Un confort plus efficace
Automatisation du bâtiment et durabilité
Le nouveau pavillon de l’hôpital Triemli est le premier bâtiment hospitalier suisse construit conformément aux critères de la «société à 2000 watts». Cela n’aurait pas été possible sans automatisation. Un coup d’œil dans le système nerveux du bâtiment.
Le pavillon de 18 étages de l’hôpital Triemli s’élève à Zurich, au pied de l’Uetliberg. Grâce aux jeux de lumière de sa façade, il s’intègre avec élégance à l’environnement. Le bâtiment abrite 550 lits et 292 millions de CHF ont été investis par la ville pour ce pavillon considéré comme un pionnier de la construction durable. Comme l’a affirmé André Odermatt, chef du Département des constructions, lors de l’inauguration au printemps 2016, il s’agirait du premier projet de construction satisfaisant dans cette mesure les objectifs de la société à 2000 watts.
Trois ans de planification et mise en service
Pour que le bâtiment économise de l’énergie et des ressources, une architecture axée sur l’avenir et des sources d’énergie renouvelables se sont avérées nécessaires, mais aussi beaucoup d’électronique. «La société à 2000 watts n’est pas réalisable sans une automatisation intelligente du bâtiment», Thomas von Ah, le directeur général de la société Viscom Engineering à Affoltern am Albis, en est convaincu. L’entreprise de 40 personnes a été responsable de la mise en œuvre de l’automatisation du pavillon et donc du système nerveux et du cerveau du bâtiment. Il s’agit pour l’instant du plus grand projet de sa carrière. Après deux ans de conception, il a passé une année sur place avec jusqu’à dix collaborateurs; d’abord pour tester lesdits points de mesure, c’est-à-dire pour contrôler si les câbles ont été posés correctement, puis pour le contrôle fonctionnel de l’automatisation.
Thomas von Ah nous emmène pour une visite du cœur technique du bâtiment. Les deux étages souterrains sont entièrement réservés à la technique de chauffage, de climatisation et de régulation, ainsi que pour l’alimentation électrique et la logistique. La visite démarre tout en bas, par une pièce à l’éclairage blafard dans laquelle se trouvent trois hautes armoires orange. Elles contiennent des douzaines d’automates sur plusieurs rangées, raccordés par des centaines de câbles de différentes couleurs. Ces automates programmables industriels (API) forment le système nerveux décentralisé du bâtiment. Le pavillon comprend une centaine d’armoires de ce type: 50 pour la commande du chauffage, de la ventilation et de la climatisation et 50 pour l’éclairage et les appareils techniques des étages. À cela s’ajoutent plus de 450 boîtiers contenant des modules API répartis dans les couloirs pour la commande de l’éclairage et de la température dans les chambres.
Chaque API est programmé avec une série de tâches et de logiques. Les commandes collectent les données des capteurs répartis dans le bâtiment, gèrent des pompes et des soupapes et transforment les signaux pour l’analyse et la visualisation. Ensemble, ils assurent la régulation en grande partie automatique du bâtiment. Une alimentation électrique fiable est essentielle. C’est pourquoi le site hospitalier est raccordé de façon redondante au réseau urbain à moyenne tension par le biais de deux sous-stations. Les générateurs de l’hôpital prennent le relais en cas d’importantes coupures d’électricité. Les transformateurs internes sont également redondants.
Thomas von Ah nous conduit à un poste de travail situé près des armoires de commande. Il lance sur un PC le système de gestion du bâtiment «WinCC OA/PVSS II», le véritable cerveau du pavillon d’hospitalisation. 200'000 données de mesure provenant de l’ensemble du bâtiment sont regroupées ici. Avec son équipe, il a programmé le système de manière à ce que la température ambiante, la lumière et la ventilation des chambres soient contrôlées de façon automatique conformément aux exigences. Près de 20 km de câbles à fibre optique assurent l’intercommunication des systèmes. Huit PC équipés du système d’automatisation du bâtiment sont répartis dans le centre hospitalier. Pour chaque étage, Thomas von Ah peut consulter un plan sur lequel l’ensemble des réglages est représenté. Il peut également surveiller les valeurs réelles et les consignes de tous les capteurs de température et de pression et les régler manuellement si nécessaire.
Chauffage et éclairage
Le réglage du chauffage et de la climatisation constitue une fonction essentielle de l’automatisation du bâtiment. Des panneaux avec tubes capillaires montés sur les plafonds font office d’échangeurs thermiques afin de climatiser les chambres en été et de les chauffer en hiver. La ventilation contrôlée ainsi que l’enduit qui revêt les panneaux assistent la régulation climatique. Ce dernier assure une régulation naturelle des odeurs, des sons et de l’humidité ambiante.
Dans la cave, deux pompes à chaleur couplées à un champ de 92 sondes géothermiques d’une longueur de 200 m assurent le chauffage. De plus, une nouvelle centrale de chauffage à bois déchiqueté de 2,6 MW recourant au bois des forêts environnantes a été construite à côté du pavillon. 1,5 million de litres de mazout sont ainsi économisés chaque année et la consommation de mazout et de gaz naturel a pu être réduite de 80%, l’une des raisons pour lesquelles le bâtiment a obtenu le label «Minergie-P-Eco». Une chaudière à mazout reste cependant disponible en tant que système redondant de secours et pour les pointes de consommation.
L’éclairage des 1885 pièces du pavillon a aussi constitué un défi pour l’automatisation. Les besoins étant différents dans les chambres, les bureaux et les toilettes, l’équipe de Thomas von Ah a dû installer environ 13'000 «Digital Addressable Lighting Interfaces» (Dali) pour programmer les 8000 éclairages LED du bâtiment en fonction des diverses exigences. Ces derniers s’adaptent même automatiquement aux conditions lumineuses extérieures, ce qui optimise la consommation énergétique. Selon l’Office des constructions, une économie de 27% de la consommation électrique dédiée à l’éclairage a ainsi pu être réalisée.
Une automatisation énergivore?
Le potentiel d’économies d’énergie liées à l’automatisation est grand. Aujourd’hui, environ 40% de la consommation énergétique suisse sont dus à l’exploitation (chauffage, eau chaude, ventilation, climatisation, appareils, éclairage) des bâtiments. «Une commande intelligente et le remplacement de l’éclairage traditionnel par des LED permettent, sans grands investissements, d’économiser entre 15 et 20% d’énergie», affirme Thomas von Ah. On se demande toutefois quelle part de la consommation énergétique totale du bâtiment est à imputer à l’automatisation. Selon Thomas von Ah, il s’agit d’un faible pourcentage. «Les économies réalisées grâce à l’automatisation du bâtiment sont supérieures de plusieurs facteurs à sa consommation.»
Dans une étude réalisée en 2016, la Haute école spécialisée de Lucerne a obtenu un résultat quelque peu différent: les chercheurs ont comparé la consommation de divers systèmes d’automatisation à celle de l’ensemble de la technique du bâtiment. Bilan: pour les bâtiments moyennement efficaces, la part de l’automatisation s’élève à un pourcentage d’un à deux chiffres: tout sauf négligeable selon les auteurs. Selon Thomas von Ah, l’étude est toutefois controversée au sein de la branche. Un des objets de controverse est, entre autres, les limites du système, et notamment la distinction entre les composants faisant partie de la technique du bâtiment et ceux faisant partie de son automatisation. À cela s’ajoute le fait que, jusqu’à présent, la consommation de l’automatisation n’a fait l’objet que de rares études comparatives et que les résultats n’ont pas été vérifiés sur de plus grands projets. Le thème suscite toutefois un grand intérêt: la Haute école spécialisée de Lucerne réalisera en 2018 une autre étude sur ce sujet avec l’Office fédéral de l’énergie et des planificateurs spécialisés en automatisation du bâtiment.
Récupération de la chaleur par les poumons
Nous visitons maintenant les poumons du bâtiment. Ils occupent l’ensemble de la surface du 17e étage. Un bourdonnement et de légères vibrations emplissent la halle. D’immenses chambres et conduits de ventilation revêtus d’aluminium évacuent l’air vicié du bâtiment et aspirent l’air frais. Même le système de ventilation contribue à l’efficacité énergétique: la chaleur de l’air vicié est extraite par un récupérateur, puis répartie dans le pavillon d’hospitalisation par le biais d’un circuit hydraulique. Les commandes nécessaires ont également été automatisées avec des API. Le système contrôle aussi les 300 clapets coupe-feu installés dans les canaux de ventilation qui s’activent en cas d’alarme. Le service technique peut contrôler à tout moment la ventilation en un clic et consulter sur l’écran les régulateurs de débit volumique afin d’assurer une ventilation homogène dans toutes les chambres.
Après plus d’un an et demi d’exploitation, Thomas von Ah est satisfait du «métabolisme» du pavillon. La laborieuse mise en service en a valu la peine puisqu’aujourd’hui, les dysfonctionnements et les déclenchements d’alarmes sont extrêmement rares. À la question sur le bien-être des patientes et patients dans le bâtiment, il répond: «Dans notre branche, nous partons du principe qu’environ 30% des gens ont toujours quelque chose à redire à propos de la climatisation des pièces. Jusqu’à présent, je n’ai pas entendu dire qu’il y en aurait plus au Triemli.»
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