Une alternative transparente aux stores
Les verres électrochromes sous la loupe
Les systèmes de protection solaire extérieurs ont notamment pour objectif d’empêcher la chaleur estivale de se répandre dans les pièces. Une alternative consiste à utiliser des verres électrochromes, qui peuvent être obscurcis en appliquant une tension électrique. Mais ceux-ci présentent-ils vraiment des avantages du point de vue énergétique par rapport aux systèmes standard?
Les questions relatives à l’éclairage adéquat jouent un rôle important dans l’architecture des bâtiments résidentiels et commerciaux. De nombreuses personnes apprécient les pièces lumineuses, dont les grandes fenêtres créent un lien avec l’environnement, et accentuent parfois l’effet de l’aménagement intérieur et de son agencement de couleurs. À l’étranger, contrairement à la Suisse, il existe même des filières d’études consacrées à la lumière et à l’éclairage. C’est le cas par exemple à Londres. L’University College de Londres (UCL) propose en effet un «Master of Science in Light & Lighting». «Ce cursus traite entre autres de l’effet que la lumière exerce sur l’être humain, mais aussi des questions relatives à la conception d’éclairage», explique Janine Stampfli, qui a obtenu ce master.
Actuellement, Janine Stampfli travaille comme scientifique à l’Institut Technique du bâtiment et énergie (IGE) de la Haute école de Lucerne (HSLU). Elle y est collaboratrice de la plateforme thématique Licht@hslu, qui se consacre à différentes questions relatives à la lumière naturelle et artificielle. Sur la pelouse du campus de la HSLU, à Horw, se trouve un container rotatif (figure 1) avec lequel des situations exploitant la lumière du jour peuvent être reproduites et étudiées. Ce container de mesure de la lumière peut être orienté de sorte que le soleil y pénètre de différentes directions par la façade vitrée. Depuis 2019, cette dernière est constituée d’un vitrage électrochrome, un verre spécial dont l’opacité peut être réglée électriquement. Ceci permet, selon les fabricants, de les utiliser comme protection contre le soleil et l’éblouissement.

Mais comment fonctionne le verre électrochrome?
Si des lunettes sont équipées de verres photochromiques, elles s’assombrissent lorsqu’elles sont exposées au soleil. Il en va autrement des verres électrochromes: la variation du degré d’opacité n’est pas automatique, mais réglée par le biais de l’application d’une tension électrique. Lorsque les charges électriques sont transmises à un revêtement fin (par exemple de l’oxyde de tungstène), celui-ci devient optiquement actif et modifie son opacité, ce qui aboutit généralement à une teinte bleutée. Selon l’importance de la tension appliquée, une opacité plus ou moins forte est générée, ce qui exerce une influence sur le taux de transmission de la lumière ainsi que sur le taux global de transmission d’énergie. La durée de ce processus varie selon le produit et dépend, entre autres, de la taille de la surface vitrée et de la température extérieure. Lorsque la tension est supprimée, le verre revient à son état initial non teinté. La commande s’effectue via un système domotique ou manuellement.
Le verre électrochrome non teinté a un taux de transmission de la lumière inférieur à celui d’un vitrage conventionnel: avec un triple vitrage conventionnel, 73 à 75% de la lumière pénètre à l’intérieur du bâtiment, contre 47 à 61% avec un verre électrochrome. Le taux global de transmission d’énergie est également plus faible avec les verres électrochromes. Cela signifie qu’en hiver, les gains de chaleur solaire sont plus restreints, tout comme le rendement lumineux, si important pendant les mois sombres. En revanche, ces verres présentent de bonnes caractéristiques en été: même non teintés, ils laissent pénétrer moins de chaleur que les verres classiques et un rendement lumineux réduit est moins critique à cette saison en raison des journées longues et lumineuses.
Trois générations de vitrages
Dans le cadre d’un projet de recherche récemment achevé, Janine Stampfli s’est penchée, avec une équipe de chercheurs de la HSLU, sur les verres électrochromes. Ces derniers sont disponibles depuis le milieu des années 1990 et ont été progressivement améliorés depuis lors. Dans la première génération de vitrages électrochromes, la transparence ne pouvait être réglée que selon des niveaux fixes et préprogrammés (par exemple clair, teinté, sombre), et ce, sur toute la surface. Plus tard, des verres composés de trois zones contrôlables individuellement sont arrivés sur le marché (figure de titre). Cela permettait par exemple d’assombrir différemment trois parties d’une grande porte de terrasse vitrée. Des produits ont également été développés qui ne nécessitaient pas de niveaux fixes préprogrammés. Quant à la dernière génération de verres électrochromes, elle dispose, en plus de la teinte sur toute la surface, de deux réglages spéciaux permettant un dégradé continu au sein de la surface vitrée, c’est-à-dire de foncé en haut à clair en bas ou de clair en haut à foncé en bas (figure 2). Du point de vue esthétique, un vrai progrès par rapport aux surfaces vitrées divisées en zones.

Malgré ces développements, les verres électrochromes ne sont pour l’instant utilisés que sporadiquement en Suisse, et ce, principalement dans les immeubles de bureaux. Le fournisseur le plus connu est l’entreprise américaine Sageglass, qui compte environ 85 projets réalisés en Suisse. «Cette réticence s’explique sans doute par le fait qu’en raison du manque d’expériences à long terme, l’utilisation de vitrages électrochromes est toujours considérée comme plus risquée que celle d’un vitrage standard avec une protection solaire extérieure mobile», explique Janine Stampfli. Le projet de recherche, soutenu par l’OFEN, qu’elle a dirigé, a examiné les avantages et les inconvénients des vitrages électrochromes. Les résultats se basent sur une étude bibliographique, c’est-à-dire sur l’évaluation des études disponibles sur le sujet. Certaines conclusions s’appuient en outre sur des mesures effectuées dans le container de mesure de la lumière de la HSLU, réalisées pour le compte de l’Office des bâtiments de la Ville de Zurich.
Équivalent en termes d’énergie, mais pas forcément meilleur
La protection thermique estivale constitue un thème central de la recherche actuelle dans le domaine des bâtiments, car le nombre de jours de canicule en été devrait augmenter en raison du changement climatique. Ceci pourrait conduire à ce que les bâtiments résidentiels soient de plus en plus équipés de systèmes de refroidissement, ce qui entraînerait une augmentation indésirable de la consommation d’énergie. «L’utilisation de vitrages électrochromes peut réduire les besoins en matière de climatisation», constate le rapport final de la HSLU. Toutefois, les études analysées aboutissent à cet égard à des résultats hétérogènes, notent les auteurs. C’est pourquoi ils conseillent de clarifier l’utilisation d’un vitrage électrochrome en fonction du projet (par exemple au moyen d’une simulation intégrale), dans la mesure où une augmentation de l’efficacité énergétique est visée. En effet, «les décisions architecturales telles que l’orientation des façades et la taille des ouvertures jouent un rôle tout aussi important que le choix du système de façade et de la stratégie de commande», constate le rapport final.
En hiver, les verres électrochromes présentent l’inconvénient de laisser entrer moins de chaleur dans les pièces que les verres de fenêtres conventionnels, même lorsqu’ils ne sont pas teintés. Malgré cela, les chercheurs de la HSLU estiment que les verres électrochromes devraient clairement gagner en importance lorsque le nombre de jours très chauds en été augmentera en raison du changement climatique. Ils soulignent plusieurs avantages de ces verres par rapport aux systèmes de protection solaire utilisés jusqu’à présent (stores ou stores à lamelles): comme ces verres sont dépourvus de pièces mécaniques, ils sont plus robustes et résistent mieux au vent; en outre, l’éclaircissement et l’assombrissement se font sans bruit. Finalement, un autre point particulièrement important pour les utilisateurs des locaux: la vue sur l’extérieur est garantie même lorsque les fenêtres sont obscurcies.
Considérer le coût du cycle de vie
Différentes études indiquent que les coûts d’investissement sont plus élevés pour un vitrage électrochrome que pour un triple vitrage conventionnel avec une protection solaire extérieure. Mais comme, en raison de l’absence de pièces mécaniques, les coûts de nettoyage et d’entretien des vitrages à commutation électrique sont plus faibles, ceux-ci «présentent un avantage sur l’ensemble du cycle de vie», explique le professeur Björn Schrader, chargé de cours en technique du bâtiment à la HSLU et responsable de la plateforme thématique Licht@hslu. Il voit un domaine d’application pour les verres électrochromes non seulement dans les bâtiments fonctionnels, mais aussi, entre autres, dans les bâtiments classés monuments historiques qui, pour préserver leur aspect extérieur, ne peuvent pas être équipés d’une protection solaire traditionnelle.
Dans leurs prochains travaux de recherche, les chercheurs de la HSLU comptent intégrer les utilisateurs des locaux dans leur réflexion. On sait en effet que, dans le cas des systèmes de protection solaire automatisés, la commande optimisée sur le plan énergétique est parfois neutralisée par une intervention humaine, ce qui va à l’encontre de l’objectif d’efficacité énergétique. «Comme le processus de teinte est à peine perceptible, nous supposons que de telles interventions sont moins fréquentes avec les vitrages électrochromes, ce qui pourrait, le cas échéant, les avantager dans la réalisation des objectifs d’économie d’énergie», conclut Janine Stampfli.
Littérature complémentaire
Le rapport final du projet «Elektrochromes Glas. Eine Literaturstudie» peut être consulté ici.
Vous trouverez d’autres articles spécialisés concernant les projets pilotes, de recherche, de démonstration et les projets phares dans le domaine «Bâtiments et villes» ici.
Notes
Nadège Vetterli, responsable externe du programme de recherche «Bâtiments et villes» de l’OFEN, communique des informations à ce sujet.
Les professionnels et groupes intéressés peuvent, sur rendez-vous, venir voir le vitrage électrochrome et le container de mesure de la lumière sur place, à Horw: contact.
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