendent les propriétaires et les exploitants des aménagements hydrauliques. Il sera question de garantir et d’optimiser une production hydroélectrique flexible, rentable et durable.

Sous la responsabilité de Cécile Münch-­Alligné, professeure HES, le nouvel Hydro Alps Lab va se concentrer en priorité sur les projets relatifs au domaine de la surveillance et de l’amélioration de la production des aménagements alpins haute chute et au fil de l’eau. Les axes de collaboration porteront sur 3 thématiques principales, à savoir l’analyse (de la détérioration des différents composants d’une centrale afin de pouvoir anticiper la maintenance), les simulations numériques (permettant d’optimiser les modes de fonctionnement des machines hydrauliques) et la digitalisation (avec l’intégration des outils de machine learning pour améliorer les performances des centrales).

La future équipe du laboratoire n’en est pas à son coup d’essai. En effet, la HEI peut déjà compter sur son groupe de recherche hydroélectricité, dont les travaux en cours – notamment dans le cadre du programme Sccer-SoE, avec l’exemple du projet Flexstor ( détails ci-dessous ) – viennent déjà alimenter les futures recherches de l’Hydro Alps Lab. C’est déjà Cécile Münch-Alligné, à son arrivée à la HES-SO Valais-Wallis en 2010, qui a mis progressivement en place un groupe de recherche appliquée dans le domaine de l’hydroélectricité. Au départ, ce groupe était spécialisé principalement dans le domaine des machines hydrauliques. «En intégrant les compétences d’autres professeurs de l’école en matériaux, en mécanique et en entraînement électrique, nous avons aujourd’hui une équipe multidisciplinaire d’une quinzaine de personnes, couvrant une grande partie des problématiques liées aux composants qui équipent les centrales hydroélectriques.» En combinant des approches expérimentales et numériques, ces chercheurs travaillent particulièrement sur la flexibilité des aménagements hydrauliques. Voici quelques exemples de projets qui vont alimenter l’Hydro Alps Lab.

Penstock, le clone numérique

Ces dernières années ont vu l’émergence de l’Industrie 4.0 et du machine learning. Ces technologies ne sont que très peu répandues dans le domaine de l’hydroélectricité, principalement en raison du fait qu’elles n’étaient pas disponibles lorsque les centrales ont été construites. L’utilisation d’un clone numérique pour simuler en temps réel le comportement d’une centrale hydroélectrique permet de surveiller les installations, de mieux planifier la maintenance et finalement d’optimiser la gestion d’actifs. Ces technologies ayant un coût, elles doivent être implémentées uniquement sur les actifs qui en valent la peine, c’est-à-dire ceux liés à des risques critiques (dont le coût et/ou la probabilité sont élevés). À l’avenir, les informations du clone permettront également d’évaluer la durée de vie des machines tournantes et des autres organes mécaniques.

Pour la flexibilité des centrales

Le projet de recherche européen Xflex Hydro réunit 19 partenaires, qui ont démarré leurs travaux en 2019 pour une durée de 4 ans. L’objectif est de démontrer la flexibilité des centrales hydroélectriques en implémentant des solutions innovantes, comme le fonctionnement en court-circuit hydraulique des centrales de pompage-turbinage. Le groupe hydroélectricité travaille sur 4 des 7 démonstrateurs, la centrale de pompage-turbinage de Grand-Maison en France, les centrales à accumulation d’Alto-Lindoso et de Caniçada au Portugal, et la centrale de pompage de Z’Mutt de l’aménagement de Grande-Dixence. Pour cette dernière, l’équipe de Cécile Münch-Alligné évalue l’intérêt de la vitesse variable pour augmenter la réactivité et la flexibilité d’une pompe-turbine tout en limitant la fatigue de la machine. «Nous simulons l’écoulement, ainsi que les sollicitations mécaniques pour prédire la fatigue induite sur la machine selon les modes de fonctionnement. Puis, nous réaliserons des essais sur site pour confirmer ces résultats.»

Projet HydroLeap

Ce projet-pilote et démonstrateur de l’OFEN a démarré fin 2020 pour une durée de 4 ans. Un des objectifs est d’évaluer les possibilités de fonctionnement en court-circuit hydraulique des centrales de pompage-turbinage de Veytaux (FMHL & FMHL+). Les chercheurs réalisent des simulations numériques de l’écoulement dans les conduites pour différents scénarios, afin d’évaluer précisément les pertes d’énergies liées à ces nouveaux modes d’exploitation et prédire d’éventuelles instabilités turbulentes qui pourraient affecter le fonctionnement des machines. Le projet se concentre également sur la centrale au fil de l’eau d’Ernen, avec l’objectif de mettre en place une méthodologie pour évaluer la durée de vie de la machine par simulations numériques, des mesures sur site et une analyse des données historiques d’exploitation de la centrale.

L’enjeu de l’exploitation des ouvrages

L’Hydro Alps Lab sera l’occasion de concentrer une partie des activités du groupe de recherche hydroélectricité sur les besoins des trois partenaires industriels que sont FMV, Alpiq et Hydro Exploitation. Il s’agira de renforcer les compétences de tous les acteurs, en particulier dans les domaines de la digitalisation, de l’analyse des données et du machine learning appliqués aux aménagements hydroélectriques. Le laboratoire va travailler sur de nouvelles solutions pour surveiller les centrales vieillissantes et optimiser la production hydroélectrique. De ce fait, la HEI compte bien remplir sa mission d’amener de l’innovation au cœur du canton, dans un but de développement économique et social. Les installations mises à disposition de la recherche vont contribuer au renforcement du pôle de compétence hydroélectricité et à la formation des ingénieurs qui, eux, apporteront la pointe de la technologie pour une exploitation de la force hydraulique 4.0.

Elmar Kämpfen, directeur chez Hydro Exploitation, confirme que «cette collaboration va permettre de créer de nouveaux ponts entre l’industrie et les diplômés de la HES-SO Valais-Wallis.» Spécialisée dans l’exploitation et la maintenance du 70% des aménagements de production électrique dans tout le Valais, cette société rassemble l’ensemble des compétences nécessaires à l’exploitation des ouvrages hydroélectriques – du personnel de maintenance à l’ingénierie. Malgré un pôle d’ingénierie performant, fort de 80 ingénieurs pluridisciplinaires, la société sait que les besoins en personnel qualifié ne s’arrêteront pas là. Exploiter de tels aménagements requiert des compétences spécifiques, appelées à évoluer avec le temps. Ces compétences, Elmar Kämpfen espère bien les trouver grâce à l’Hydro Alps Lab. Dans cette opération win-win, il souhaite une mise en valeur du domaine hydroélectrique et la démonstration de l’attractivité de ce dernier aux étudiants. «Attirer les talents de demain pour en faire un pôle de compétences permettra de pérenniser ce savoir-faire pour que l’hydroélectricité puisse jouer son rôle primordial dans la Stratégie énergétique 2050».

Avec le développement indispensable des énergies renouvelables, la force hydraulique doit avoir les moyens de répondre aux objectifs qui lui ont été fixés par la Confédération. Quant aux principaux propriétaires d’exploitations en Valais, Alpiq et FMV, ils se réjouissent de ce partenariat qui permettra à la force hydraulique, pilier d’un approvisionnement électrique sûr, de répondre à ces attentes et de contribuer également à la propre stratégie énergétique du canton en vue d’un approvisionnement 100% renouvelable et indigène.

Auteure
Valérie Bourdin

est rédactrice AES.

  • AES,
    1003 Lausanne

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