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Un outil pour profiter au mieux des synergies

L’intelligence collective au service de la gestion d’actifs

24.03.2023

Romande Energie mise sur l’intégration de l’intelligence collective à sa prise de décision lors du renouvellement de ses actifs. Un outil permet désormais aux parties prenantes de moduler les projets de modernisation du réseau. Les investissements sont ainsi plus équilibrés, tout en tenant compte des aspects environnementaux, économiques et sociétaux.

Dans le cadre de sa gestion des actifs, Romande Energie a constaté, sur la base d’analyses de risques, une nécessité de renouveler de manière plus intensive certains types d’actifs tels que les câbles moyenne et basse tension. Ces remplacements ont pour but de préserver la qualité et la continuité de fourniture pour ses clients, tout en modernisant le réseau pour favoriser la transition énergétique en cours. Impliquant des investissements conséquents, la modernisation de ces actifs a naturellement déclenché une réflexion sur l’optimisation et la planification de l’ensemble de ces projets.

Les méthodes classiques de gestion des actifs utilisées pour prioriser les travaux se basent généralement sur des outils d’analyse statistique et de géotraitement. Ces méthodes permettent d’apprivoiser des volumes conséquents de données quantitatives sur les actifs telles que leurs types, âges ou topologies. Toutefois, elles s’avèrent moins efficaces pour des informations qualitatives, plus difficiles à traiter. Il s’agit là de l’expérience des équipes, des topologies particulières existantes, de la connaissance du terrain ou des contraintes sur les travaux émanant des autorités publiques.

Dans ce contexte, comment optimiser le renouvellement des actifs en capitalisant au mieux sur l’ensemble de ces données et de ces connaissances internes et externes?

Valorisation de l’expertise métier

Afin de valoriser non seulement les données quantitatives, mais également les données qualitatives, une réflexion globale sur la collecte et l’exploitation de ces informations a été entreprise.

Cependant, la récolte et le traitement des données plus subjectives se sont rapidement avérés problématiques. En effet, la formalisation de plusieurs dizaines voire de plus d’une centaine d’années d’expériences cumulées, de discussions informelles et de relations interpersonnelles avec les parties prenantes, représente un travail complexe et onéreux. À tout cela s’ajoutent encore des données externes arrivant au quotidien, qu’il s’agisse, par exemple, de demandes plus ou moins formelles des parties prenantes ou des évolutions incertaines de projets d’urbanisme.

L’idée a ainsi germé de différencier le traitement des données en fonction de leur nature. Les outils de gestion d’actifs tels que les analyses de risques se prêtent aisément aux volumes importants de données quantitatives. En revanche, une personne identifiera facilement des situations particulières ou intégrera naturellement des informations subjectives dans ses réflexions. La combinaison des deux approches offre ainsi une analyse complète des données – avec l’informatique pour le volume et les individus pour le particulier. L’un des défis a consisté à mettre les résultats d’une analyse quantitative de manière simple et intuitive à disposition des parties prenantes.

Une représentation visuelle comme vecteur de partage

L’idée d’une représentation visuelle s’est peu à peu imposée comme vecteur de partage et d’identification des opportunités. Le visuel reste en effet un outil d’échange clair et accessible, même sans être un expert du domaine, et simplifie les discussions.

L’outil de représentation géographique interne a été enrichi des résultats de l’analyse quantitative (figure 1) pour permettre une identification et un partage aisé de ces informations. Un code couleur simple et facilement identifiable permet de repérer les actifs à renouveler ou, au contraire, à ne pas remplacer. De manière intuitive, les équipements encore trop jeunes pour être modernisés apparaissent en vert, puis deviendront orange et violets au fil de leur vieillissement. Avec cette même logique, l’outil a progressivement été étendu à d’autres genres d’équipements tels que les transformateurs ou les cellules moyenne tension.

L’étape qualitative débute ainsi sur la base de cette représentation visuelle et va capitaliser sur l’intelligence collective des intervenants. Afin d’optimiser les coûts, l’objectif consiste à trouver ou à déclencher des opportunités de travaux communs. De manière simplifiée, une opportunité se résume souvent à une synergie pour les travaux de génie civil.

L’optimisation par l’intelligence collective

Sur cette base, un processus (figure 2) a été progressivement développé. Il devait s’intégrer au mieux dans les processus existants en capitalisant sur les outils déjà à disposition, tout en permettant d’intensifier les renouvellements.

Concrètement, les équipes de projet ou d’exploitation peuvent s’appuyer sur ces représentations visuelles pour étoffer les projets en cours ou amener des propositions d’amélioration. Pour les topologies réseaux atypiques, un responsable d’exploitation du réseau a l’opportunité de repérer facilement, sur la base de son expérience, les zones à assainir en priorité. Sur un projet en cours d’étude, un responsable de projet peut identifier et intégrer un élément en fin de vie à proximité de futurs travaux.

Si une extension réseau ou une nouvelle construction sont prévues dans un quartier, la question de savoir si un renouvellement à proximité est possible devrait naturellement se poser. Avec cet outil, un simple regard sur le plan de quartier permet de déterminer la présence ou non d’un actif à remplacer. Cette lisibilité et cette facilité d’usage ont aussi constitué des conditions essentielles lors du développement de la solution afin de ne pas surcharger les utilisateurs dans leurs activités courantes. L’outil doit s’intégrer le plus naturellement possible sans ralentir la recherche d’informations, tout en offrant une plus-value dans le processus d’analyse.

Là où une coordination classique se résume aux éléments déjà identifiés ou aux projets prévus, cette approche permet d’identifier ce qui n’a pas été prévu en interne dans le cadre d’une analyse quantitative. De cette manière, deux projets pris indépendamment peuvent être trop onéreux, mais deviennent financièrement réalisables lors d’une réalisation commune.

Profiter des synergies avec des parties prenantes externes

L’histoire pourrait s’arrêter là, mais les entreprises de distribution ne vivent pas dans des bulles. Elles ont besoin de planifier leurs travaux en accord avec les communes, les cantons ou d’autres parties prenantes. Il s’agit même d’une nécessité afin de réduire les coûts des projets et leurs nuisances pour les riverains. L’outil devait aussi fournir un moyen d’échanger avec une multitude d’intervenants.

Ces cartes de renouvellement offrent également une base de discussion avec des parties prenantes externes. Le distributeur peut partager facilement avec des communes les zones où il souhaite intervenir à moyen ou long terme. En cas de demandes d’autres services (gaz, eau, etc.), la personne répondante peut apporter, après une consultation rapide de l’état des actifs, un préavis positif ou négatif sur une éventuelle participation. L’approche permet de gagner en réactivité, et par là même, de réduire les occasions manquées.

Les planifications et priorités des intervenants internes ou externes peuvent ainsi être modulées sur la base de l’intelligence collective. La démarche se veut gagnante pour l’ensemble des parties prenantes, mais aussi pour les riverains en réduisant les interventions dans les mêmes quartiers. De plus, une mutualisation des chantiers ne peut être qu’un plus en terme environnemental.

Une fois un périmètre arrêté après ces phases d’analyse, le projet continue son cours selon les processus standard de réalisation. La combinaison de ces informations permet de réaliser des investissements plus équilibrés, tenant compte des aspects environnementaux, économiques et sociétaux. Le cycle se poursuit continuellement pour garantir une modernisation efficace du réseau.

Plus que de la technique

En place depuis bientôt deux ans, ce nouveau processus a livré ses premiers résultats. Évidemment, avec des actifs ayant une durée de vie d’une cinquantaine d’années, les conclusions à court terme sont souvent délicates. Toutefois, les premiers projets ont déjà été planifiés en collaboration avec des partenaires externes, et des opportunités en interne ont pu être saisies. La démarche semble bien prise en main par les utilisateurs et les retours sont majoritairement positifs. Le processus permet d’appliquer des règles de gestion d’actifs claires et uniformes pour l’ensemble de la zone de desserte, tout en offrant un espace à l’intelligence collective de toutes les parties prenantes pour trouver des solutions adéquates localement.

Comme tout processus, ce dernier est évidemment toujours en évolution. Des améliorations et adaptations interviennent nécessairement au fil du temps, que ce soit par des retours internes ou d’autres parties prenantes. Cette manière de travailler de concert sur la planification permet d’approfondir encore les relations avec les parties prenantes et ainsi d’augmenter la mutualisation des travaux.

Comme son nom l’indique, un réseau tisse des liens entre un grand nombre d’actifs et implique souvent un grand nombre d’éléments techniques. Pour gérer cette masse, l’automatisation des analyses apporte une plus-value non négligeable dans de très nombreux cas. Avec l’amélioration des outils de traitement de données tels que l’intelligence artificielle, il s’avérera certainement possible d’affiner encore davantage les résultats dans le futur. Toutefois, un réseau ne se résume pas à la technique, mais englobe une multitude d’enjeux et de liens socio-économiques entre les acteurs (clients privés, entreprises, communes et bien d’autres). Pour que toutes les subtilités de ces aspects-là puissent être prises en compte, il s’avérera sans doute indispensable de conserver une phase d’analyse humaine à l’avenir.

 

Auteur
Valentin Dubuis

est chargé d’études stratégiques chez Romande Energie.

  • Romande Energie SA
    1110 Morges

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