Une région pilote de la transition énergétique
Réseau et transition énergétique
CircuBAT ambitionne de créer une économie circulaire autour des batteries issues de la mobilité électrique et de permettre d’augmenter l’autoconsommation des énergies renouvelables à une échelle régionale. Avec un enjeu fondamental pour le réseau, une grande étape se joue au Swiss Energypark, région pilote de la transition énergétique avec son laboratoire en conditions réelles.
Le Swiss Energypark rassemble un mix énergétique renouvelable varié grâce à des infrastructures éoliennes (au Mont-Crosin), solaires (au Mont-Soleil) et hydroélectriques (avec la retenue de la Goule sur le Doubs) qui couvrent entre 80 et 100 % des besoins électriques des 21'000 habitants et des industries desservis par le réseau des Forces Électriques de la Goule. Avec cette densité importante de sources de production d’électricité renouvelable, la première partie du chemin vers la transition énergétique semble faite. Cela permet au Swiss Energypark d’anticiper les enjeux posés par le découplage entre la production et la consommation. Le défi se situe désormais au niveau de la gestion des flexibilités de production et de consommation afin de favoriser l’autoconsommation. À ce titre, le stockage d’électricité va jouer un rôle important.
Ainsi, le développement de solutions permettant d’augmenter la part autoconsommée au niveau local et régional constitue la seconde partie du chemin à parcourir. Là aussi, les conditions sont réunies dans cette région pilote pour accueillir des projets qui visent à augmenter l’autoconsommation à l’échelle d’un réseau afin de réussir la transition énergétique. À cette échelle, les caractéristiques du lieu représentent des conditions dans lesquelles les pays signataires des accords de Paris souhaiteraient certainement se trouver en 2050 – et font naturellement du Swiss Energypark une région pilote. Ce laboratoire en conditions réelles permet, selon son directeur Laurent Raeber, «d’anticiper les futurs enjeux électriques à une échelle régionale».
Production décentralisée et double digital
Dans la pratique, le passage à une production décentralisée en Suisse est stimulé profondément par l’apparition de prosumers (producteurs et consommateurs) qui ajoute un nombre considérable de contraintes sur les réseaux de distribution, qui doivent rester sûrs, performants et efficaces. Les enjeux sont considérables, et une approche holistique consiste à relier des îlots partiellement autosuffisants, connectés entre eux par le réseau. Le Swiss Energypark est justement en train de digitaliser son réseau.
L’interdépendance entre la consommation, le stockage, la production et la distribution d’électricité nécessite de faire appel à l’intelligence artificielle et au machine learning. Ces approches permettent de modéliser et de calculer l’impact de différents scénarii sur le réseau et sur les objectifs énergétiques et climatiques.
En effet, l’intérêt, voire la nécessité, de créer – à terme – un double digital du parc est indéniable, dans la mesure où il est équipé de smartmeters depuis plus de 10 ans. Ce ne sont pas moins de 600 mesures par minute qui sont récoltées depuis lors. Les données sont disponibles en abondance et couvrent l’ensemble du parc – de la production, de l’importation et de l’exportation d’électricité, ainsi que de la distribution et de la consommation. Toute cette base de données récoltées en temps réel constitue un outil de comparaison très performant et documenté. Ainsi, il sera possible de mesurer l’efficacité d’un dispositif ou d’un élément (physique ou digital) implémentés dans le réseau grâce à une comparaison avec une décennie de données disponibles.
Les données sont exploitées dans deux types de démarches. D’une part, pour les milieux académiques, industriels ou des start-up qui souhaitent tester leurs projets en conditions réelles. Ces données permettent de déterminer le potentiel innovant de projets visant à augmenter l’autoconsommation au travers d’une campagne de test en conditions réelles dont les résultats sont comparés aux données historiques. D’autre part, le Swiss Energypark lui-même peut évaluer l’impact que vont avoir des développements comme celui de la mobilité électrique sur le réseau et l’impact que pourraient avoir différents scénarii, différentes conjonctions de mesures implantées dans une approche globale.
Trois types de solutions pour favoriser l’autoconsommation
Favoriser l’autoconsommation ne peut se faire qu’en influençant la flexibilité de la production et/ou de la consommation. Les moyens et les solutions qui permettent de faire évoluer ces flexibilités sont de différentes natures.
Les solutions «hardware», ou physiques. Il s’agit de projets qui développent un dispositif pouvant être ajouté dans le réseau – comme une batterie – afin de stocker de l’électricité par un système innovant et/ou écoresponsable. Cela va permettre de décaler dans le temps la production ou de différer la consommation. Les recherches de stockage hydrogène (power-to-gas, P2G) sont un bon exemple de projets de ce type.
Les solutions «software», ou digitales. Elles consistent à optimiser l’utilisation de l’électricité roduite au moment où elle est produite par le recours à l’échange de données ou au couplage sectoriel. Des exemples de technologies concernées par ce type de projet se trouvent notamment dans l’Internet des objets (IoT) ou les technologies liées aux blockchains.
Les solutions «comportementales» ou socio-économiques. Il est question de découvrir et d’exploiter les phénomènes qui déclenchent un comportement individuel ou collectif afin d’encourager une consommation d’électricité plus responsable. Autrement dit, est-il possible de relier les profils de consommation à des façons de consommer? Un exemple concret qui a déjà été mené: le projet Flexi II (inciter les ménages à consommer de l’électricité photovoltaïque produite localement) qui avait obtenu en 2018 le soutien financier de l’OFEN. L’idée était de voir le potentiel qu’un encouragement – financier ou autre – pouvait avoir sur la manière de consommer l’électricité. Un projet dans le prolongement de ce dernier est en cours d’évaluation avec l’Université de Neuchâtel et de la Haute école de gestion de Genève.
À ce jour, c’est le projet CircuBAT qui attire les regards. Son objectif: créer une économie circulaire autour des batteries de véhicules électriques tout en multipliant leurs utilisations avant de les recycler. Une des étapes de cette économie circulaire est l’utilisation des batteries de deuxième main dans un dispositif de stockage d’électricité à l’échelle régionale pour augmenter l’autoconsommation issue de la production renouvelable d’électricité, évaluer le potentiel du freinage de l’extension du réseau et fournir d’autres prestations. Cette phase du projet sera testée dans le Swiss Energypark.
Le Swiss Energypark est une manière pour ses initiants – soit les cantons de Berne et du Jura, la Confédération et BKW – de contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Il se veut une terre d’accueil pour des démarches allant de la vision utopique à l’implantation de projets éminemment concrets.
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