Article Efficacité énergétique , Hardware

La recharge sans fil est-elle efficace?

Étude de l’OFEN sur l’efficacité énergétique et les émissions CEM

24.07.2018

La recharge sans fil des appareils mobiles est de plus en plus appréciée. Mais qu’en est-il de son efficacité énergétique? Et les champs magnétiques émis ont-ils un impact sur la santé? Une étude réalisée sur mandat de l’OFEN répond à ces questions.

Bien que la recharge par induction d’appareils mobiles existe déjà depuis quelques années (Nokia, avec le Lumia 920 et son coussin chargeur, propose la recharge sans fil depuis 2012) et que certains fabricants ont même intégré des stations de recharge dans des meubles, l’écho sur le marché reste modéré. Dans les rapports de tests de smartphones, ce sont généralement d’autres fonctionnalités qui sont mises en avant et qui ont une influence sur leur succès ou leur échec. Aujourd’hui, certains téléphones portables Android et les derniers iPhones peuvent être rechargés par induction.

La recharge sans fil est pratique. Il suffit de poser et d’ajuster l’appareil sur la station de recharge et le chargement commence. Cette technologie ne présente toutefois pas que des avantages: elle soulève des questions en matière d’efficacité énergétique et de rayonnement de champs électromagnétiques. Une équipe de chercheurs de la Fondation pour la recherche en électricité et communication mobile (Forschungs­stiftung Strom und Mobil­kommunika­tion, FSM) s’est penchée sur la question sur mandat de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). Pour mieux comprendre les résultats de l’étude, il vaut la peine de jeter d’abord un œil sur les principes de la transmission d’énergie sans fil.

Principe de fonctionnement

Il existe diverses manières de transférer de l’énergie sans fil. Outre le procédé basé sur l’induction, le transfert d’énergie par micro-ondes, ultrasons ou laser est également envisageable. Ces types de transmission ne sont cependant pas vraiment commercialisables:  ils sont inefficaces et techniquement complexes, par exemple en raison de la conversion de fréquence qui génère des pertes ou d’un rayonnement dans des directions indésirables. La recharge par induction est la plus simple et la plus efficace.

La recharge par induction, comme les transformateurs, implique l’utilisation de courant alternatif. Des fréquences sont générées dans le domaine des kHz ou du début des MHz. Par le biais d’une bobine émettrice, celles-ci produisent une tension dans la bobine réceptrice de l’appareil mobile, qui, une fois redressée, permet de recharger les accus. En comparaison avec les composants utilisés, les longueurs d’onde sont relativement grandes, ce qui limite la quantité d’énergie émise dans l’environnement.

Dans la pratique, il existe deux procédés de transfert d’énergie par induction: le couplage inductif et le couplage par résonance. Le premier est comparable à celui d’un transformateur: les bobines sont spatialement séparées l’une de l’autre. Plus elles sont éloignées, plus le couplage magnétique est faible. Ceci est également valable en cas de décalage latéral des bobines (décentrage).

Dans le cas du couplage par résonance, des capacités sont intégrées dans le circuit secondaire afin que la bobine d’émission et la bobine de réception forment un circuit oscillant. Dans la mesure où un circuit résonant présente un plus grand flux de courant, la tension induite est également plus élevée. Ainsi, un couplage plus faible suffit pour un certain transfert de puissance. La distance et le positionnement des deux bobines est donc moins critique. L’une des difficultés avec le couplage résonant consiste dans le fait que la fréquence d’exploitation et la forme des bobines ne sont pas les seules à avoir un effet sur la fréquence de résonance: le couplage a aussi une influence. C’est pourquoi, dans les systèmes résonants, la fréquence de résonance doit être adaptée électroniquement.

Normes industrielles

Diverses entreprises fabriquent des chargeurs sans fil, un domaine au sein duquel trois standards propriétaires dominent les systèmes: la technologie Qi du Wireless Power Consortium (WPC), introduite en 2008 et intégrée dans certains meubles par Ikea, ainsi que les technologies Airfuel Inductive (Powermat, PMA) et Airfuel Resonant (Rezence) de l’A4WP, l’Alliance for Wireless Power. L’Airfuel Alliance est née de la fusion de PMA et de l’A4WP.

Qi domine actuellement le marché: outre Samsung et Apple, de nombreux fabricants proposent des smartphones certifiés Qi: en tout plus de 900 produits sont désormais disponibles. La technologie Airfuel, moins répandue, est soutenue par Starbucks, Samsung et General Motors.

Les technologies de recharge sans fil sont continuellement en cours de développement. Powermat a par exemple annoncé début 2018 une extension de la technologie Airfuel. La nouvelle station de recharge «Charging Spot 4.0» est équipée de la technologie SmartInductive qui, selon les données du fabricant, est compatible avec tous les standards de recharge sans fil, y compris Qi, AFA inductive, Apple 7,5 W et avec d’autres méthodes de recharge rapide. Comme la plateforme prend en charge des puissances jusqu’à 40 W, elle peut recharger différents types d’appareils, des téléphones portables aux ordinateurs portables, en passant par les tablettes et autres appareils mobiles. Cette technologie permet de transformer des surfaces habituelles en stations de recharge sans fil.

Une efficacité énergétique réduite

Dans la mesure où les chargeurs à induction utilisent souvent la même tension d’entrée que la recharge par câble, c’est-à-dire une tension continue de 5 V, il est clair que la transformation supplémentaire de la tension provoque des pertes. Pour pouvoir transférer de l’énergie sans fil, la tension continue doit d’abord être transformée en tension alternative, puis être à nouveau redressée dans le récepteur. Avec les chargeurs par résonance, une partie de l’énergie transférée est de plus stockée provisoirement dans les deux résonateurs et partiellement transformée en chaleur dans les bobines elles-mêmes et, par les champs rayonnés, dans des objets situés à proximité. En raison de la fréquence utilisée nettement plus élevée qu’avec des chargeurs à induction sans résonance, les pertes dues à l’effet de peau et à la commutation sont plus élevées. Il est donc plus aisé de fabriquer des chargeurs à induction à haut rendement en utilisant le couplage inductif.

Mesures de la consommation lors de l’étude FSM

Sur mandat de l’Office fédéral de l’énergie, la Fondation pour la recherche en électricité et communication mobile a réalisé une étude dont le rapport final a été publié début 2017. [1] Les chercheurs ont sélectionné 5 stations de recharge compatibles avec la technologie Qi (Nexus 5 de LG, Nordmärke d’Ikea, EP-PG920i de Samsung, Qi 1001 de Qinside ainsi que Koolpad de Fone­salesman) et 4 récepteurs Qi (Galaxy S6 de Samsung, l’extension iTian d’iTian, l’iQi Mobile de Fone­salesman et enfin la coque pour iPhone 5 Vitahult d’Ikea). Ils ont également testé l’émetteur PMA Powermat de Duracell et, en tant que récepteurs, la coque de téléphone compatible PMA Ghost Charger d’Incipio et le Powercube de Duracell, un récepteur avec une sortie USB 5 V.

L’efficacité de la recharge sans fil des appareils a été testée de manière anonymisée en laboratoire, puis comparée avec la recharge par câble. La recharge sans fil est la plus efficace lorsque l’émetteur et le récepteur sont orientés de manière optimale et lorsque la distance entre ces derniers est aussi faible que possible. Si le récepteur est mal positionné, non seulement l’efficacité est réduite, mais le courant de charge maximal possible aussi. Si le positionnement est trop mauvais, la bobine de transmission le détecte et le processus de recharge s’interrompt.

L’efficacité énergétique des appareils testés n’était pas particulièrement élevée, mais correspondait aux valeurs prévues de 40 à 55%, sachant que le test ne tenait pas compte des pertes internes dans les appareils récepteurs qui apparaissent aussi bien lors de la recharge sans fil que lors de la recharge par câble. Un mauvais positionnement horizontal de la bobine de réception réduit plus fortement l’efficacité énergétique que le type de modèle du récepteur.

Le mode veille a présenté de grandes différences: tandis que le meilleur adaptateur (recharge par câble) consommait seulement 8 mW, la consommation de veille du moins efficace s’élevait à 220 mW. Cette disparité s’explique par le dimensionnement des chargeurs et par les économies réalisées sur la qualité des composants utilisés. Conformément aux attentes, la consommation de veille des systèmes de recharge sans fil s’est avérée nettement plus élevée: de 70 mW à 2,15 W. On peut dire en gros que la consommation de veille de la recharge par câble (que cela soit sans appareil ou avec un appareil complètement rechargé) est de 100 à 200 mW. Celle-ci est pratiquement deux fois plus élevée pour la recharge sans fil sans appareil. Avec un appareil complètement chargé, elle peut même atteindre 1 à 2 W, soit dix fois la consommation de veille de la recharge par câble.

Ces résultats montrent que la technique n’est pas le seul facteur responsable de la consommation plus élevée des chargeurs sans fil, le comportement des utilisateurs y contribue aussi. En effet, le fait de laisser un appareil entièrement chargé plus longtemps sur le chargeur augmente significativement la consommation de veille. Si l’appareil mobile reste toute la nuit sur l’émetteur, la consommation totale est environ trois fois plus élevée qu’avec un chargeur par câble. Dans le pire des cas, lorsque les adaptateurs et les modules électroniques sont peu efficaces et que l’appareil reste posé sur le chargeur alors qu’il est complètement rechargé, la quantité de courant consommé est même plus élevée que celle requise pour la recharge de l’accu.

Si la technique de recharge sans fil devait s’imposer complètement, un scénario certes irréaliste, la consommation électrique en résultant s’élèverait à quelques pour mille de la consommation totale des foyers, soit une consommation annuelle supplémentaire de près de 30 GWh.

Rayonnement électromagnétique

Pour pouvoir évaluer les effets sur la santé de l’exposition aux champs magnétiques, une comparaison des émissions avec les recommandations relatives aux valeurs limites de base de l’ICNIRP (International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection) a été réalisée. Les fabricants se basent sur les ICNIRP Guidelines de 1998 (0 Hz à 300 GHz) et de 2010 (0 Hz à 100 kHz). Les stations de recharge doivent respecter les valeurs limites relatives à l’absorption des rayonnements par le corps indiquées dans ces recommandations. Dans ce contexte, l’ORNI ne joue aucun rôle dans la mesure où elle ne se rapporte pas aux biens de consommation, mais uniquement aux installations.

Dans le cadre de l’étude, des mesures des émissions magnétiques ont été réalisées dans des configurations données, par exemple les champs rayonnés en mode charge et en mode veille avec un appareil posé sur le chargeur. Il s’est avéré que les valeurs de pointe et effectives des intensités de champ sur la surface d’un chargeur répondant au standard Qi en mode veille peuvent s’élever à quelques centaines de μT. Les courants induits dans les tissus ont également été modélisés numériquement dans le cadre de l’étude. Les résultats montrent que les valeurs limites ne sont pas atteintes: concernant l’absorption énergétique (Specific Absorption Rate, SAR), les valeurs sont dans le pire des cas inférieures aux limites d’un facteur 100 et, concernant l’intensité des champs électriques dans les tissus, d’un facteur 1 à 5. Les stations de recharge sont donc sans danger pour la santé.

Les mesures de l’efficacité ont montré que certaines stations de recharge présentent une absorption de courant relativement élevée, même lorsqu’aucune bobine de réception n’est posée sur l’émetteur. La raison: les stations de recharge doivent toujours être en mesure de détecter la présence d’un récepteur pour pouvoir démarrer le processus de recharge. Avec le standard Qi, ceci est assuré à l’aide d’un «bip numérique» émit périodiquement, une impulsion de l’amplitude maximale d’émission spécifiée, pouvant durer jusqu’à 65 ms. Bien que les impulsions soient brèves, le maximum de la densité de flux (quelques centaines de mT) sur la surface de l’émetteur reste néanmoins du même ordre de grandeur qu’entre les bobines d’émission et de réception pendant le processus de recharge. En mode veille toutefois, le champ n’est pas amoindri par l’appareil récepteur, raison pour laquelle il est important de prêter une attention particulière à ces champs en termes d’émissions et d’exposition. La fréquence de répétition de ces impulsions varie toutefois significativement entre les produits de différents fabricants. Contrairement au standard Qi, avec le standard Airfuel aucun champ magnétique ne peut être mesuré sans appareil récepteur, que cela soit dans le domaine temporel ou fréquentiel.

Référence

[1] Marco Zahner, Jürg Fröhlich, Gregor Dürrenberger, «Energieeffizienz und EMF-Immissionen von integrierten Induktionsladestationen – Schlussbericht», OFEN, 2017.

Liens

Bibliographie

  • ICNIRP (1998). «Guidelines for limiting exposure to time-varying electric, magnetic, and electromagnetic fields (up to 300 GHz). International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection», Health Phys 74(4), pp. 494–522.
  • ICNIRP (2010). «Guidelines for limiting exposure to time-varying electric and magnetic fields (1 Hz to 100 kHz)», Health Phys 99(6), pp. 818–836.
  • Matthias B. Kremp, «Zum Aufladen bitte auflegen», Spiegel Online, 11.10.2017.

 

Auteur
Radomír Novotný

est rédacteur en chef du Bulletin Electrosuisse.

  • Electrosuisse
    8320 Fehraltorf

Commentaire

Aurélien,

Merci pour votre intéressante étude !

Veuillez additionner 2 et 3.