Association AES , Marché de l’énergie

Décentralisation, digitalisation et interconnexion

Rapport sur les univers énergétiques 2018

13.07.2018

Les univers énergétiques sont le schéma de réflexion de l’AES pour l’approvisionnement énergétique de la Suisse en 2035. Le nouveau rapport «Univers énergétiques 2018» est paru début juillet. Il examine sous toutes les coutures la «Tendance 2035 de l’AES» et présente le monde énergétique auquel on peut s’attendre en 2035.

Le projet «Univers énergétiques» de l’AES vise à répondre aux questions suivantes: Qu’est-ce qui est envisageable à l’avenir? Quelles sont les tendances qui se dessinent? Qu’est-ce qui est souhaitable pour l’avenir? Le débat autour de ces questions ne se fonde pas sur des modèles numériques ou des hypothèses quantitatives. Le projet «Univers énergétiques» applique une approche descriptive et adopte un point de vue global sur l’avenir énergétique en 2035. Il décrit quatre univers énergétiques extrêmes, mais envisageables, qui visent à dessiner un vaste espace de développement qualitatif dans lequel s’inscrira, selon toute probabilité, l’évolution effective du monde énergétique. Les quatre univers – Trust World, Trade World, Local World et Smart World – ont été présentés en détail dans le rapport «Univers énergétiques 2017».

Des dimensions et leurs facteurs

La description des univers énergétiques repose sur 15 facteurs décisifs sélectionnés. Ces 15 facteurs sont susceptibles de modifier sensiblement l’avenir énergétique de la Suisse dans les 20 années à venir. Ces facteurs peuvent être classés dans cinq dimensions (figure 1). La «Tendance 2035 de l’AES» décrit le monde énergétique considéré par l’Association comme le plus plausible en 2035, sur la base de l’état actuel des connaissances. Dans le rapport «Univers énergétiques 2018», la Tendance a été réexaminée, adaptée aux tendances actuelles et approfondie. Un premier modèle de marché est proposé pour la «Tendance 2035 de l’AES», et plusieurs modèles d’affaires potentiels en ont par ailleurs été déduits.

La «Tendance 2035 de l’AES»

Depuis le rapport «Univers énergétiques 2017», des évolutions politiques et régulatoires ayant une incidence sur la «Tendance 2035 de l’AES» sont intervenues. D’une part, la Stratégie énergétique 2050 est entrée en vigueur au 1er janvier 2018. Elle prescrit des valeurs indicatives pour le développement des énergies renouvelables ainsi que pour la consommation d’énergie et d’électricité, interdit la construction de nouvelles centrales nucléaires, classifie les énergies renouvelables comme intérêt national et définit des limites en matière de COpour les véhicules.

D’autre part, l’Accord de Paris sur le climat (COP21) a été ratifié: la Suisse se fixe ainsi pour objectif de diminuer de moitié, par rapport à 1990, les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. L’Accord sur le climat et, de ce fait, la Loi sur le CO2 ont des répercussions à long terme sur la rentabilité des agents énergétiques et sur les consommateurs. Dans le secteur du bâtiment, on met actuellement en place le nouveau Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC), ce qui sera achevé en 2020. Le MoPEC prévoit un renforcement des exigences énergétiques relatives au parc de bâtiments suisse, par exemple au niveau de la production d’électricité propre pour les nouvelles constructions.

La «Tendance 2035 de l’AES» (état: 2018) est décrite ci-après.

Dimension «Demande/flexibilisation»

Le soutirage du réseau d’électricité (demande en électricité) augmente sensiblement. La substitution des énergies renouvelables aux sources d’énergie fossiles (couplage des secteurs) entraîne une hausse de la demande. Par exemple, dans le domaine de la chaleur, on a de plus en plus recours aux pompes à chaleur – dont la part atteint environ 80% dans les nouvelles constructions. [1] Le développement de l’électromobilité contribuera lui aussi à la progression de la consommation d’électricité. Les chercheurs du «SCCER Mobility» partent du principe que l’électrification complète du trafic individuel actuel augmenterait d’un quart la consommation d’électricité nécessaire. [2] Autres motifs de hausse de la consommation d’électricité: l’augmentation des appareils électroniques et leur utilisation, ainsi que la croissance démographique et économique.

La «Tendance 2035 de l’AES» part du principe que la consommation propre va augmenter. Cela s’explique d’abord par l’utilisation accrue des batteries et des accumulateurs de chaleur et de gaz, qui s’établiront sur le marché en raison de la chute des prix. Ensuite, le recul des coûts attendu pour les énergies renouvelables soutient la consommation propre. Enfin, la consommation propre est encouragée sur le plan réglementaire par la SE2050, puisque les possibilités pour la consommation propre sont améliorées.

Dimension «Approvisionnement centralisé/décentralisé»

Selon la «Tendance 2035 de l’AES», la part de production décentralisée augmente nettement et s’élève en 2035 à environ 10–25% (uniquement production renouvelable décentralisée). [3] Plusieurs raisons expliquent cette hausse: la SE2050 a pour objectif le développement des énergies renouvelables. La réduction des coûts attendue pour le photovoltaïque et l’éolien accroît la compétitivité des installations décentralisées. Une étude de l’Institut Paul Scherrer table, d’ici à 2035, sur une baisse des coûts de revient en Suisse de 50% pour les nouvelles installations photovoltaïques et d’environ 20% pour l’énergie éolienne. [4] Malgré des structures décentralisées en hausse, l’hydraulique reste indispensable à l’approvisionnement en électricité.

Les secteurs et les réseaux des agents énergétiques que sont l’électricité, le gaz et la chaleur se rapprochent toujours plus jusqu’en 2035 (couplage des secteurs/convergence des réseaux). Le power-to-gas-to-power représente aujourd’hui – avec les centrales hydroélectriques à accumulation – la seule option tangible pour le stockage saisonnier de l’énergie. Les différences de prix saisonnières élevées qui sont attendues pour l’électricité permettront d’améliorer la compétitivité de cette technologie.

La Suisse devra couvrir le besoin supplémentaire en électricité induit par la décarbonation au moyen de capacités de production domestiques ou par des importations. Étant donné que les possibilités d’importation à partir de 2025 seront couplées à des risques en raison de la réduction des capacités de production étrangères et qu’elles auront tendance à diminuer, des centrales à gaz à cycle combiné ou des installations de CCF pourraient alors être utilisées. Ces centrales peuvent aussi fonctionner aux énergies renouvelables, comme par exemple le biogaz.

Dimension «Marchés/UE-CH»

Le degré d’auto-approvisionnement en électricité baisse surtout en hiver, conséquence du recul de la production des centrales nucléaires et de sa compensation seulement partielle par la production issue des énergies renouvelables. Avec l’incertitude concernant les possibilités d’importation en hiver, la capacité d’auto-approvisionnement pour garantir la sécurité d’approvisionnement est cruciale. La forme que prendra l’interconnexion de la Suisse avec l’UE reste en suspens. Le message relatif à l’accord entre la Suisse et l’Union européenne sur le couplage des systèmes d’échange de quotas d’émissions a été adopté. Cet accord permet aux exploitants de centrales suisses d’accéder à un plus grand marché de certificats.

Dimension «Digitalisation»

En 2035, l’approvisionnement en énergie est fortement marqué par la digitalisation. Toujours plus d’appareils sont reliés à Internet et fournissent des données en continu. La quantité et les possibilités d’application offertes par les capteurs augmentent rapidement, car leurs coûts baissent. Les capteurs installés dans les appareils et les installations génèrent un immense volume de données. Les données issues des applications des consommateurs, des installations de production et réseau peuvent être agrégées et exploitées aux fins voulues, comme la gestion de la demande ou l’optimisation de la coordination des installations décentralisées sur la base de l’analyse des données, par exemple.

Dimension «Régulation/interventions étatiques»

Dans le cadre de la révision totale de la Loi sur le CO2, il est prévu de poursuivre l’application des prescriptions en matière d’émissions, et de renforcer celles-ci. En effet, la volonté de réduire les émissions de CO2 a été manifestée par la signature de l’Accord de Paris sur le climat (COP21). Les taxes sur le CO2 sont de ce fait plus élevées. Et des prix plus élevés du CO2 soutiennent la capacité commerciale et la compétitivité des énergies renouvelables.

Modèle de marché de la «Tendance 2035 de l’AES»

Pour la première fois, un modèle de marché a été développé pour la «Tendance 2035 de l’AES». Celui-ci décrit les règles régissant la détermination des rôles, responsabilités et compétences des acteurs. L’élément fondamental du modèle de marché est le degré d’ouverture du marché. Le modèle de marché de l’AES part du principe que le marché de l’électricité, mais aussi celui du gaz seront complètement ouverts. Les interventions étatiques dans la production dans le but de garantir la sécurité d’approvisionnement sont renforcées en raison de l’absence d’un accord sur l’électricité. La faible liquidité du marché suisse limite son caractère fonctionnel. D’autres caractéristiques des éléments du modèle de marché sont décrites dans le rapport «Univers énergétiques 2018».

Dans la «Tendance 2035 de l’AES», le nombre d’acteurs du marché et de modèles d’affaires continue d’augmenter. La frontière entre les producteurs et les consommateurs finaux s’estompe de plus en plus. De nombreux consommateurs finaux interviennent eux-mêmes sur le marché, en proposant de l’énergie, des flexibilités ou des capacités de stockage – ou en se les procurant directement auprès d’autres consommateurs. En 2035, les entreprises d’autres secteurs prennent pied dans l’économie énergétique. D’une part, les entreprises traditionnelles du secteur énergétique continuent d’être actives dans leurs domaines d’activité premiers et se concentrent sur leurs forces ; d’autre part, elles proposent de nouveaux produits et services novateurs, également intersectoriels. Les interfaces avec les secteurs de la mobilité, de l’industrie et du bâtiment, et les possibilités technologiques croissantes associées, ouvrent par ailleurs la voie à d’autres domaines d’activité.

En route vers le «Smart world»

La «Tendance 2035 de l’AES» correspond aux caractéristiques du Smart World et sa dominante se situe par conséquent dans le Smart World (figure 2), qui se distingue par un approvisionnement en énergie décentralisé et interconnecté avec un degré élevé de digitalisation.

Au niveau politique, une brèche dans les négociations avec l’UE sur un accord sur l’électricité pourrait considérablement modifier les conditions-cadres. Au niveau technologique, des innovations dans les technologies de stockage – tels que les dispositifs de stockage virtuels – pourraient largement influencer la tendance. Les répercussions de telles évolutions sur l’approvisionnement en énergie doivent être analysées. C’est pourquoi la «Tendance 2035 de l’AES» sera aussi réexaminée en 2019.

Références

[1]   Groupement professionnel suisse pour les pompes à chaleur.
[2]   Samuel Schläfli, «La mobilité en mouvement », Bulletin SEV/AES 6/2018, p. 14.
[3]   Rapport «Univers énergétiques 2018», AES.
[4]   Bauer, C., Hirschberg, S., «Potentiels, coûts et impact environnemental des installations de production d’électricité«, 2017, sur mandat de l’OFEN.
[5]   Rapport «Univers énergétiques 2017», AES.

Auteur
Frédéric Roggo

était Spécialiste en économie énergétique à l'AES jusque le 31 juillet 2020.

«Outil EAE» de l’AES

Avec l’outil EAE – l’outil des univers énergétiques –, vous apprendrez comment un groupe sélectionné par vous voit le monde énergétique en 2035, ou comment vos collaborateurs classent votre EAE dans les univers énergétiques, aujourd’hui et en 2035. Cet outil est mis gratuitement à la disposition des membres de l’AES.

De quoi s’agit-il?

Dans le cadre des univers énergétiques, l’AES a développé un outil qui permet aux entreprises membres d’étudier en ligne l’avenir énergétique.

Que fait l’outil EAE?

Les entreprises membres de l’AES peuvent interroger en ligne leurs collaborateurs ou un groupe sélectionné sur ce à quoi ils s’attendent pour l’avenir énergétique de la Suisse en 2035. Les entreprises membres peuvent aussi découvrir comment leurs collaborateurs voient la position de leur entreprise d’approvisionnement en énergie (EAE) dans les univers énergétiques – aujourd’hui et en 2035.

Comment fonctionne l’outil EAE?

L’outil contient des sondages sur l’avenir énergétique en 2035 ainsi que sur les activités et les domaines d’activité des entreprises d’approvisionnement en énergie aujourd’hui et en 2035. Les sondages comprennent des questions sur les cinq dimensions des Univers énergétiques de l’AES et sur les 15 facteurs qui y sont inclus.

Que m’apporte l’évaluation?

Les résultats des sondages peuvent être tout de suite analysés en ligne et discutés au sein de groupes sélectionnés. L’utilisation de l’outil peut servir à initier une discussion de groupe et des travaux sur des thèmes comme développement stratégique, développement d’équipe, remaniement des domaines d’activité ou produits existants, développement de nouvelles idées commerciales ou de nouveaux produits ou bien sur des Workshops sur les questions d’avenir dans les domaines thématiques les plus divers.

Pour de plus amples informations sur l’outil et sur l’ouverture d’un compte, rendez-vous sur www.univers-energetique.ch.

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