Chauffage à distance
Comment éviter les principaux écueils?
Lors de la mise en place d’un chauffage à distance, les promoteurs du projet rencontrent fréquemment des difficultés, tant sur le plan technique que d’un point de vue humain. Une analyse des barrières potentielles à l’adoption permet d’impliquer les consommateurs dès le début du projet et augmente ainsi les chances de succès.
Les réseaux de chauffage à distance (CAD) connaissent un intérêt croissant en Suisse. Selon les statistiques de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), la consommation finale de chaleur à distance s’élevait à 18290 TJ en 2015 contre 15240 TJ en 2005, soit une augmentation de 20% sur 10 ans. Les ordures ménagères sont le type de combustible le plus utilisé (OFEN, 2016a). Ces CAD fleurissent tant dans les villes que dans les villages et sont considérés à 50% comme une énergie renouvelable.
L’Energy Management Lab a participé activement aux phases de planification de plusieurs CAD en Suisse romande. Nous souhaitons partager ces expériences acquises avec deux exemples très différents afin de mettre en lumière les écueils potentiels dans des contextes d’implantation variés. Le premier, initié par une commune, sera réalisé à Saint-Martin, un village dans les montagnes valaisannes. Le second, mené par l’entreprise Sogaval, sera construit dans la ville de Sion.
Problématique
Lors de la mise en place d’un CAD, les promoteurs du projet rencontrent fréquemment des difficultés, tant sur le plan tech-nique que d’un point de vue humain. En effet, ce type d’installation nécessite des investissements initiaux importants et une taille critique afin d’en assurer le fonctionnement et la rentabilité. Le porteur de projet doit donc convaincre les consommateurs de chaleur à proximité de se raccorder au nouveau système, de manière facultative ou obligatoire. Selon la localisation du CAD, les problématiques divergent également. À titre d’exemple, le seuil de densité de consommation de chaleur sera plus difficilement atteignable dans le cadre d’une installation villageoise que dans celui d’une ville.
Dans ses activités de recherche appliquée et de conseil, l’Energy Management Lab propose notamment aux entreprises et aux autorités publiques ses compétences en matière d’adoption de solutions énergétiques renouvelables. Une étape clé en amont du déploiement consiste en une analyse approfondie des barrières potentielles à l’adoption par les prospects grâce à des études qualitatives et quantitatives. Elle permet d’impliquer les consommateurs de chaleur tôt dans le processus de planification, de cocréer avec eux la solution énergétique et ainsi d’anticiper les écueils potentiels.
Méthodologie
Le rôle du contexte local étant très important, l’analyse du macroenvironnement avec le modèle Pestel a été réalisée et permet de structurer les barrières potentielles en six catégories: politique, économique, sociologique, technologique, environnementale et légale. La perception des prospects étant centrale lorsqu’il n’y a pas d’obligation de se raccorder, nous avons donc collecté les données de manière qualitative lors d’entretiens en face à face avec des consommateurs de chaleur (résidents, entreprises privées et publiques). Nous avons également étudié les barrières à l’adoption par des observations, lors de séances d’information à la population. Les perceptions des prospects sont reportées sous forme de verbatim anonymisés dans le présent article. Une étude quantitative par questionnaires auprès des résidents a également été réalisée dans le cadre du CAD de Sion.
Les barrières à l’adoption d’un CAD
Pourquoi étudier les barrières contextuelles à l’adoption des technologies? Dans le domaine du développement durable et de l’énergie, les leviers motivationnels relatifs à l’adoption sont souvent plus évidents et s’expriment plus spontanément, lors d’un entretien qualitatif par exemple.
Au contraire, les barrières à l’adoption peuvent être tacites, soumises à des biais de perception comme par exemple l’image que l’on souhaite projeter de soi, et s’exprimer uniquement grâce à des signaux faibles qu’il s’agit d’interpréter.
Un modèle intéressant basé sur le marketing social est proposé par McKenzie-Mohr: le «Community-based social marketing» (2000). Il intègre les barrières en tant qu’élément central à dépasser grâce à des stratégies ciblées et à des pilotes sur le terrain. Dans la partie suivante, les résultats des études réalisées seront structurés grâce au modèle Pestel précédemment énoncé. C’est une première phase qui devrait précéder le codéveloppement de pilotes sur le terrain avec les consommateurs de chaleur et les autres parties prenantes telles que les autorités publiques et les entreprises locales.
Politique
Les pouvoirs publics nationaux, régionaux et communaux ont un rôle central. Au niveau national pour fixer les politiques énergétiques en vue de la transition énergétique; au niveau cantonal, des subventions peuvent favoriser le développement des projets; au niveau communal enfin comme porteur de projet, seul ou au sein d’un partenariat public-privé (par exemple services industriels, usines d’incinération des déchets…).
En Valais par exemple, le canton subventionne l’installation si elle remplace un chauffage fonctionnant avec une énergie fossile et si au minimum 75% de la chaleur provient d’énergies renouvelables ou de rejets thermiques. D’autres cantons proposent des subventions similaires. Une partie des communes a établi une politique énergétique, ainsi qu’une planification territoriale utile à sa mise en application. Bien que la grande majorité des CAD soit initiée par les autorités communales ou par des services industriels, la commune a le choix de soutenir ou non la mise en place du projet.
Dans la commune de St-Martin en Valais, l’installation reliera des bâtiments publics et privés au cœur du village et ce projet est porté par l’autorité communale avec le soutien de l’Energy Management Lab. Louis Moix, ancien président de la commune de Saint-Martin et initiateur du projet, explique: «Les communes sont les plus à même d’initier des projets de CAD, et ce, pour deux raisons: la commune a connaissance des particularités régionales liées à l’énergie utilisée (type de chauffage, etc.) et, de plus, elle peut mobiliser plus facilement les citoyens autour d’un projet qu’un particulier.» Par ailleurs, il précise que cela ajoute de la crédibilité au projet.
Économique
La construction et le fonctionnement d’un chauffage à distance implique des coûts importants. Premièrement, le coût des différents combustibles influence la rentabilité économique d’un projet. Le prix du pétrole, qui est actuellement extrêmement bas, a chuté de 75% de juin 2014 à mi-février 2016 (OFEN b, 2016). Le prix du gaz est lui aussi relativement bas et devrait le rester selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE, 2016). Les pellets, quant à eux, ont un prix similaire à celui du mazout. En novembre 2016, un kilowattheure de pellets coûtait 7.49 cents contre 7.41 pour le mazout (Prix Pellets, 2016). Cette similitude est probablement due aux adaptations des prix du pellet au prix de son concurrent fossile.
Selon un benchmark des prix des différents CAD effectué par l’Energy Management Lab en 2015, le prix du kilowattheure de chaleur est indexé principalement au prix du pétrole, quel que soit le combustible utilisé. Un des avantages indéniables des CAD distribuant des énergies renouvelables est justement une dissociation possible entre le prix de la chaleur et le prix des énergies fossiles. Cet élément doit être présenté aux futurs clients et être considéré comme un argument de poids lors d’une augmentation potentielle du prix de l’énergie fossile.
Une économie d’échelle est également nécessaire car les coûts induits par les fouilles liées à la pose des raccordements sont relativement élevés. Il faut donc avoir un maximum de raccordements sur le parcours de la conduite et éviter le raccordement de quelques bâtiments épars au sein d’une agglomération. Le parcours des conduites doit alors être optimisé pour minimiser la longueur des tuyaux tout en maximisant le nombre de raccordements.
Le coût des études préliminaires et des différentes variantes est aussi à prendre en compte car elles correspondent à environ 10% du coût total, soit un montant non négligeable. Par ailleurs, il est parfois judicieux de se limiter à un nombre de variantes raisonnable afin de conserver une vision claire du projet.
Le coût total d’un CAD dépendra principalement de la distance à parcourir, du nombre de raccordements et de la puissance souscrite. Des prévisions sont donc nécessaires, d’autant plus que le coût du changement est un critère décisif lorsque l’on demande directement à la population son intérêt pour l’installation. Malheureusement, il n’est pas simple de répondre précisément à cette question tant que l’on ne connait pas le nombre exact de raccordements. Nous pensons qu’il est primordial de présenter aux citoyens une vision détaillée du prix d’installation et de les rassurer en mettant les bonnes informations à leur disposition. Durant les nombreux entretiens effectués, il est apparu que les interrogés souhaitaient bien souvent obtenir un nouveau chauffage au même prix que celui de leur installation actuelle. Une administratrice d’un immeuble nous disait d’ailleurs: «Le raccordement au CAD ne devrait pas coûter plus cher que le changement de la chaudière à gaz.». Un chiffre exact est peu utile car la majorité des personnes ne savent pas à combien se monte la facture de leur système de chauffage. Il vaut mieux leur donner une comparaison du coût global du chauffage à distance avec le coût global de leur présente installation.
Les gérances d’immeubles ont soulevé un élément important en relation avec la location des bâtiments. Comme ils représentent les intérêts des propriétaires, ils essaient d’avoir des charges les plus basses possible afin d’augmenter la part du propriétaire. Une responsable l’expliquait avec les propos suivants: «Un locataire paie 1600.- CHF/mois par exemple. Que ce soit 1200.- CHF de loyer et 400.- CHF de charges ou 1500.- CHF de loyer et 100.- CHF de charges, le locataire paie toujours 1600.- CHF. Donc plus vous allez réduire les charges, plus vous pourrez augmenter la part du loyer, celle qui revient au propriétaire.». Cet élément joue aussi un rôle dans la compétitivité des immeubles. Par contre, la prise en compte des frais de chauffage pour les baux à loyer d’habitation est régie par l’Ordonnance sur le bail à loyer et le bail à ferme d’habitations et de locaux commerciaux. Il faut donc s’assurer que les frais de chauffage respectent bien cette ordonnance, sans quoi il y aurait un risque de contestation des frais facturés aux locataires.
Social
Dans le cadre du chauffage en général, la question du confort est centrale car c’est l’un des besoins physiologiques illustrés dans la pyramide de Maslow (1943). Le concept de confort varie de manière importante en fonction de la culture de la région d’implantation. En Suisse, la société suisse des ingénieurs et des architectes SIA recommande une température maximale de 21°C dans les logements alors que cette température peut sembler élevée pour nos voisins français. C’est un point important si on tient compte du fait que chaque degré supplémentaire représente une hausse de consommation de 7% environ. Cette notion de confort varie aussi en fonction du public cible, notamment les aînés ou les enfants en bas âge. C’est le cas du chauffage à distance de St-Martin qui devra alimenter «la Maison des Générations» regroupant des lieux de vie pour ces deux publics cibles aux besoins spécifiques.
«Comment le gestionnaire du CAD peut s’assurer que son installation disposera de la quantité de ressources nécessaires pour alimenter tous les immeubles raccordés?» «Est-ce que le bâtiment placé à la fin du réseau aura assez de chaleur à disposition pour son chauffage?» «Est-ce que l’installation fonctionnera annuellement et 24 heures sur 24?» En résumé, la question de la garantie du confort des occupants revêt une importance capitale pour les exploitants d’immeubles. La fiabilité est donc l’un des critères principaux. Un hôtelier de la région précisait: «S’il faut payer un peu plus pour la fiabilité, on le fait». Le fait d’externaliser le chauffage leur permet également de se concentrer sur leur activité principale et de ne pas devoir se soucier du fonctionnement du chauffage. «On recherche aussi la tranquillité, il faut que ça fonctionne bien» ajoutait un responsable d’entreprise. Le contracting est donc une option à considérer et qui permet de contourner les barrières de manque de trésorerie.
Un des leviers d’action des réseaux de CAD est lié à l’utilisation de combustibles locaux. En effet, l’approvisionnement local renforce indéniablement l’économie régionale. Dans le cas de St-Martin, un forestier utilisera le salaire perçu pour l’achat d’autres biens, et ce, certainement dans la région. Les CAD sont donc de bons exemples d’économie circulaire et l’illustration visuelle de la provenance peut jouer un rôle clé dans la compréhension des acteurs du territoire, à l’image des pétroliers qui doivent parcourir de grandes distances pour nous approvisionner en énergie fossile.
Écologique
Dans les deux situations étudiées, il s’agit d’un gisement d’énergie peu exploité et d’une énergie régionale (déchets ménagers et bois issu du triage forestier). Cela motive grandement les citoyens à se raccorder à la nouvelle installation. Une administratrice d’immeuble disait au sujet du CAD alimenté par les ordures ménagères que cela permettait «d’utiliser l’énergie qui part en fumée».
«Il faut trouver le juste milieu entre le prix et l’environnement», nous expliquait une autre personne. Un éventuel surcoût pour l’utilisation d’énergies renouvelables peut être acceptable «s’il correspond au maximum à 10% du coût du combustible non renouvelable», nous précisait une administratrice d’immeuble. La majorité des personnes interrogées est prête à payer un petit surcoût, compensé par la provenance régionale de l’énergie.
Dans le cas de Sion, une minorité des personnes pensent que les ordures ménagères ne coûtent rien et donc que le coût de l’énergie devrait être moindre. Certains perçoivent même la taxe au sac comme une sorte de «barrière à l’adoption d’un CAD» et refusent de payer plus cher l’énergie produite par la combustion des déchets ménagers car ils considèrent qu’elle est déjà payée via cette taxe. Bien que cette perception ne soit pas directement liée à la production de chaleur, elle a été mentionnée à plusieurs reprises par les consommateurs de chaleur.
Par ailleurs, l’impact environnemental d’une installation à distance est moins important que celui d’une installation individuelle, les réglages sont généralement mieux effectués et les émissions s’en trouvent réduites. Les services de l’environnement s’attachent notamment à la diffusion des CAD car ils contribuent à diminuer les émissions de CO2.
Technologique
Sur le plan technologique, il importe de choisir le combustible le mieux adapté à la situation et correspondant aux besoins. Par ailleurs, un système de secours est à planifier dès le départ pour éviter les ruptures d’approvisionnement et garantir le confort. De plus, d’après nos expériences, une densité de 3000 kWh minimum par mètre linéaire est essentielle à la bonne rentabilité de l’installation.
Le tracé est également un facteur très important. Il doit suivre des contraintes économiques et non techniques et chercher à raccorder le plus rapidement possible les grands consommateurs. Le promoteur doit aussi savoir dire «non» à un raccorde-ment trop éloigné qui nuirait à l’efficience globale du chauffage. À Saint-Martin par exemple, un certain nombre de bâtiments ne seront pas raccordés car ils se trouvent trop éloignés de la chaudière. Il incombe au promoteur de faire preuve d’imagination quant aux solutions de construction en utilisant toutes les opportunités de réduction des coûts de mise en œuvre. Une mutualisation des coûts avec d’autres travaux de fouilles, comme par exemple la pose de fibre optique, constitue une bonne piste de réflexion.
Le timing du projet est essentiel également. En effet, le promoteur doit être en mesure de soumettre une offre au bon moment en anticipant les éventuels changements de chaudière des principaux bâtiments à proximité. On peut représenter sous forme matricielle le degré d’urgence pour changer la chaudière et la propension des consommateurs à se raccorder pour définir un ordre de priorité. Si plusieurs bâtiments interrogés devront prochainement changer leur chaudière pour différentes rai-sons, il est donc important de les approcher et, si besoin, de leur proposer une alternative en attendant le raccordement défini-tif au CAD.
Légal
De nombreuses bases légales entrent en vigueur pour la construction d’un CAD. L’installation doit respecter l’ordonnance sur la protection de l’air (OPair) régissant les normes applicables aux combustibles, ainsi que la charge polluante admissible dans l’air. Cette ordonnance définit notamment la hauteur de la cheminée, car selon l’article 6, al. 2, «leurs rejets s’effectueront en général au-dessus des toits, par une cheminée ou un conduit d’évacuation». Il s’agit d’un élément à prendre en compte lors du choix du site d’implantation. En fonction des paramètres, la hauteur de cheminée peut être relativement élevée. À Saint-Martin, une variante proposait une cheminée d’une hauteur supérieure de 8 m à la hauteur du toit le plus élevé aux alentours de l’installation, variante rapidement abandonnée. L’ordonnance définit également les valeurs limites d’émission à respecter en fonction du type de combustible.
L’Association suisse des exploitants d’installations de traitement des déchets a signé en 2014 une convention avec le Département fédéral pour l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication afin de réduire leurs émissions de CO2 d’ici 2020. La production de chaleur et d’électricité par ces usines contribue indirectement à la réduction des émissions. Cette convention constitue donc une incitation légale à la réalisation de CAD. Le graphique de l’Association suisse des exploitants d’installations de traitement des déchets (figure 2) montre le pourcentage de chaleur et d’électricité produites par installation en 2015, ainsi que la quantité de déchets revalorisés (taille des cercles). Toutes les usines situées en dessous de la droite présentent un intérêt car elles font l’objet d’un fort potentiel d’amélioration.
D’autres obligations légales favorisant la réalisation de CAD sont les plans de quartiers et les règlements communaux. Une commune dans le Bas-Valais oblige les nouvelles constructions se trouvant dans le périmètre du CAD à s’y raccorder.
Quel est l’apport du Living Lab pour éviter les écueils?
L’Energy Management Lab propose d’étudier les barrières à l’adoption du CAD in situ, c’est-à-dire sur le lieu de consommation de chaleur, dans l’entreprise ou dans le logement. Puis, dans une approche de Living Lab ou de laboratoire vivant, toutes les parties prenantes participent au développement de la solution pilote qui a pour objectif de contourner les barrières à l’adoption: autorités publiques (communes de St-Martin et de Sion), entreprises (distributeurs d’énergie, bureaux d’ingénieurs, fournisseurs de combustibles, etc.), académiques (HES-SO Valais, EPFL Valais), consommateurs de chaleur. Les méthodes agiles permettent des allers-retours réguliers entre le terrain et le projet.
D’après notre expérience, les consommateurs de chaleur attendent des réponses claires et transparentes à leurs interrogations de la part du porteur du projet. Afin d’ôter ces barrières, nous conseillons d’organiser une soirée d’information en laissant beaucoup de place au dialogue afin que les parties prenantes puissent poser leurs questions à un expert externe et ainsi désamorcer des problèmes en amont. De plus, les interrogations techniques, apparues durant les entretiens qualitatifs, ont pu être transmises au responsable technique de l’installation qui leur a répondu rapidement par la suite. La visualisation des bénéfices du CAD contrairement aux énergies fossiles semble également importante.
Cette démarche a permis de codévelopper les projets, mais également les offres avec les consommateurs concernés par les CAD. En allant à la rencontre des parties prenantes et notamment des consommateurs de chaleur, ces derniers se sentent valorisés et impliqués. Ils se rendent compte que le porteur de projet se pose de nombreuses questions dans le but de proposer un service qui correspond aux besoins de ses futurs clients.
Louis Moix, ancien président de la commune de Saint-Martin, compare cette démarche au «Ringi», un système japonais intégrant toute la hiérarchie d’une entreprise. Selon ce dernier, les avantages de l’intégration des citoyens sont évidents: susciter l’intérêt et la curiosité pour le projet, répondre dès le départ aux questions latentes, faire participer et motiver les personnes intéressées, éliminer en cours de route les résistances et, à la fin du processus, mettre en œuvre rapidement le projet que les acteurs ont pu s’approprier. À l’inverse, il pense qu’un projet élaboré uniquement par les autorités publiques ou la hiérarchie doit ensuite être «vendu» et cela nécessite de gros efforts d’information et de persuasion qui conduisent souvent à l’échec. Il ajoute: «Une bonne information coupe court aux rumeurs, aux fausses informations et aux informations volontairement mensongères propagées par les opposants à un projet».
Les personnes impliquées ont particulièrement apprécié que l’on prenne en compte leurs intérêts et besoins en termes de chauffage. Une personne résumait ainsi cette pensée commune: «Je trouve ça très intéressant d’intégrer tous les acteurs et les consommateurs finaux dans la réflexion en amont.». Par ailleurs, la majorité des personnes rencontrées à Saint-Martin et à Sion ont été intéressées par un raccordement et pensaient que cela pouvait être une solution pour leur bâtiment. Ils souhaitent également être informés régulièrement sur la suite du projet.
Conclusion
Une bonne planification du projet de CAD est sans doute la clé pour anticiper les principaux écueils en amont et un timing bien pensé, en collabora-tion avec les services urbains, permettront un déploiement harmonieux. De plus, la valorisation des sources d’énergie locale et si possible renouvelables permettra au projet de s’aligner avec les politiques énergétiques qui sont également prisées par la population. Les contraintes légales peuvent être utilisées comme levier et déclencher des projets. Il faut par contre user de bonne intelligence et privilégier si possible le dialogue avec toutes les parties prenantes et recourir à l’obligation uniquement si les autres moyens n’ont pas eu l’effet escompté, au risque de brusquer les consommateurs de chaleur. Le trajet devra être réfléchi en termes de barrières physiques, mais également économiques pour privilégier une densité suffisante de consommation au mètre linéaire. La règle des 80/20 de Pareto étant également applicable, un soin tout particulier devra être accordé aux besoins des grands consommateurs en anticipant correctement les opportunités que représentent les changements de chaudières. Les modèles serviciels comme le contracting peuvent s’avérer des outils puissants quand la trésorerie est une barrière importante. L’approche d’économie circulaire de ce genre de démarche pourra être mise en valeur. Elle nécessite la confiance des acteurs d’où l’importance de renouveler les occasions d’échanger avec l’écosystème en présence. Pour finir, de nombreuses personnes interrogées se sont senties concernées par le projet et ont émis spontanément des idées pour participer à son bon déroulement. Elles se sont approprié le projet et n’ont plus besoin qu’on les pousse à l’accepter. La participation de tous les acteurs semble donc jouer un rôle clé dans la bonne marche du projet.
Références
Agence internationale de l’énergie (2016). Medium-Term Gas Market report 2016, executive summary. Récupéré sur: www.iea.org/Textbase/npsum/MTGMR2016SUM.pdf
Association suisse des exploitants d’installations de traitement des déchets (2015). Taux d’utilisation de l’énergie. Récupéré sur: vbsa.ch/donnees/energie-charts/?lang=fr
Eidg. Departement für Umwelt, Verkehr, Energie und Kommunikation und Verband der Betreiber Schweizerischer Abfallverwertungsanlagen. Vertrag vom August 2014. Récupéré sur: www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/36222.pdf
Maslow, Abraham Harold. «A theory of human motivation.» Psychological review 50.4 (1943): 370.
Office fédéral de l’énergie (2016a). Statistique globale suisse de l’énergie 2015.
Office fédéral de l’énergie (2016b). Evolution des marchés des énergies fossiles 3/2016.
Ordonnance sur la protection de l’air (OPair) du 16 décembre 1985, état du 1er août 2016.
Prix Pellet (2016). Pellets: prix stables durant cet hiver. Récupéré sur: www.prixpellets.ch/fr/article/35047/pellets-prix-stables-durant-cet-hiver
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