De l’expertise à l’expérience inédite
Électriciens sans frontières - Suisse, c’est parti!
En septembre, le Bulletin publiait un article annonçant l’intention de Gilbert Suter de fonder une association suisse parente de l’ONG française. C’est désormais chose faite! Mais la toute jeune organisation a besoin de soutien, financier ou sous forme de matériel, et bien sûr de bénévoles. Pas besoin d’être électricien ou d’avoir beaucoup de temps pour participer!
Installer l’électricité dans des écoles au Népal, électrifier un centre de soins au Congo-Brazzaville, utiliser l’énergie solaire pour pomper l’eau en profondeur et offrir enfin un accès à l’eau potable aux habitants d’un village du Togo, former de jeunes Camerounais aux métiers de l’électricité pour qu’ils puissent se construire un avenir... Il ne s’agit là que de quelques-unes des milliers de missions accomplies par Électriciens sans frontières depuis sa création. [1] Fondée en France en 1986, l’ONG compte depuis des associations apparentées en Allemagne, en Italie, en Espagne et, désormais, également en Suisse.
Depuis que le Bulletin a publié l’article de Gilbert Suter, ingénieur électricien HES retraité et adhérent d’Électriciens sans frontières en France, dans lequel il annonçait son désir de créer une structure similaire en Suisse, ce dernier n’est pas resté les bras croisés. [2] Grâce à ses démarches, Électriciens sans frontières - Suisse a été officiellement fondée le 17 novembre dernier au cours de l’assemblée constitutive qui a réuni une vingtaine de membres.
Et maintenant?
Alors, quelles sont les prochaines étapes? De qui et de quoi l’ONG a-t-elle besoin? Comment peut-on contribuer? Qu’est-ce que cela représente de s’engager en tant que bénévole? Qu’en retire-t-on? Deux des fondateurs et membres du comité (ou bureau de gestion) d’Électriciens sans frontières - Suisse, soit Gilbert Suter, son vice-président, et Philippe Perusset, son président et ancien directeur de la Cifer, ainsi que Thierry Sabaïni, chef de nombreux projets d’Électriciens sans frontières France, répondent à ces questions.
La première étape
De la soumission d’un projet à la réalisation d’une mission sur le terrain, une importante préparation est nécessaire. Typiquement, pour une mission d’un mois ou deux sur place, il faut compter un à deux ans de travail en amont. Une fois soumis, le projet doit en premier lieu être évalué par la commission des projets avec la participation d’un chef de projet désigné, et ce, afin de déterminer s’il est conforme aux objectifs de l’ONG: profitera-t-il à une communauté et non à un particulier? Est-il basé sur des énergies renouvelables? La maintenance pourra-t-elle être assurée pendant au moins 10 ans par des personnes que l’on aura formées sur place? Est-il possible de trouver les ressources matérielles, financières et humaines pour le réaliser? «Ce n’est qu’une fois que la commission des projets aura pu répondre affirmativement à toutes ces questions, essentielles pour pouvoir trouver les fonds nécessaires, et qu’elle aura étudié en détail les aspects techniques, financiers et administratifs du projet, bref, qu’elle l’aura validé, que le chef de projet pourra travailler à la préparation concrète de la mission», explique Philippe.
Électriciens sans frontières - Suisse a d’ores et déjà reçu de nombreuses propositions de missions à effectuer au Laos, à Haïti, au Togo, etc., soit en collaboration avec l’association faîtière française, soit de façon autonome. L’un de ses prochains objectifs consiste donc à créer une commission des projets composée de deux ou trois experts ayant les compétences nécessaires pour déterminer lesquels de ces projets peuvent être envisagés.
Un coup d’accélérateur
Électriciens sans frontières - Suisse entretient une collaboration étroite avec l’ONG française. Celle-ci lui met par exemple à disposition toute la documentation nécessaire pour permettre la constitution et la mise en œuvre aussi rapide que possible de l’association, que cela soit au niveau administratif, de la communication ou de la formation.
De plus, la préparation d’un projet requiert au moins une visite sur place afin de déterminer sa faisabilité, de vérifier les critères indispensables à son acceptation et d’effectuer les mesures nécessaires en vue d’évaluer les besoins en matériel pour pouvoir chiffrer précisément le projet. Afin d’économiser sur les frais de voyage, ces visites sont généralement effectuées lors de précédentes missions réalisées dans les environs. L’organisation française dispose ainsi «dans ses tiroirs» de nombreux projets pour lesquels cette mission de reconnaissance a été réalisée, mais qui n’ont pas encore pu être planifiés. Elle en a donc proposé quelques-uns à l’ONG suisse, qui pourra ainsi organiser ses premières missions sur le terrain dans un délai raisonnable.
Il peut s’agir là de projets à un stade très précoce, mais aussi de recherches de bénévoles prêts à se rendre sur le terrain à un moment donné afin de travailler à un projet de longue durée déjà en cours. «Électriciens sans frontières France nous a récemment contactés pour nous demander si nous avions des bénévoles qui pourraient participer quelques semaines à un vaste projet d’électrification de 500 écoles à Haïti ou qui seraient prêts à partir prochainement pour six semaines au Laos», précise Gilbert. «Cela a l’avantage de permettre aux bénévoles suisses de rejoindre des projets à différents stades», ajoute-t-il.
Un premier projet au Cameroun
Dans l’immédiat, Électriciens sans frontières - Suisse va se consacrer à la préparation de son premier projet: l’électrification, dans le quartier Panny de la commune de Penka-Michel au Cameroun, de huit salles de classe, du centre de santé en cours de construction et d’une salle communautaire dédiée à la fabrication d’un engrais naturel par un groupe de femmes. Ce projet avait été proposé il y a quelques temps par Thierry à l’ONG française. «J’ai profité de la mission de formation que Gilbert et moi avons effectuée dans la région en 2017 pour faire une reconnaissance en vue d’un futur projet plus appliqué», explique-t-il. «Ce serait l’occasion d’engager certains des jeunes que nous avons formés et d’avoir ainsi un retour d’expérience sur la mission de 2017», ajoute-t-il.
L’ONG française étant prête à transmettre ce projet à l’ONG suisse, il s’agira dans un premier temps de le réévaluer et de l’affiner, la situation ayant évolué ces deux dernières années. Il sera ensuite présenté le 11 mai prochain à la première assemblée générale d’Électriciens sans frontières - Suisse. En parallèle, il faudra former l’équipe, trouver le financement et organiser le matériel. Celui-ci pourra être acheté sur place ou envoyé depuis la Suisse pour autant que des entreprises de la région le mettent gratuitement à disposition. «Dans ce cas, nous organiserons le dédouanement de manière à ce qu’il soit effectué par des partenaires locaux, une association que nous connaissons déjà, par exemple. Cela nous permettra d’économiser de l’argent et, surtout, beaucoup de temps», précise Thierry avec un sourire. «La complexité du projet ne réside souvent pas dans la technologie. Il s’agit plutôt d’être au fait de la culture du pays et des procédures et, surtout, d’avoir les relations nécessaires pour assurer un déroulement optimal et aussi économique que possible de la mission», ajoute Gilbert.
Un autre point important: il faudra penser à organiser la maintenance des installations pour une durée d’au moins 10 ans après le départ de l’équipe. Le prix du matériel nécessaire pour ce faire doit être compris dans le budget du projet et la main d’œuvre doit être organisée sur place avec le souci de générer un profit pour les personnes impliquées, ce qui créera une motivation naturelle pour que les installations restent en bon état. «Un exemple de motivation? Une mission à laquelle j’ai participé au Laos avait pour objectif de remplacer dans les habitations les lampes à pétrole par de petites lampes à batterie, ces dernières étant rechargées dans un centre alimenté par des panneaux photovoltaïques», se souvient Thierry. «Nous avons formé sur place un responsable de la maintenance de la station de charge. Pour chaque recharge de leur batterie, les habitants lui donnent un montant correspondant à la moitié du prix qu’ils auraient payé pour le pétrole. Il a donc tout intérêt à veiller à ce que son moyen de subsistance fonctionne parfaitement», conclut-il.
Si tout va pour le mieux, la mission pourra avoir lieu à Penka-Michel début ou fin 2020, les mois d’avril à octobre correspondant à la mauvaise saison. Il s’agirait d’un projet idéal pour tester les rouages tout neufs de l’association suisse.
Qui peut contribuer?
Électriciens sans frontières - Suisse compte aujourd’hui plus de vingt membres (personnes physiques) ainsi qu’une association/entreprise (personne morale), Electrosuisse, qui la soutient activement. C’est un bon début pour une ONG si jeune, mais elle ne demande qu’à croître... Elle a notamment besoin de partenaires industriels, prêts à lui fournir du matériel ou à la soutenir financièrement, ainsi que de bénévoles disposés à lui consacrer un peu de temps.
Il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste en installation électrique et d’avoir la possibilité de partir trois semaines à l’étranger pour rejoindre ses rangs. Bien sûr, il y a les missions sur le terrain, mais il y a surtout du travail à effectuer en amont, que cela soit pour la gestion, l’administration, l’organisation, la recherche de fonds et de matériel, la communication, le site Internet, les informations via les réseaux sociaux, etc. Les personnes qui connaissent bien le réseau des électriciens, les entreprises suisses, ou qui ont des contacts avec les communes suisses et les ambassades à l’étranger sont évidemment les bienvenues. Tout comme les personnes issues du génie civil, de la construction, du traitement de l’eau, etc., puisque la vocation d’Électriciens sans frontières consiste à apporter électricité et eau potable aux plus démunis. Tout le monde peut être utile.
Pour ceux qui souhaitent aller sur le terrain, Électriciens sans frontières propose également des formations, par exemple pour apprendre à installer des panneaux photovoltaïques, devenir chef de projet ou se familiariser avec les particularités essentielles de la culture du pays dans lequel aura lieu la mission. «Si l’on procède en Afrique comme on le fait en Suisse, le résultat risque d’être contreproductif. Il est important de comprendre les cultures dans lesquelles on sera immergé», souligne Philippe. «Lors d’un cours que j’ai donné au Cameroun, un adolescent s’est levé et m’a posé une question en gardant sa main devant la bouche. J’ai dû le faire répéter plusieurs fois et, avec un peu d’impatience, j’ai fini par lui demander de retirer sa main. Ce n’est que plus tard que j’ai appris qu’il me manifestait ainsi son respect...», se souvient Gilbert, un peu gêné.
Finalement, pour les personnes actives dans le monde du travail qui n’ont pas la possibilité de faire don d’un peu de temps, mais qui aimeraient marquer leur soutien, il est aussi possible d’adhérer à Électriciens sans frontières - Suisse en tant que membre bienfaiteur. Cela leur permettra de participer de plein droit aux assemblées générales, de recevoir des informations relatives à l’ONG et de contribuer financièrement à sa bonne marche.
Une expérience enrichissante
Bien sûr, participer à un projet et effectuer une mission à l’étranger demande du temps et de l’engagement. Ce n’est pas si facile. «Quand on gère un projet, c’est complexe! Que cela soit avant de partir ou une fois sur place. Il faut résoudre les petits problèmes, mener son équipe, tenir compte de l’interculturalité... Mais quand je sais que, grâce à nos missions, des enfants peuvent faire leurs devoirs le soir, des gens peuvent être soignés à temps, et que la majorité des jeunes qui ont suivi nos formations ont pu trouver un emploi stable et pourront acheter une petite maison, fonder une famille, bref, avoir un avenir, les petits désagréments sont vite oubliés», explique Thierry, l’œil brillant. «Et puis, on passe de bons moments ensemble. Entre nous, mais aussi avec la population locale. Nous avons été invités chez l’habitant, mais aussi à des fêtes de danse traditionnelle, des cérémonies de purification par un sorcier, des funérailles (très joyeuses, d’ailleurs) et nous avons aussi rencontré des rois de divers degrés. Et ce, tout en étant parfaitement intégrés aux villageois, bien loin des expériences proposées par les circuits touristiques. Il s’agit d’une vraie immersion culturelle dans le pays et ses traditions», ajoute Gilbert en se remémorant l’expérience d’une femme dont le douloureux panaris avait été percé par une sorcière au moyen d’une dent de vipère... «Les relations humaines, c’est vraiment ce qu’il y a de plus beau», conclut-il.
S’il est clair que le but d’une mission est de faire profiter les communautés défavorisées de l’expertise des bénévoles envoyés sur place, ces derniers en reviennent, eux aussi, enrichis. Pas financièrement, bien entendu, mais d’une expérience inédite, hors des sentiers battus, avec en outre au fond du cœur le sentiment d’avoir pu et su aider son prochain.
Références
[1] Site Internet d’Électriciens sans frontière France: www.electriciens-sans-frontieres.org
[2] Gilbert Suter, «Électriciens sans frontières – Recherche bénévoles pour la création d’une antenne suisse de l’ONG», Bulletin SEV/AES 9/2018, pp. 81-84. www.bulletin.ch/fr/news-detail/electriciens-sans-frontieres.html
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