Article Automatisation des bâtiments , Efficacité énergétique

De l’air frais à moindre frais

Régulation optimale des systèmes de ventilation et de climatisation

31.07.2017

Le chauffage, la ventilation et la climatisation sont difficiles à réguler correctement. Grâce à un système adaptatif permettant une régulation quasi optimale, y compris pour l’humidité relative ou le débit d’air, les coûts énergétiques ont été réduits de 20% dans deux bâtiments, et ce, sans pertes de confort.

Nos cinq centrales nucléaires nationales suffiraient à peine pour produire les 26'000 GWh consommés chaque année par les entreprises suisses pour le chauffage, la ventilation et la climatisation (CVC). La ventilation et la climatisation (VC) représentent à elles seules près de 20% de cette énergie, ce qui les place au second rang après le chauffage. De plus, la VC correspond également au premier poste de dépense des entreprises suisses en matière d’électricité (environ 30%).

De nombreuses mesures d’économie d’énergie existent pour les bâtiments, mais leur efficacité varie fortement, tout comme leur délai de rentabilité. Au cours des dernières années, améliorer la logique de commande des systèmes CVC existants s’est révélé être une solution peu coûteuse et procurant de bons résultats qui ne nécessite que peu de modifications matérielles au niveau des installations, voire aucune. Ces algorithmes de commande sophistiqués ont provoqué un vif intérêt dans les milieux universitaires et divers systèmes commerciaux sont désormais disponibles sur le marché.

La majorité des régulateurs CVC existants sont des systèmes PID (proportionnels, intégrateurs, dérivateurs) traditionnels non prédictifs qui, entre autres inconvénients, ne peuvent tenir compte des prévisions météorologiques. Cela conduit à une facture énergétique supérieure à ce qu’elle pourrait être et à de fréquentes plaintes des utilisateurs.

La régulation prédictive par modèle (MPC pour Model Predictive Control) des systèmes CVC est une alternative aux régulateurs PID traditionnels qui a suscité un intérêt considérable. Elle s’appuie sur une modélisation mathématique du système contrôlé et sur les prévisions météorologiques pour calculer la stratégie de régulation optimale. Il a été démontré que les systèmes MPC ne peuvent pas être surpassés, tant en termes de coût financier que sur le plan de la satisfaction des utilisateurs.

Mais moderniser un bâtiment existant avec une solution MPC pose trois problèmes essentiels: comment garantir que le bâtiment soit correctement modélisé ? Comment s’assurer que l’exécution des algorithmes soit assez rapide pour permettre une régulation en temps réel ? Comment renvoyer les valeurs de régulation au système existant ?

Neurocool, une solution de régulation prédictive par modèle pour les systèmes de ventilation et de climatisation, apporte des réponses à ces questions. Ce système, développé conjointement par Neurobat AG et le CSEM dans le cadre du projet 15954.1 PFEN-IW de la CTI, est désormais commercialisé [1].

Des modèles qui s’adaptent automatiquement

Toute solution MPC a besoin d’un modèle du système régulé, servant à anticiper l’évolution en fonction des futurs paramètres d’entrée. Ici, le système est l’environnement intérieur, sa température et son humidité relative. Certains systèmes MPC commerciaux dépendent d’un modèle élaboré à l’aide de logiciels spécialisés comme EnergyPlus ou IDA-ICE, mais ceci implique de coûteux frais de mise en service. En outre, il est bien connu que même une parfaite connaissance des caractéristiques du bâtiment (par exemple, les dimensions et les spécificités matérielles) n’est pas suffisante et qu’un certain étalonnage sera toujours nécessaire. [2]

Les modèles adaptatifs, qui apprennent d’eux-mêmes, n’ont pas ces problèmes. Ils s’adaptent de manière continue et automatique au bâtiment régulé, avec une intervention minimale, voire inexistante, de l’utilisateur. Pour y parvenir, ils essayent de prédire en permanence les conditions intérieures (température et humidité relative) en fonction des entrées et comparent ces prévisions à la réalité. Les paramètres internes sont alors mis à jour jusqu’à ce que la prédiction corresponde à la réalité. [3] Les modèles développés pour Neurocool s’inscrivent dans la continuité de ceux développés pour Neurobat, un régulateur de chauffage. [4,5]

Une architecture distribuée

Les systèmes à modélisation prédictive résolvent généralement un problème d’optimisation à intervalles réguliers. Les caractéristiques physiques des unités de traitement de l’air sont telles que ces problèmes d’optimisation, ni linéaires ni convexes, peuvent rapidement se révéler difficiles à résoudre. De plus, l’horizon de régulation doit être au moins égal à la constante de temps du bâtiment (temps de réponse de celui-ci à un changement brusque de la température extérieure) et être discrétisé en intervalles ne dépassant pas quelques minutes. Cela conduit à un problème d’optimisation de grande envergure.

Les ordinateurs industriels actuels n’offrant pas la puissance de calcul requise, une architecture de cloud computing a été développée, où l’essentiel de la charge de calcul est assumé par un serveur. Ce serveur calcule continuellement les paramètres optimums de régulation CVC sur la base des données de capteurs qui lui sont envoyées via une passerelle, un équipement bon marché et simple qui s’installe dans les locaux techniques du bâtiment.

Une passerelle pour l’intégration

L’installation sur site de cette passerelle apporte une solution élégante au problème de l’intégration système: face à la grande variété d’unités de traitement de l’air et de systèmes de régulation associés, comment appliquer les valeurs de régulation calculées sans remplacer le matériel existant ? Le recours à un intermédiaire entre le système de gestion locale du bâtiment et les algorithmes du serveur Neurocool a permis de résoudre ce problème. Cette passerelle prend en charge les protocoles de communication les plus couramment utilisés par les systèmes de gestion des bâtiments (par exemple Bacnet) pour réceptionner les données issues des capteurs du système local et renvoyer les valeurs de régulation à ce dernier (figure 1).

Cette architecture, basée sur une passerelle locale et le cloud, a permis de faire d’une pierre deux coups: elle offre une puissance de calcul suffisante pour gérer un nombre quelconque de bâtiments, tout en simplifiant l’intégration à l’installation locale existante.

De la chambre climatique aux immeubles de bureaux

Avant de le déployer sur le terrain, le système a été testé dans une chambre climatique mise à disposition par la Haute école spécialisée de Suisse occidentale. Cette chambre climatique a permis de tester divers scénarios dans des conditions contrôlées et de valider ainsi la modélisation adaptative du bâtiment et les calculs d’optimisation. [6]

La figure 2 montre, par exemple, comment le responsable d’un bâtiment peut favoriser les économies d’énergie aux dépens du confort intérieur en jouant sur un paramètre λ contrôlant directement ce compromis: plus λ est élevé, plus le niveau de confort ainsi que les coûts d’exploitation augmentent. Neurocool a déterminé que le maintien de l’humidité relative intérieure coûtait plus cher que le maintien de la température. Il privilégiera donc ce dernier au premier, tout en restant en permanence dans les limites de confort fixées. D’autres tests ont consisté à simuler différents schémas d’occupation au moyen de sources de chaleur contrôlables. [6]

Le système a ensuite été déployé dans deux immeubles de bureaux. [7] Ces tests ont montré comment les algorithmes s’adaptaient à des conditions réelles d’occupation et comment ils favorisaient naturellement les économies d’énergie, que cela soit par réduction du débit d’air lorsque cela est possible ou par ventilation directe avec de l’air extérieur.

La figure 3 montre un exemple d’une salle de conférence occupée et présentant un niveau élevé de CO2. Le régulateur a augmenté la vitesse du ventilateur pendant que la salle était occupée et l’a réduite ensuite. Les apports internes ont fait grimper la température intérieure, mais l’augmentation du débit d’air a permis de la maintenir dans les limites fixées.

La figure 4 illustre, quant à elle, un exemple pour lequel le système a choisi, un jour d’été, de ventiler avec de l’air extérieur non traité le matin et l’après-midi dès 14h00. La température de l’air pulsé était alors identique à la température extérieure le matin et l’après-midi, ce qui indique que l’air a été ventilé sans traitement. Ce type de «rafraîchissement naturel» est une stratégie bien connue de réduction des coûts d’exploitation.

Réduire les coûts sans rien modifier (ou presque)

Neurocool a dès le départ été conçu comme une solution se substituant aux systèmes existants de régulation de la ventilation et de la climatisation (VC), mais ne nécessitant aucune modification du matériel en place, hormis l’installation d’une passerelle locale. Des tests approfondis ont permis de valider l’efficacité du produit et de mettre en évidence des réductions des coûts d’exploitation de l’ordre de 20%.

La régulation à modélisation prédictive des systèmes VC deviendra rapidement une réalité commerciale, à l’instar des solutions actuelles de régulation du chauffage. Le casse-tête récurrent des gestionnaires de bâtiments en matière de régulation VC sera bientôt résolu grâce à un système conjuguant une réduction des coûts d’exploitation et la satisfaction des utilisateurs.

Références

[1] Neurocool fait partie de la famille de produits NOL (Neurobat Online) proposée par Neurobat: neurobat.net/fr/nola-nold/

[2] D. Coakley et al.: A review of methods to match building energy simulation models to measured data. Renewable and Sustainable Energy Reviews 37, pp. 143-141, 2014.

[3] Y. Stauffer et al.: NeuroCool: an adaptive, model-­predictive control algorithm for ventilation and air conditioning systems. Clima 2016, Aalborg, Denmark, May 22-25, 2016.

[4] D. Lindelöf et al.: Field tests of an adaptive, ­model-predictive heating controller for residential buildings. Energy and Buildings 99, pp. 292–302, 2015.

[5] neurobat.net/uploads/media/Bulletin_SEV_AES_1208_033-037_Neurobat_04.pdf

[6] Y. Stauffer et al.: NeuroCool: field tests of a model-predictive controller for VAC systems. Energy for Sustainability International Conference, Funchal, Madeira Island, Portugal, February 8-10, 2017.

[7] Y. Stauffer et al.: NeuroCool: field tests of an adaptive, model-predictive controller for HVAC systems. CISBAT 2017, Lausanne, Suisse, September 6-8, 2017, accepted.

Auteur
David Lindelöf

est Chief Technology Officer de Neurobat AG.

  • Neurobat AG
    1217 Meyrin
Auteur
Dr. Yves Stauffer

est chef de projet au CSEM.

  • CSEM SA
    2002 Neuchâtel

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