Vers une certification écologique et sociale?
Avenir du photovoltaïque
Si l’Europe a toujours fortement contribué à la recherche dans le domaine du photovoltaïque, force est de constater que les modules qui y sont installés aujourd’hui sont principalement produits en Chine. Pourquoi est-ce le cas et comment relancer une production plus locale? Arvind Shah, l’un des pionniers du domaine, partage quelques idées sur l’avenir du photovoltaïque.
Bulletin: En collaboration avec d’autres experts renommés, vous avez récemment publié un ouvrage de référence consacré au photovoltaïque1), destiné à un lectorat de non spécialistes. Qu’est-ce qui vous a motivé?
Arvind Shah: J’ai adoré être professeur et enseigner. Comme je n’ai plus la possibilité de donner de cours, la meilleure façon de continuer à enseigner à mon âge, c’est d’écrire des livres.
Comment voyez-vous l’avenir du photovoltaïque en Suisse dans les prochaines décennies?
En ce moment, il me paraît très mitigé. Il dépend, entre autres, des prix de l’électricité vendue et rachetée par les entreprises électriques. Or, la situation est confuse. Il y a environ 900 compagnies électriques en Suisse, et chacune applique ses propres règles de tarification. Généralement, le prix de l’électricité à l’achat est beaucoup plus bas que celui à la vente et seules les installations solaires avec un taux élevé d’autoconsommation peuvent être rentables. Si la politique tarifaire des compagnies électriques n’est pas rendue plus favorable à l’électricité solaire, l’avenir du photovoltaïque en Suisse me semble sérieusement compromis.
D’ici 2030 ou 2040, la situation devrait pourtant fondamentalement changer: avec l’extension de l’informatique et de la mobilité électrique et le remplacement des chauffages à mazout par des pompes à chaleur, la consommation d’électricité va fortement croître, tout comme son prix. Si l’abandon du nucléaire est maintenu, ce que j’espère, nous devrons forcément avoir recours à une plus grande production d’électricité solaire et des mesures plus favorables au photovoltaïque seront certainement prises.
Alors que l’Europe a toujours fortement contribué à la recherche dans ce secteur, le marché des modules photovoltaïques est largement dominé par les produits fabriqués en Chine. Pourquoi?
Le gouvernement central chinois a massivement subventionné les fabricants de panneaux solaires en leur proposant des crédits sans intérêt et en leur mettant à disposition de l’électricité à très bas prix. Comme leur fabrication exige un investissement massif en équipement et nécessite énormément d’électricité, ces mesures se sont révélées très efficaces.
La production de modules en Europe serait-elle en voie de disparition? Cela représenterait-il aussi un risque pour l’avenir de la recherche photovoltaïque en Europe?
Il reste bien un petit nombre de firmes européennes qui assemblent des cellules solaires chinoises pour en faire des panneaux complets. L’entreprise suisse Meyer Burger a également récemment ouvert une chaîne de production complète en Allemagne. Pourtant, à mon avis, si la politique des pays européens n’est pas rendue plus favorable à la production locale des panneaux solaires, ces efforts sont voués à l’échec. Quant à la recherche, elle devrait forcément se réorienter et se concentrer sur les questions relatives au cycle de vie, à la défaillance des panneaux, à l’amélioration de leur durée de vie et à leur recyclage. Le recours à une certification écologique et sociale des panneaux solaires, à l’instar du label Fairtrade/Max Havelaar, ainsi que l’introduction d’une déclaration d’origine obligatoire et complète sur toutes les offres liées à l’installation de modules PV pourraient aussi offrir une solution pour promouvoir une production plus locale des panneaux solaires.
Note
1) Arvind Shah (ed.), Solar Cells and Modules, Springer Series in Materials Science 301, ISBN 978-3-0304-6485-1.
En quelques mots
Aujourd’hui à la retraite, Arvind Shah a été jusqu’en 2005 professeur d’électronique et de conception de cellules solaires à l’EPFL ainsi qu’à l’Université de Neuchâtel. Pionnier dans le développement de cellules solaires en silicium amorphe et microcristallin, il a fondé en 1985 le Laboratoire de photovoltaïque (PV Lab) de l’Institut de Microtechnique (IMT) de Neuchâtel, l’un des plus importants laboratoires de recherche dédié à l’électricité solaire en Europe. Lauréat du Prix Solaire Suisse en 2005 ainsi que du Prix Becquerel en 2007, il est toujours impliqué dans des travaux de consulting pour des industries et ONG en Europe, aux États-Unis et en Inde.