Vers un réseau électrique robuste
Réseau stratégique 2040
Avec la transition énergétique, le réseau électrique doit satisfaire à des exigences élevées. Swissgrid élabore le réseau de demain de sorte à pouvoir identifier et éliminer les congestions qui menacent le réseau de transport.
En adoptant la loi sur le climat et l’innovation en juin dernier, le peuple suisse a défini un objectif clair: la Suisse doit devenir climatiquement neutre d’ici à 2050. La décarbonation nécessaire pour y parvenir implique de miser davantage sur l’électricité, et ce, aussi bien dans le secteur des bâtiments que dans celui de la mobilité. Pour cela, la production nationale d’électricité renouvelable doit être massivement développée – en particulier afin d’éliminer le manque de courant hivernal. Avec la table ronde consacrée à l’énergie hydraulique, ainsi qu’avec l’offensive solaire et le «Windexpress» (offensive éolienne), des jalons ont été posés ces deux dernières années au niveau fédéral afin d’accélérer ce développement de la production.
La transition énergétique de la Suisse se traduit donc par un changement de système, passant d’une production énergétique centralisée à une production toujours plus décentralisée et fluctuante. Des solutions supplémentaires pour le stockage à court terme ainsi que saisonnier d’excédents d’électricité sont ainsi indispensables pour disposer de suffisamment d’électricité pendant la nuit et en hiver. Différentes technologies sont prêtes pour ce faire – par exemple, les accumulateurs thermiques, les systèmes de stockage par batterie, les centrales de pompage-turbinage, ou encore les technologies Vehicle-to-Grid et Power-to-X. Elles ont cependant toutes un point commun: elles nécessitent un réseau électrique performant qui relie producteurs, consommateurs et dispositifs de stockage. Il s’agit là de l’élément clé pour pouvoir garantir un avenir énergétique sûr et durable.
Le réseau électrique doit répondre à des exigences plus élevées
Les exigences envers le réseau électrique, déjà élevées aujourd’hui, vont donc encore fortement augmenter – et ce, à tous les niveaux de réseau. Si, d’une part, de plus en plus de véhicules électriques et de pompes à chaleur consomment de l’électricité et que, d’autre part, toujours plus d’installations photovoltaïques et de parcs éoliens produisent de l’énergie, les flux énergétiques qui en découlent ne sollicitent pas seulement les réseaux de distribution. Les pics de puissance générés concernent aussi le réseau de transport et les installations de production qui y sont raccordées. En effet, si en été le soleil brille partout, les dispositifs de stockage seront à l’avenir pleins ou chargés vers midi. Ensuite, la production devra être écrêtée.
En hiver, en revanche, la Suisse dépend des importations d’électricité en provenance des pays voisins. Il est alors important que les capacités d’importation correspondantes sur le réseau de transport soient disponibles et ne soient pas restreintes. Swissgrid est donc tributaire d’une solution politique avec l’UE, car seule une telle solution crée un cadre stable pour une collaboration garantie à long terme.
Planification à long terme du réseau
Afin de garantir le fonctionnement sûr et performant du système électrique suisse malgré ces défis, les menaces de congestion existantes et à venir dans le réseau de transport doivent être éliminées. Pour ce faire, une planification du réseau ciblée et à long terme est nécessaire.
C’est pourquoi Swissgrid élabore régulièrement un plan pluriannuel: le Réseau stratégique. Ce document présente comment le réseau de transport devrait évoluer d’ici à l’année cible, et quels projets de réseau supplémentaires sont nécessaires pour répondre aux exigences futures. Ce processus de planification est actuellement mené pour la troisième fois: le Réseau stratégique 2040 fait suite aux Réseaux stratégiques 2015 et 2025. Pour la première fois, le processus repose sur une base légale, que la Confédération a élaborée dans le cadre de sa stratégie Réseaux électriques.
Un scénario-cadre comme base
Les scénarios ont toujours constitué une base importante pour l’élaboration du Réseau stratégique. Ils sont nécessaires pour simuler, selon différentes hypothèses, les flux de charge dans les lignes électriques pour l’année cible et, ainsi, identifier les congestions. Pour le Réseau stratégique 2040, les scénarios ont été pour la première fois élaborés sous la direction de l’Office fédéral de l’énergie et approuvés par le Conseil fédéral.
Le scénario-cadre Suisse (Szenariorahmen Schweiz, SZR CH) actuel décrit différentes évolutions possibles au niveau de la production, de la consommation et du stockage d’énergie pour les années cibles 2030 et 2040. Il se fonde sur les objectifs de politique énergétique de la Confédération (Perspectives énergétiques 2050+) et sur des données macroéconomiques. Pour les États étrangers européens, il déclare que les scénarios du Réseau européen des gestionnaires de réseau de transport d’électricité (ENTSO-E+G) font foi. Le scénario-cadre Suisse fournit aux gestionnaires de réseaux électriques des niveaux de réseau 1 à 3 une base homogène et contraignante pour leur planification de réseau. Un groupe d’accompagnement, dont Swissgrid fait partie, a participé à son élaboration.
Trois scénarios concluants
Le scénario-cadre comprend trois scénarios qui reposent tous sur l’objectif zéro émission nette d’ici à 2050. Ils se distinguent notamment par la façon dont évoluent la puissance installée de différentes technologies de production et de stockage ainsi que la consommation d’électricité pour les différents groupes de clientèle. Chaque scénario présente une future évolution possible et concluante en soi.
Le scénario de référence part du principe qu’il y aura une forte électrification du système énergétique ainsi qu’un développement rapide de la production nationale d’électricité renouvelable. Le scénario «Divergence» affiche la plus grande consommation d’électricité et le solde d’importation le plus élevé, et prend comme hypothèse un développement plus faible de l’énergie éolienne et solaire. Enfin, le scénario «Couplage des secteurs» suppose un développement particulièrement important de l’éolien et du photovoltaïque, et comprend en outre le développement de centrales thermiques.
Un scénario n’équivaut toutefois pas à des prévisions. Il s’agit plutôt, pour le scénario-cadre, de fournir un champ des possibles concernant l’évolution future à laquelle s’attendent les spécialistes. Plus le réseau électrique vient à bout de défis posés par les différents scénarios, plus il est robuste pour l’avenir.
Déduire des valeurs cibles régionales
Le scénario-cadre Suisse comprend uniquement des valeurs cibles nationales. Or, pour la planification du réseau, des valeurs cibles régionales sont nécessaires. Swissgrid consulte donc, dans le processus de régionalisation, les acteurs de la branche de l’énergie dont les installations sont raccordées au réseau de transport: à savoir, les gestionnaires de réseau de distribution (GRD) et les exploitants de centrales ainsi que les CFF.
Via ce processus, Swissgrid accède à des connaissances importantes sur l’évolution régionale de la production et de la consommation en Suisse: par exemple, sur les nouvelles centrales et nouveaux dispositifs de stockage planifiés, sur les modifications de la puissance dans les centrales existantes, sur les nouveaux gros consommateurs (industries, centres de calcul, etc.) ainsi que sur les adaptations prévues de la puissance de transformation dans les centrales de conversion des CFF ou des gestionnaires de réseau de distribution. Les GRD raccordés au réseau de transport utilisent également les données transmises à Swissgrid pour leur propre planification du réseau. Les niveaux de réseau 1 à 3 doivent en effet être planifiés sur la base des mêmes hypothèses.
Du réseau initial au réseau cible
Au terme du processus de régionalisation, Swissgrid dispose de toutes les informations nécessaires pour constituer le Réseau stratégique 2040. Ce processus de planification du réseau se déroule en trois étapes:
- Étape 1, définition du réseau initial: le réseau initial se base sur le modèle de réseau européen et comprend tous les éléments de réseau qui sont actuellement en service et qui resteront en service ou seront encore mis en service d’ici à 2040.
- Étape 2, création du réseau de référence: dans un premier temps, l’utilisation des centrales électriques et les flux transfrontaliers sont déterminés pour chaque heure de l’année cible 2040 par le biais de simulations de marché pour toute l’Europe. Les simulations de flux de charge effectuées ensuite indiquent les congestions du réseau. Puis, dans les simulations, de nouveaux projets de réseau sont ajoutés au réseau initial jusqu’à ce que le réseau soit suffisamment robuste et que plus aucune congestion de réseau importante ne survienne dans les différents scénarios. Les projets de réseau suivent ici le principe ORARE, à savoir: optimisation du réseau avant renforcement du réseau avant extension du réseau. Le réseau initial complété par les projets de réseau requis donne le réseau de référence.
- Étape 3, création du réseau cible: tous les projets de réseau dans le réseau de référence sont évalués au moyen d’une analyse coûts/bénéfices. Lors de ce processus, Swissgrid prend en compte les critères économiques, écologiques et techniques. Seuls les projets de réseau pour lesquels l’utilité est prépondérante feront partie du réseau cible. Swissgrid vérifie alors au niveau du réseau cible si la stabilité du réseau pourra encore être garantie à l’avenir grâce à des tests de résistance pour différents scénarios (défaillances multiples, courts-circuits, fluctuations de fréquence/tension, etc.). Si les spécialistes identifient des faiblesses, le réseau cible est renforcé.
Le Réseau stratégique 2040 correspond à l’ensemble des projets de réseau supplémentaires compris dans le réseau cible par rapport au réseau initial. Il est prévu que Swissgrid remette ce plan en avril 2024 à l’ElCom, qui en vérifiera la pertinence et l’adéquation. Enfin, Swissgrid publiera le Réseau stratégique 2040 en 2025.
Utiliser les flexibilités
Pour développer le réseau de manière efficace en termes de coûts, les flexibilités – producteurs, accumulateurs et consommateurs réglables – jouent un rôle important. L’objectif doit être d’éviter autant que possible les coûts pour l’extension du réseau ainsi que pour l’utilisation d’énergie de réglage. Pour y parvenir, il est essentiel d’établir un lien plus étroit entre la consommation et la production d’électricité. Un comportement de consommation adapté à la production permet en effet d’éviter les congestions dans le réseau électrique et, en même temps, de réduire les coûts énergétiques des consommateurs.
Néanmoins, il manque jusqu’à présent une base importante pour ce faire: de la transparence et des incitations. L’objectif est le suivant: les consommateurs finaux possédant leur propre installation photovoltaïque devraient recharger leur voiture et chauffer leur maison quand le soleil brille. Cela peut être réalisé de façon totalement automatique et permet d’économiser de l’argent. Lave-linge, sèche-linge et lave-vaisselle peuvent être enclenchés de manière ciblée lorsque le soleil brille et non pendant la nuit, comme auparavant. Pour de nombreux propriétaires de maisons individuelles, cela est d’ores et déjà une pratique courante. Mais comment les habitants d’immeubles collectifs peuvent-ils, eux aussi, apporter une contribution active? À la branche de trouver des solutions innovantes avec les clients pour que la transition énergétique soit une réussite, et ce, tout en évitant les pics dans le réseau ainsi qu’une extension de ce dernier «juste au cas où».
Une alliance nécessaire
Une alliance de tous les acteurs du système est donc nécessaire pour la poursuite du développement du réseau électrique suisse. Elle commence par la collaboration de l’ensemble des gestionnaires de réseau – indépendamment du niveau de réseau. Afin d’utiliser les synergies, il vaut la peine pour les gestionnaires de réseau, premièrement, de mieux coordonner leurs projets de réseau temporellement, géographiquement et techniquement. Deuxièmement, les tracés des réseaux électriques peuvent être davantage regroupés avec ceux d’autres infrastructures, par exemple avec la route et le rail.
Troisièmement, l’alliance des gestionnaires de réseau devrait aussi inclure une collaboration plus étroite avec les autorités cantonales. Ces dernières ont notamment pour tâche de rechercher activement, avec les exploitants d’infrastructures ainsi qu’avec un spécialiste commun de l’environnement et de l’aménagement du territoire, les tracés les plus compatibles avec l’environnement, la population et les finances. Les projets de réseau sont ainsi planifiés dès le départ à l’endroit le plus approprié et peuvent être mieux expliqués à la population, ce qui réduit au minimum les résistances et raccourcit les procédures d’approbation.
Impliquer la population
L’alliance pour le développement commun du réseau électrique doit aussi impliquer le grand public. En effet, avec la transition énergétique, celui-ci se voit attribuer un nouveau rôle et c’est à lui de consommer l’électricité, dans la mesure du possible, lorsqu’elle est produite localement. Cela nécessite davantage de transparence: les consommateurs et consommatrices d’électricité doivent connaître les principales corrélations du système énergétique, ainsi que leur propre comportement de consommation et la disponibilité actuelle de l’électricité en temps réel. La connaissance de ces corrélations, combinée avec des prix flexibles, augmente les chances d’adopter un comportement favorable au réseau.
Avec la campagne «Notre Réseau», Swissgrid entend sensibiliser le grand public en ce sens. Celui-ci doit prendre conscience du fait que le réseau électrique nous concerne tous: en effet, tout le monde l’utilise. L’ensemble des gestionnaires de réseau sont invités à participer à ce dialogue public.
Lien
- Informations complémentaires à propos du réseau de demain.
Cet article a d’abord été publié sur www.strom.ch.
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