Opinion AES , Marché de l’énergie , Énergies renouvelables

Une sécurité trompeuse

La plume politique 12/2018

28.11.2018

Depuis 2016, le prix de l’électricité est remonté de plus de 40 %. Voilà une bonne nouvelle. Dans la branche comme en-dehors, un ouf de soulagement est perceptible. Le Conseil fédéral se voit ainsi conforté dans son intention de miser sur le marché. Selon lui, l’hydraulique est à nouveau en mesure de couvrir ses coûts de revient. Ainsi donc, tout est-il rentré dans l’ordre?

Trois réflexions à ce sujet:

Premièrement: Les facteurs déterminants pour le prix de l’électricité sont les prix du charbon et ceux du CO2. Tous deux sont tributaires de décisions politiques mondiales, sur lesquelles la Suisse n’a aucune influence. Si, par exemple, le développement économique dans l’UE devait stagner, la politique climatique et, avec elle, les prix des certificats pourraient rapidement se retrouver sous pression politique.

Deuxièmement: Les majorations de prix les plus récentes sont aussi à mettre sur le compte de la sécheresse extrême de ces derniers mois. Le manque d’eau fait baisser la production des centrales au fil de l’eau et des centrales thermiques refroidies par l’eau des rivières. De plus, les transports sur le Rhin souffrent du faible niveau des eaux, avec pour conséquences des retards de livraison et des coûts de transport en hausse, par exemple pour les livraisons de charbon.

Troisièmement: Les investissements dans le maintien et le développement de la production dépendent des perspectives d’un rendement approprié à long terme. Dans l’incertitude, ces investissements sont réduits au minimum. Quant aux investissements de remplacement plus substantiels, ils sont reportés. Afin de créer une certaine confiance, le prix du marché doit dépasser nettement et durablement les coûts de revient.

Le marasme conjoncturel exténuant est pour l’instant surmonté. La situation actuelle n’a toutefois rien à voir avec les prix élevés de 2008, et l’évolution à venir est incertaine. L’horizon d’investissement à long terme – 20 ans pour le photovoltaïque, 50 ans et plus pour l’hydraulique  – est peu compatible avec les aléas d’un environnement de prix en constante évolution.

Pour maintenir la production indigène et poursuivre son développement, un important effort d’investissement inscrit dans le long terme est donc nécessaire. Se fier au redressement momentané des prix du marché pourrait se révéler une sécurité trompeuse. Il faut plutôt un cadre qui puisse s’adapter à l’environnement de marché et, le cas échéant, poser les incitations nécessaires.

Auteur
Dominique Martin

est responsable affaires publiques de l'AES.

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