Un autogoal
La plume politique 6/2021
Pas moins de 1500 milliards de francs – voilà à combien sont estimés les investissements dans le domaine de l’énergie d’ici à 2050 dans les Perspectives énergétiques de la Confédération, y compris les réinvestissements et la transformation pour l’objectif zéro émission nette. Pour que ce montant colossal soit disponible, les bailleurs de fonds ont besoin de certaines garanties.
Ce qui est déterminant, c’est que le capital investi produise des intérêts – et cela de manière stable et équitable. Un élément d’autant plus essentiel pour les investissements dans l’hydraulique et les réseaux, vu leur horizon de placement de quelque 80 ans. Le réseau représentant un monopole naturel, on fixe pour celui-ci un taux d’intérêt calculé (le WACC, Weighted Average Cost of Capital).
Curieusement, la Confédération réfléchit maintenant à changer les règles de calcul de la rémunération du capital afin de refléter les taux d’intérêt du marché. Mais elle néglige le fait que ces derniers ne peuvent plus faire office de référence : ils sont maintenus artificiellement à un niveau bas et distordent le marché monétaire même pour les placements à long terme. Cela n’est pas durable et ne saurait être considéré comme la nouvelle normalité. En abaissant le WACC, la Confédération risque de compromettre sa propre stratégie énergétique et climatique. C’est en effet précisément le réseau qui constitue à la fois le pilier et la condition sine qua non d’un approvisionnement en énergie renouvelable et de l’électrification – ce qui nécessitera cependant des investissements beaucoup plus élevés à l’avenir et, partant, une certaine sécurité d’investissement.
Comme si cela ne suffisait pas, il en résulterait également des répercussions directes sur le développement des énergies renouvelables, car le calcul de la rémunération du capital pour l’encouragement est directement couplé à la méthode du WACC pour le réseau. Une baisse aurait donc des conséquences dévastatrices sur toute la ligne : la confiance des investisseurs s’amenuiserait, et avec elle le capital pour les investissements dans le réseau et dans les énergies renouvelables. Or ces derniers sont indispensables pour la transformation du système énergétique, et créent en prime de la valeur ajoutée et des emplois précieux en Suisse.
Remettre en question le WACC reviendrait à prendre une direction diamétralement opposée à la stratégie énergétique et climatique de la Confédération et à la sécurité d’approvisionnement à long terme. Reste à espérer que la Berne fédérale se rende compte à temps qu’elle est sur le point de marquer un autogoal.
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