Conséquences d’un contrôle insuffisant
Exemple tiré de la jurisprudence
Les câbles posés sur un chantier doivent faire l’objet d’un contrôle. En cas d’accident qui aurait pu être évité par une inspection réalisée correctement, les personnes impliquées dans les contrôles ne sont pas seulement passibles d’une amende ou d’une peine d’emprisonnement: elles doivent aussi s’attendre à des demandes d’indemnisation et de réparation pour tort moral.
Dans cet exemple tiré de la pratique, un maître d’œuvre a posé un câble TT pour le raccordement d’une ligne d’alimentation provisoire de chantier requise pour d’importants travaux de rénovation dans un immeuble collectif. Un entrepreneur électricien a ensuite été chargé de raccorder ce câble au tableau de distribution électrique du chantier.
Une fois le câble raccordé au tableau de distribution électrique du chantier, l’installateur-électricien a effectué la vérification initiale. Puis, deux jours après le raccordement du câble, le conseiller en sécurité de l’entreprise d’électricité a procédé au contrôle final. Le rapport de sécurité signé a été remis au maître d’œuvre.
Le samedi suivant, un voisin a entendu un bruit étrange. Il s’est alors rendu sur la terrasse du jardin et y a vu sa voisine allongée à plat ventre sur le sol, à côté du puits de lumière. La personne accidentée a été transportée par hélicoptère à l’hôpital, où elle est décédée quelques heures plus tard.
Enquête
Le câble partait de l’intérieur de l’immeuble et débouchait à l’extérieur via un puits de lumière. Comme la grille de ce dernier s’était déplacée, il y avait un interstice entre celle-ci et le pourtour du puits de lumière, qui était ébréché. C’est par cet interstice que le maître d’œuvre a fait passer le câble électrique. Par la suite, un échafaudage a été monté et le support de l’un de ses pieds a été fixé sur la grille du puits de lumière. Un panneau de coffrage destiné à protéger mécaniquement la grille avait été posé entre celle-ci et le pied de l’échafaudage.
Comme l’échafaudage était en appui sur le puits de lumière, le câble TT a été écrasé. Du fait de cet écrasement et de la fragilité de l’isolation de ce câble, une petite fissure est apparue dans l’isolation de ce dernier, raison pour laquelle la grille du puits de lumière s’est retrouvée sous tension.
Ceci a eu pour conséquence le décès par électrocution d’une personne: alors que les pieds de la victime de l’accident se trouvaient par hasard en contact avec la grille du puits de lumière (grille sous tension), la victime a touché simultanément l’échafaudage, lequel reposait en partie directement sur le sol.
Au tribunal
L’installateur-électricien qualifié et le conseiller en sécurité (inspecteur) auraient dû savoir qu’un câble TT ne convenait pas pour une installation provisoire. Et, bien qu’ils devaient «seulement» connecter le câble, il était de leur devoir d’examiner également la pose du câble sur toute sa longueur.
Le tribunal est arrivé à la conclusion que cet accident aurait pu être évité avec un câble d’alimentation flexible (NIBT 7.04.5.2.2). Il a également estimé que si la vérification initiale et le contrôle final avaient été effectués correctement, cela aurait permis de constater que le câble posé était inadéquat. De plus, les deux électriciens auraient dû remarquer, par examen visuel, que le couvercle du puits de lumière exerçait une pression mécanique sur ce câble.
Jugement
L’installateur-électricien et le conseiller en sécurité ont tous deux été condamnés au pénal pour homicide par négligence.
Concernant les cas d’homicide par négligence, les tribunaux prononcent généralement une peine pécuniaire ou privative de liberté. La peine pécuniaire équivaut à un certain nombre de jours-amende, lequel ne peut toutefois excéder 180. Le montant de ces jours-amende est fixé selon la situation personnelle et économique de la personne coupable. Il s’élève au maximum à 3000 CHF. Dans le cas d’un homicide par négligence, une peine privative de liberté allant jusqu’à trois ans peut être prononcée, dans la mesure où aucun autre délit n’est jugé simultanément.
Les deux personnes condamnées ont également dû prendre à leur charge, en sus d’une peine pécuniaire importante, les frais de procédure (frais de justice et dépens alloués à la partie adverse) à hauteur de 23'000 CHF.
Outre le procès pénal mené par le ministère public et les tribunaux pénaux, l’installateur-électricien et le conseiller en sécurité risquent par ailleurs d’être poursuivis au civil, auquel cas il pourra par exemple être exigé d’eux le versement de dommages-intérêts pouvant s’élever à plusieurs millions de francs suisses.
Conclusions
Une vérification initiale et un contrôle final effectués correctement ont pour but d’empêcher la survenue d’accidents électriques. Car toute installation non conforme techniquement constitue un réel danger pour les personnes, les animaux et les biens matériels. Or, si les contrôles prescrits ne sont pas effectués, ou le sont de manière insatisfaisante, cela peut avoir des conséquences pouvant aller jusqu’à un décès et entraîner ainsi un drame humain pour toutes les personnes concernées par l’accident, y compris pour les membres de leur entourage.
Outre la peine pécuniaire ou privative de liberté, le responsable de l’accident devra également assumer durant toute sa vie les conséquences morales de sa faute ou négligence. Et c’est surtout lui qui devra vivre avec la conscience qu’un contrôle effectué intégralement et correctement aurait permis d’éviter un terrible accident électrique.
On n’insistera jamais assez sur l’impérieuse nécessité, dans l’intérêt de la sécurité électrique, d’effectuer soigneusement et consciencieusement les contrôles prescrits. Afin qu’il y ait sur ce point une meilleure prise de conscience, suivre régulièrement des cours de formation continue est indispensable au sein de la branche des installateurs-électriciens, de façon à ce que leurs connaissances relatives aux normes et à leur application soient toujours à jour.
Bases légales
Ordonnance sur les installations électriques à basse tension RS 734.27 (OIBT)
Première vérification (art. 24, al. 1)
Une première vérification doit être effectuée avant la mise en service d’une installation électrique ou de parties de l’installation électrique, parallèlement à la construction. Cette première vérification doit être consignée dans un procès-verbal. Tous les collaborateurs d’une entreprise d’installation électrique titulaires d’un certificat fédéral de capacité d’installateur-électricien (monteur-électricien) ou d’un diplôme équivalent sont autorisés à effectuer une première vérification (vérification initiale).
Contrôle final propre à l’entreprise (art. 24, al. 2)
Avant la remise de l’installation électrique au propriétaire, une personne du métier selon l’art. 8 de l’OIBT ou une personne autorisée à contrôler (conseiller en sécurité électrique) doit effectuer un contrôle final et consigner les résultats de celui-ci dans un rapport de sécurité selon l’art. 37 de l’OIBT.
Dispositions pénales (art. 42, extrait)
Est puni selon l’art. 55, al. 3, LIE quiconque:
- c. contrevient aux obligations découlant d’une autorisation, notamment:
- 5. en négligeant d’effectuer les contrôles prescrits ou en les effectuant de façon gravement incorrecte (art. 24 et 25).
Loi fédérale concernant les installations électriques à faible et à fort courant RS 734.0 (LIE)
Art. 55, al. 3
Le Conseil fédéral peut prévoir les mêmes peines pour les infractions aux dispositions d’exécution qui soumettent certaines activités à autorisation.
- Les «mêmes peines» sont définies comme suit à l’art. 55, al. 1 et 2:
- Est puni d’une amende de 100'000 francs au plus, à moins que le code pénal prévoie une peine plus sévère, celui qui (...).
- La négligence est punie d’une amende de 20'000 francs au plus.
Norme sur les installations à basse tension SN 411000 (NIBT)
La vérification initiale (6.1), parallèlement à la construction, comprend une vérification par examen visuel (6.1.2) qu’il est recommandé d’effectuer de préférence sur une installation mise hors tension. À ces vérifications s’ajoutent un essai fonctionnel ainsi que différentes mesures (6.1.3).
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