La LED a atteint son objectif
Nouveaux thèmes de recherche
La LED est mûre pour l’éclairage: l’efficacité lumineuse, la qualité des couleurs, la durée de vie et le prix répondent aux attentes. D’autres sujets tels que l’éclairage intégratif et la lumière du jour sont désormais étudiés.
Le concepteur de luminaires Lukas Niederberger a acquis une grande expérience au cours des nombreuses années passées chez les fabricants de luminaires lucernois Baltensweiler et Moos Licht. Baltensweiler fabrique des luminaires haut de gamme pour le secteur privé, tandis que Moos est spécialisé dans les luminaires commerciaux et industriels de haute qualité. Bien que leurs produits diffèrent considérablement, les deux entreprises ont un point commun: les LED se sont établies dans leur domaine. Lukas Niederberger souligne: «Hormis dans des niches de marché très spécifiques, les LED sont incontournables.» Dans certains domaines tels que l’industrie, bien que le tube fluorescent soit encore performant et présente un rendement assez élevé, Lukas Niederberger ne recommanderait plus son utilisation dans de nouveaux luminaires, leur avenir étant incertain. Ce n’est en effet plus qu’une question de temps avant que la production des tubes fluorescents ne soit arrêtée pour des raisons économiques, même s’ils répondent encore aux exigences.

Grâce à leur directivité, les LED présentent des avantages par rapport aux lampes fluorescentes, par exemple dans le secteur industriel lorsque la lumière ne provient pas d’une table mais de luminaires suspendus. L’efficacité des luminaires en est augmentée.
Les chercheurs partagent aussi cette vision positive des LED dans la pratique. Tran Quoc Khanh, professeur en technologie d’éclairage à l’Université technique de Darmstadt, confirme: «Personnellement, je considère que les LED ont de nos jours un net avantage, tant pour l’éclairage extérieur que pour l’éclairage intérieur. Cela va devenir difficile pour les lampes fluorescentes.»
Nouvelles technologies d’éclairage
La prédominance des LED peut être attribuée, d’une part, à leurs propriétés particulières et à leur maturité sur le marché et, d’autre part, au fait qu’aucune nouvelle alternative ne se profile actuellement à l’horizon. L’OLED a bien été considérée comme une technologie prometteuse il y a des années, mais depuis, nous n’en entendons plus parler. La recherche n’a rien donné de vraiment révolutionnaire, bien qu’Osram, par exemple, ait investi beaucoup d’argent afin de prolonger leur durée de vie et réduire leur prix de production. Leur efficacité lumineuse et leur durée de vie laissent à désirer. Pour produire une quantité acceptable de lumière, une plus grande surface est nécessaire, ce qui rend le luminaire bien plus cher qu’avec la LED. Bien que l’OLED soit un sujet de recherche intéressant, elle n’est guère utilisée commercialement pour l’éclairage. Très souvent, les LED permettent d’atteindre le même effet, par exemple un éclairage homogène, et ce, à moindre coût. Le prix à payer se limite alors à une profondeur d’installation légèrement supérieure.
La LED est toujours optimisée
Selon Lukas Niederberger, le prix des LED est encore en train d’être légèrement optimisé, tout comme l’intensité lumineuse, l’homogénéité et la prévisibilité de la longueur d’onde produite: «D’une manière générale, nous avons atteint notre objectif avec les LED. Les LED blanches de faible ou moyenne puissance que Moss utilise atteignent jusqu’à 200 lm/W à 4000 K.» La durée de vie typique est également de l’ordre de 70’000 h, pour autant que les spécifications des fabricants soient respectées.
Nous n’entendons plus parler non plus du rendu des couleurs. Autrefois, la lumière bleuâtre et froide des LED blanches était dérangeante. On trouve désormais dans la pratique des températures de couleur plus agréables. Parfois, un indice de rendu des couleurs (IRC) de 90 est requis, mais selon Lukas Niederberger, la couche de phosphore est alors moins efficace et l’on perd environ 13% de la lumière. Certains s’attendent à ce que le rendu des couleurs soit le plus élevé possible dans tous les domaines d’application. Or, ce n’est vraiment pas nécessaire. Bien entendu, pour les situations d’éclairage exigeantes, par exemple dans les magasins ou les musées, on ne peut se contenter de l’IRC standard de 80, mais dans un bureau, il suffit sans aucun problème. Un IRC de 90, légèrement plus cher, n’apporte aucun avantage notable.

Selon Tran Quoc Khanh, la LED a aussi atteint un niveau élevé. Certains points peuvent toutefois encore être améliorés: «Il reste à trouver comment optimiser les LED vertes à base de semi-conducteurs, produire des phosphores stables ou améliorer encore le conditionnement des LED de moyenne puissance.» Une nouvelle définition de la durée de vie pour les dernières générations de LED est également en cours de développement. Selon Tran Quoc Khanh, la définition précédente se référant à la perte de flux lumineux (L70, L80) est largement dépassée. Pour l’éclairage intérieur, le paramètre critique n’est plus la seule perte de flux lumineux, mais la dérive chromatique. Pour les luminaires HCL (Human Centric Lighting), il s’agit plutôt du décalage de spectre des LED. «On peut néanmoins dire que les préoccupations ont passé du niveau des LED en tant que composants, aux modules, pour atteindre désormais celui des luminaires.
Ne pas négliger l’électronique
Au niveau des luminaires, les efforts se concentrent aujourd’hui, selon Tran Quoc Khanh, sur l’électronique numérique pour la rendre aussi fiable que possible non seulement à température élevée, mais aussi en combinaison avec un haut degré d’humidité, afin que les luminaires puissent fournir des services fiables dans les serres, les pays tropicaux et les halles de l’industrie alimentaire.
Un autre sujet relatif à l’électronique est la gradation. Dans les projets de Moos Licht, on utilise aujourd’hui presque exclusivement la gradation linéaire, c’est-à-dire la gradation réalisée en variant l’intensité du courant. L’alternative, la modulation de la largeur d’impulsion (ou PWM, Pulse Width Modulation), est également relativement courante, quoique moins appréciée car elle peut provoquer des scintillements indésirables lorsque sa fréquence est trop basse. Ce phénomène est surtout visible sur les photos ou vidéos, avec l’apparition de motifs moirés. Mais cela peut aussi affecter le bien-être, même si le scintillement de la lumière n’est pas visible. On soupçonne que les basses fréquences, qui ne sont certes pas perceptibles de manière consciente mais que le cerveau interprète comme des images noires, peuvent provoquer des migraines ou de la fatigue. L’effet stroboscopique généré par la PWM peut être partiellement réduit (avec une fréquence PWM inchangée, par exemple 200 Hz) en décalant dans le temps la commande de certains luminaires LED. Ce problème est inexistant pour les fréquences supérieures à 1 kHz.
Mais la gradation PWM n’a pas que des inconvénients: étant donné que la LED est alors exploitée à un point de fonctionnement identique et aussi optimal que possible, on obtient une qualité de lumière constante et une efficacité similaire à celle de la gradation linéaire. Avec cette dernière cependant, et particulièrement à bas niveau, le degré de tolérance des LED est bien visible: la couleur et l’intensité varient parfois considérablement. Lorsque plusieurs LED fonctionnent avec le même courant, certaines arrivent plus rapidement à leur seuil d’extinction lorsque le courant est réduit, alors que d’autres sont encore allumées. Cette inhomogénéité est particulièrement gênante pour les luminaires de haute qualité.
Le Human Centric Lighting et la recherche
Pour le concepteur de luminaires Niederberger, le Tunable White, ou blanc ajustable, est clairement une tendance. Il existe une demande pour des solutions d’éclairage circadien adaptées au rythme biologique de l’homme. Malgré ce fait, il n’existe encore que peu de solutions sur le marché. L’éclairage centré sur l’homme, ou HCL, étant a priori plus cher que les systèmes d’éclairage conventionnels et ses effets positifs n’étant pas encore clairs, la demande reste souvent en suspens. Si l’augmentation de l’efficacité et du confort des employés pouvait être quantifiée, cela favoriserait l’achat de solutions HCL et justifierait l’investissement supplémentaire.
Björn Schrader, chargé de cours à la Haute école spécialisée de Lucerne et responsable de la plateforme thématique Licht@hslu, précise la manière dont le HCL doit être compris: «Habituellement, le HCL se réfère uniquement aux effets non visuels de la lumière sur l’homme. Or, l’effet visuel ainsi que les aspects psychologiques et émotionnels doivent également être pris en compte. Les trois composantes sont interconnectées. Le HCL doit donc être compris comme une approche intégrative.» C’est pourquoi la Haute école spécialisée de Lucerne préfère le terme «Integrative Lighting» ou éclairage intégratif, également utilisé par la Commission Internationale de l’Éclairage (CIE).
Björn Schrader plaide pour la patience: «La recherche dans le domaine des effets non visuels de la lumière prend du temps et n’avance donc que lentement.» Beaucoup de décideurs sont encore trop peu sensibilisés à cet important sujet ou l’on croit trop vite les services marketing de l’industrie de l’éclairage. Cela suscite des attentes élevées chez les utilisateurs et répand des connaissances superficielles. Au final, ces attentes ne peuvent cependant pas être satisfaites, ce qui nuit à l’industrie de l’éclairage.
Tran Quoc Khanh est également d’un optimisme prudent: «Selon les études menées jusqu’à présent, le changement de la température de couleur au bon moment combiné à une adaptation du niveau d’éclairage tout au long de la journée a déjà produit des résultats clairement positifs dans les maisons de repos, les cliniques et les écoles. La fatigue diminue, tandis que la concentration et les performances augmentent. Il s’agit là d’études des effets à court terme, sur quelques heures, quelques jours ou une à deux semaines. Les effets à long terme doivent encore être étudiés de manière plus précise et complète.»
Ces dernières années, la Haute école spécialisée de Lucerne a soutenu plusieurs projets avec des systèmes d’ajustement du blanc. Ces projets, d’une durée de plusieurs années, étudiaient principalement les aspects de l’effet non visuel de la lumière sur les gens. Ils sont entrés dans la phase finale, et les résultats seront présentés à Bâle, au Swiss Lighting Forum, le 30 janvier 2020.
Selon Björn Schrader, les défis actuels ne résident pas dans la technologie LED, mais dans l’interface entre l’utilisateur, la technologie et une idée de design. C’est pourquoi des approches interdisciplinaires sont nécessaires. Afin de rendre la recherche dans le domaine non visuel plus cohérente et significative, la Haute école spécialisée de Lucerne a développé un dosimètre de rayonnement lumineux de dernière génération permettant d’enregistrer l’historique de l’exposition à la lumière des participants à l’étude. Cela permet de déterminer plus clairement quelle lumière a influencé les processus corporels à quel moment. La norme CIE S 026/E:2018, «CIE System for Metrology of Optical Radiation for ipRGC-Influenced Responses to Light», publiée en décembre 2018, a également été prise en compte dans ce projet.

Mieux utiliser la lumière du jour
L’utilisation plus consciente de la lumière du jour constitue un autre développement actuel dans le domaine de l’éclairage, car elle peut augmenter l’efficacité énergétique et correspond au mieux aux besoins de l’être humain en matière d’éclairage. Björn Schrader souligne: «L’importance de la lumière du jour pour la santé est incontestable, car elle sert aussi à régler notre horloge interne. Il faudra en tenir compte encore davantage à l’avenir.» À la Haute école spécialisée de Lucerne, le container dédié à la mesure de la lumière situé sur le campus de Horw est utilisé pour étudier comment la dernière génération de verres électrochromes peut être utilisée pour exploiter au mieux la lumière du jour.
Cette tendance s’exprime par l’entrée en vigueur, en juin 2019, de la norme relative à l’éclairage naturel SN EN 17037. Celle-ci fournit des procédures d’évaluation, des critères et des indications pour l’éclairage naturel. La mise en œuvre de cette norme représente un défi interdisciplinaire, car elle doit être prise en compte dès la conception architecturale. Il s’agit d’une bonne chose, puisqu’elle contribue de manière importante à la durabilité, à l’efficacité énergétique et, surtout, aux aspects centraux de la lumière pour l’être humain: au bien-être et à la santé.
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