Stockage résidentiel garanti en capacité
Réutilisation de cellules dans des batteries réparables
Les batteries des vélos et trottinettes électriques ainsi que des appareils électroménagers sont souvent recyclées prématurément alors qu’elles pourraient être réutilisées pour le stockage photovoltaïque. Une start-up a démontré que, même s’il présente certains défis, un reconditionnement rentable de telles batteries peut désormais être réalisé.
Les trottinettes et vélos électriques sont de plus en plus répandus sur nos routes: en 2024, 1,4 million de vélos électriques étaient ainsi en circulation en Suisse, avec près de 150'000 nouveaux vélos électriques vendus cette même année [1]. Or, les batteries au lithium de ces moyens de locomotion sont en grande majorité composées de cellules cylindriques INR18650 – des cellules également présentes dans de nombreux objets du quotidien, qu’il s’agisse d’aspirateurs, de perceuses, ou encore de brosses à dents électriques. La propagation de tels équipements implique un besoin croissant de solutions pour la prise en charge de leurs batteries à la fin de leur première vie. En effet, ces dernières sont bien souvent condamnées à être détruites alors que leurs cellules détiennent encore du potentiel de stockage.
Cette fin de vie prématurée peut être causée par différents facteurs. Une défaillance du système électronique, due par exemple à un système de gestion de la batterie (Battery Management System, BMS) défectueux, peut en être à l’origine. Une autre cause possible: la présence de quelques cellules ayant vieilli prématurément, les cellules les plus faibles pénalisant inévitablement la performance globale de toute la batterie.
D’un autre côté, l’expansion de l’exploitation des sources d’énergie renouvelables entraîne un besoin croissant d’unités de stockage décentralisées. La production photovoltaïque (PV) a, par exemple, été multipliée par sept entre 2014 et 2024, pour atteindre une production annuelle de 5,9 TWh en Suisse en 2024. Quant à la capacité totale des systèmes de stockage lithium-ion en service dans notre pays, elle a été multipliée par 20 entre 2019 et 2024: 287 MWh de nouveaux systèmes de stockage y ont été installés l’année dernière, dont 86,8% dans des maisons individuelles, permettant ainsi d’atteindre une capacité totale de 884 MWh en 2024 [2]. Le réseau électrique n’étant pas à même d’absorber la totalité des pics de production solaire, les batteries sont utiles pour le délester et assurer la sécurité de l’approvisionnement [3]. Or, la production de batteries neuves nécessite une extraction conséquente de matières premières, alors que les batteries déjà en circulation représentent un «gisement» local accessible pour le stockage d’énergie stationnaire.
En effet, si dans les batteries arrivées à la fin de leur première vie, beaucoup de cellules ne sont plus assez performantes pour une utilisation exigeante, elles ont toujours une capacité suffisante pour des usages plus doux. C’est par exemple le cas de cellules utilisées dans la micromobilité électrique, qui implique des cycles intenses et des pics fréquents. En contrepartie, les cycles du stockage photovoltaïque durent 24 h et les charges et décharges peuvent se faire plus lentement, ce qui est plus adapté à l’utilisation de cellules de seconde vie.
Problématiques liées à la réutilisation de cellules
Reconditionner des cellules de batteries à la fin de leur premier usage n’est pas si facile. Plusieurs obstacles doivent être surmontés avant de pouvoir permettre aux cellules de bénéficier d’une seconde vie dans le cadre du stockage de la production photovoltaïque.
La première difficulté consiste à se procurer ces cellules: bien qu’elles soient très présentes sur le marché, peu d’entre elles ont déjà atteint l’étape du recyclage, leur utilisation pouvant durer plusieurs années [4]. Les variations des prix des matières premières influencent aussi la volonté de recyclage: quand ces prix sont élevés, les cellules sont détruites pour revendre la matière première. Enfin, la logistique est complexe: les batteries nécessitent des autorisations particulières pour être transportées et stockées, car celles-ci sont classifiées comme des déchets spéciaux.
Une fois en possession de batteries usagées, il faut être en mesure de traiter les cellules de manière individuelle. Pour cela, un désassemblage minutieux des batteries doit être effectué. Or, chaque batterie est conditionnée différemment, les boîtiers n’étant pas standardisés entre les équipements et les marques. L’automatisation de cette tâche est donc complexe. De plus, à l’intérieur d’une batterie, les cellules sont habituellement soudées entre elles: elles doivent donc être séparées sans être abîmées, tout en tenant compte du risque de court-circuit ou d’autre défaillance. Lors de cette étape, les cellules problématiques peuvent déjà être identifiées visuellement par des marques de corrosion ou de coulure de l’électrode.
Ces étapes effectuées, il est essentiel de pouvoir identifier l’état de chaque cellule, d’une part, pour écarter toutes celles qui présenteraient des risques pour une seconde utilisation et, d’autre part, pour garantir une seconde vie adaptée au potentiel restant de chacune d’elles. Pour réassembler les cellules en batteries, celles-ci doivent être regroupées (appairage) selon leur état de santé (State of Health, SoH), et ce, afin d’éviter un déséquilibrage qui engendrerait un vieillissement prématuré des cellules et qui ne permettrait pas d’exploiter tout leur potentiel restant. Le développement d’un BMS adéquat est ici essentiel, car il joue un rôle crucial pour éviter ces déséquilibres.
Réutilisation des cellules dans des batteries de seconde vie
Evolium Technologies, une start-up basée à Sion, s’est penchée sur les possibilités de reconditionnement des cellules INR18650 pour une utilisation dans le cadre du stockage du photovoltaïque résidentiel.
À l’aide d’un processus automatisé développé en interne, les cellules récupérées auprès de différents partenaires sont testées selon plusieurs facteurs afin de déterminer leur état de santé, et donc la possibilité de leur donner une seconde vie. En effet, l’historique de chacune des cellules n’étant pas connu, il est nécessaire d’acquérir une série de données permettant d’obtenir des informations précises sur chacune des cellules après leur première utilisation. L’analyse de ces données est ensuite effectuée à l’aide d’algorithmes avancés, également développés en interne, et renforcés par l’intelligence artificielle. Avec ces informations, la start-up peut ensuite optimiser la répartition des cellules dans chaque module, une étape essentielle pour maximaliser la durée de vie de chaque cellule et éviter ainsi une usure prématurée. L’ensemble de ce processus, incluant les tests, leur robotisation et l’optimisation de la répartition des cellules, a été développé par l’équipe d’Evolium, ce qui lui donne un contrôle total sur le fonctionnement de toutes les étapes de cette technologie et un avantage compétitif pour la phase de croissance et de mise à l’échelle industrielle de la start-up.
Adapter l’utilisation de la batterie en conséquence
L’usage de la batterie a également dû être soigneusement considéré pour prolonger au maximum la durée de vie de chaque cellule. Des décharges trop rapides entraînent une usure plus importante des cellules, tandis qu’un cycle plus lent favorise la prolongation de leur durée de vie. Evolium a abordé cette question en optant pour une décharge douce lissée sur toute la durée d’une nuit, au lieu d’une décharge rapide pendant les premières heures sans soleil (figure 1). Cette approche est particulièrement novatrice et permet d’augmenter la durée de vie des cellules. Elle est également rendue possible car les clients privés ne payent pas les appels de courants sur le réseau. Il est ainsi préférable d’utiliser le réseau pour couvrir les pics de consommation, et la batterie pour la consommation de base. Pourtant, la majorité des systèmes actuels font l’inverse!
Une architecture modulaire pour garantir la capacité à vie
Evolium a développé l’architecture de ses batteries de manière modulaire: les modules peuvent ainsi être échangés et réparés. Cette fonction d’échange des modules est accompagnée d’une garantie de capacité à vie, sous la forme d’un abonnement. Grâce au monitoring de chaque batterie, son propriétaire est averti lorsqu’un module faiblit et doit être échangé. Un nouveau module lui est alors envoyé. L’ancien est retiré en tirant sur sa poignée (figure 2) et le nouveau est inséré dans la batterie, sans paramètre à modifier ni bouton à toucher. Ce modèle permet à la batterie de conserver sa capacité nominale à long terme, tout en garantissant que l’utilisation de cellules de seconde vie ne constitue pas un risque pour le client.
Les anciens modules sont ensuite retournés à Evolium, qui récupère les cellules et les fait à nouveau passer dans son installation robotisée pour en définir le potentiel restant. Les cellules encore fonctionnelles sont remises dans de nouveaux modules, leur permettant d’être utilisées une troisième fois, voire une quatrième, et ainsi de suite jusqu’à ce que chaque cellule soit exploitée au maximum de son potentiel. Ce modèle se distingue donc de l’économie linéaire traditionnelle en créant une économie circulaire propre aux batteries au lithium (figure 3).
Une meilleure compréhension de la seconde vie des batteries
L’une des clés du fonctionnement d’Evolium Technologies réside dans son approche novatrice en ce qui concerne l’acquisition et l’analyse des données des cellules, renforcée par l’intelligence artificielle. Chaque opportunité de récolter des informations est saisie afin d’acquérir des connaissances toujours plus approfondies sur les cellules de seconde vie, et de consolider ainsi toutes les étapes du processus.
Si le test des cellules fournit une partie conséquente de ces données, le monitoring des batteries installées chez le client constitue une source complémentaire d’informations précieuses pour la compréhension de l’évolution de la performance des cellules pendant leur fonctionnement. Cette collecte d’informations à la fois durant le test et durant le fonctionnement chez le client fournit un set de données unique, et permet à la start-up de se placer en avant-garde du traitement et de la compréhension de la seconde vie des batteries. Elle est ainsi à même de s’améliorer constamment dans sa mission: la prolongation du cycle de vie des batteries au lithium.
Perspectives
Selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA), d’ici 2050, la demande mondiale de lithium pourrait être multipliée par un facteur de 5,7 à 8,9 par rapport à 2024 [5]. Pour une transition énergétique efficace, il est donc essentiel de garder cette matière première pour les applications où elle est strictement nécessaire, et de réutiliser les batteries déjà en circulation pour prolonger leur durée de vie au maximum.
La réutilisation de batteries provenant d’applications diverses pour le stockage résidentiel ne se limite pas aux cellules INR18650. Le processus de reconditionnement pourrait être réplicable à d’autres cellules présentes sur le marché européen, par exemple aux cellules INR21700. Des batteries de taille plus conséquente, comme celles utilisées dans les voitures électriques, peuvent aussi être reconverties pour le stockage photovoltaïque. Le processus de reconditionnement est cependant différent, compte tenu des spécificités de ces batteries [6].
Idéalement, le cadre légal pourrait évoluer pour favoriser davantage le développement de nouvelles initiatives pour les batteries de seconde vie. Le secteur évoluant plus rapidement que la législation qui s’y rapporte, le reconditionnement des batteries n’y est pas encore distinctement intégré, bien que la loi fédérale sur la protection de l’environnement (LPE) indique que dans la mesure du possible, les déchets doivent être réutilisés ou valorisés [7]. La réutilisation de batteries après leur première vie constitue donc une réelle opportunité pour favoriser la transition énergétique et promouvoir l’économie circulaire.
Références
[1] Association suisse des fournisseurs de cycles Velosuisse, «Vente neufs 2024 – Bientôt un vélo sur deux vendus est un vélo électrique», 14 mars 2025.
[2] Office fédéral de l’énergie (OFEN), «Statistiques de l’énergie solaire. Année de référence 2024», 10 juillet 2025.
[3] Forum Stockage d’énergie Suisse, «Les batteries. Une clé de la transition énergétique», décembre 2022.
[4] Inobat, «Rapport annuel 2024», 25 juillet 2025.
[5] International Energy Agency (IEA), «Global Critical Minerals Outlook 2025», mai 2025.
[6] S. Costea, E. van Rooyen, «Une seconde vie pour les batteries – Nouvelles applications pour les batteries de véhicules électriques usagées», Bulletin Electrosuisse 7/2023, p. 40-43, 2023.
[7] Loi fédérale sur la protection de l’environnement (LPE), art. 30d Valorisation.
Forum romand de l’énergie
27 novembre 2025, à Ecublens
Alexandre Staub, co-auteur de cet article et CEO d’Evolium Technologies, fera partie des orateurs du prochain Forum romand de l’énergie. Il y présentera cette technologie plus en détail.
Le programme complet du Forum romand de l’énergie est disponible sur le site de l’événement.
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