Interview Régulation , Énergies renouvelables

Simplifier les procédures face à l’urgence

Un potentiel trop peu exploité

01.10.2019

En hiver, la consommation électrique augmente alors que les productions hydraulique et photovoltaïque diminuent. Comment assurer dès lors la transition énergétique? La réalisation d’installations photovoltaïques et de parcs éoliens en milieu alpin permettrait, grâce à leurs productions hivernales bien plus élevées qu’en plaine, de combler partiellement cette lacune.

Lionel Perret
Lionel Perret
Bulletin: La production des énergies renouvelables telles que l’énergie hydraulique et le photovoltaïque est fortement réduite en hiver. Dans quelle mesure l’éolien et le photovoltaïque en milieu alpin peuvent-ils contribuer à combler cette lacune?

Lionel Perret: Le potentiel énergétique solaire et éolien des régions alpines est énorme et très peu exploité. Il est possible d’y réaliser les installations les plus productives de Suisse. En ce qui concerne le photovoltaïque, même si la majorité de l’énergie reste produite en été, la combinaison de panneaux bifaciaux, de la réflexion sur la neige et des faibles températures peut conduire jusqu’à un doublement de la production annuelle et à un triplement de la production hivernale des panneaux par rapport au Plateau suisse. Les éoliennes fournissent, quant à elles, 65% de leur énergie en hiver. Or, dans les Alpes, les phénomènes thermiques réguliers permettent de produire une énergie plus prévisible et jusqu’à 30% de production supplémentaire par rapport aux installations en plaine.

Quelle technologie serait le plus rapidement réalisable en milieu alpin?

Le solaire en toiture est facilement réalisable, mais la neige s’accumulant sur les toits ne permet pas d’exploiter le potentiel hivernal de manière optimale. Des installations solaires alpines sur des infrastructures (routes, barrages, lacs, stations de ski) présentent un potentiel intéressant, mais les procédures d’autorisation sont plus complexes. En effet, pour ces projets de plus grande envergure, il s’agit de convaincre les acteurs locaux et nationaux de leur valeur essentielle pour la transition énergétique. En cas d’oppositions, la longueur des procédures n’est pas quantifiable. Le cas de l’éolien illustre cette difficulté: malgré des études complexes, le soutien de grandes associations environnementales et des votations locales positives, des procédures d’autorisation n’ont toujours pas abouti après plus de 15 ans.

Comment pourrait-on accélérer ces procédures?

Une des difficultés réside dans le processus actuel pour les projets énergétiques d’envergure qui passe par un plan directeur, un plan d’affectation et un permis de construire. Les deux derniers peuvent être soumis à des oppositions à trois niveaux: au niveau des autorités locales, des tribunaux cantonaux, puis du Tribunal fédéral. Ce processus démocratique a une durée incompatible avec l’urgence climatique et la rapidité de l’évolution technologique. Sans changer les lois, il pourrait être accéléré en évitant d’ajouter de nouvelles exigences en cours de procédure et en convainquant les associations environnementales de l’importance de ces projets pour la transition énergétique. En changeant les lois, la possibilité d’éviter ces triples étapes de recours serait à étudier.

L’événement organisé par Alpenforce le 18 juin à Zurich était intitulé «12 TWh d’électricité produite à partir d’installations photovoltaïques en milieu alpin: le remplacement de l’énergie atomique?». Est-ce réaliste?

C’est techniquement réaliste, politiquement utopique, mais climatiquement indispensable. Compter sur le photovoltaïque en autoconsommation sur des toitures ne suffira pas à assurer une transition énergétique dans les délais nécessaires. Le déploiement d’un mix technologique et de grands projets solaires sur des infrastructures est essentiel. Il ne sera pas possible de faire de la Suisse un musée des paysages d’hier et de réaliser en même temps la transition énergétique. Il nous faudra alors choisir entre compter sur nos voisins ou faire de la Suisse un moteur et un exemple dans la démonstration d’un système énergétique 100% renouvelable. Pour atteindre cet objectif, le photovoltaïque alpin et l’éolien devront avoir leur place dans le mix électrique suisse.

 

Auteure
Dr. Cynthia Hengsberger

est rédactrice du Bulletin Electrosuisse.

  • Electrosuisse,
    8320 Fehraltorf

En quelques mots

Lionel Perret est directeur associé de Planair et responsable du secteur Énergies renouvelables et innovation. Il représente la Suisse dans le groupe de travail de l’Agence Internationale de l’Énergie pour l’analyse stratégique du développement du photovoltaïque.

  • Planair
    1400 Yverdon-les-Bains

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