Se donner les moyens d’innover
Associer l’inventivité des étudiants au savoir-faire des PME
Pour obtenir leur master, les étudiants de l’EPFL sont obligés d’effectuer un stage de plusieurs mois en entreprise. Or, même si plus de 99% des entreprises suisses sont des PME, les étudiants privilégient les offres de stages issues des start-up et des grandes multinationales. Pourquoi est-ce le cas?
Voici sept années que les futurs ingénieurs de l’EPFL ont l’obligation de passer plusieurs mois en entreprise, que cela soit pour y effectuer un stage ou leur projet de master. L’occasion pour les étudiants d’acquérir une expérience professionnelle et de se pencher sur des projets concrets, mais aussi pour les entreprises de profiter des compétences résolument tournées vers l’avenir dont les étudiants bénéficient déjà à ce stade de leur parcours académique.
Toutes les entreprises peuvent soumettre des offres de stages ou entrer en contact avec un professeur pour la définition d’un travail de master. Après un processus de contrôle effectué par les filières pour lesquelles les stages sont proposés ou la validation du professeur concerné pour les projets de master, les offres sont publiées sur un portail dédié à cet effet. Les étudiants peuvent les consulter et postuler pour les propositions qui les attirent le plus.
Or, force est de constater que les étudiants ont tendance à privilégier les projets issus de grandes multinationales et de start-up. Les offres des petites et moyennes entreprises (PME) ne rencontrent, quant à elles, pas toujours le succès qu’elles méritent. Pourquoi en est-il ainsi? Sebastian Gautsch, le coordinateur des stages en entreprise pour la faculté STI (Sciences et techniques de l’ingénieur), nous fait part de ses réflexions.
Deux concepts différents
Un stage en entreprise peut être effectué à tout moment pendant le master, soit dès la fin de la 3e année d’études. D’une durée de 2 à 6 mois, il est défini et supervisé par l’entreprise qui engage l’étudiant et le rémunère1). Ce dernier peut être impliqué dans plusieurs départements pour résoudre diverses problématiques industrielles, réaliser des analyses, des optimisations, des statistiques ou encore des caractérisations. À son terme, le maître de stage en entreprise devra fournir une évaluation de l’étudiant basée sur les aspects suivants: application du savoir technique et scientifique, organisation du travail, intégration au milieu professionnel, communication et autonomie.
Le projet de master constitue, pour sa part, la dernière étape que les étudiants doivent franchir pour obtenir leur diplôme d’ingénieur. Il est généralement effectué en milieu académique, que cela soit dans les laboratoires de l’EPFL ou dans d’autres universités en Suisse ou à l’étranger, mais il peut aussi être réalisé en entreprise. D’une durée de 25 semaines, il est supervisé par un professeur de l’EPFL qui devra valider son cahier des charges avant sa publication en ligne. Le projet de master doit être novateur, attrayant, bien structuré et disposer d’un plan de travail clairement défini ainsi que d’un objectif scientifique précis à atteindre. Il comprend la rédaction d’un compte-rendu et une défense orale pour lesquels l’étudiant recevra une note dont dépendra sa promotion. Contrairement au cas d’un stage, il n’est pas souhaité que l’étudiant soit rémunéré, mais plutôt qu’il soit défrayé.
Une offre qui dépasse largement la demande
En 2017, l’EPFL a reçu sur son portail internships.epfl.ch plus de 2100 offres de stages et de projets de master provenant d’environ 600 entreprises. La même année, 1236 étudiants en ont profité. Plus d’un tiers des offres n’a donc pas trouvé preneur.
Si l’on se concentre sur la situation de la faculté STI2), on obtient les chiffres suivants: les 299 étudiants se sont vus proposer près de 850 offres. Quant aux 65 étudiants en génie électrique, ils ont bénéficié de 540 offres de stages! Il s’agit certes d’un chiffre à relativiser, un grand nombre de stages étant proposés simultanément aux étudiants de différentes facultés. Ces chiffres donnent néanmoins une bonne idée de la situation: en ce qui concerne les stages en entreprise, l’offre dépasse largement la demande.
Championnes de l’emploi et pourtant sujettes à préjugés
Les PME représentent plus de 99% des entreprises et génèrent deux tiers des emplois en Suisse. [1] Ce sont donc elles les championnes de l’emploi! Alors pourquoi les étudiants privilégient-ils les offres de stages des start-up et des grandes multinationales? Sebastian Gautsch propose quelques explications: «Les start-up ont déjà l’avantage d’être souvent situées à proximité de l’EPFL. De plus, elles proposent facilement des projets multidisciplinaires. Ceux-ci sont d’autant plus passionnants que de nouveaux concepts y sont développés. Les grandes multinationales ont, quant à elles, l’avantage de pouvoir laisser envisager des plans de carrière plus prometteurs et offrir une rémunération plus avantageuse. Elles ont en outre souvent des départements qui se consacrent à la recherche et au développement, ce qui leur permet de proposer des projets contenant une grande part d’innovation.»
Les PME disposent pour leur part de connaissances technologiques très pointues dans leur domaine. Elles sont en général plus liées à des projets concrets dont les résultats, qu’il s’agisse de nouveaux produits ou d’optimisations, doivent être commercialisés dans les meilleurs délais. «Les étudiants s’imaginent peut-être que cela empêche les PME de dégager les ressources nécessaires pour explorer de nouvelles pistes et que, par conséquent, leur maître de stage en entreprise n’ait pas suffisamment de temps à leur consacrer», suppose-t-il.
L’EPFL a pour mission de prodiguer un enseignement avant-gardiste afin de fournir les instruments nécessaires aux développements de demain. De ce fait, les étudiants fourmillent d’idées dont les PME pourraient profiter. «Il est vraiment dommage qu’il n’y ait pas plus d’étudiants qui effectuent leur stage en entreprise dans une PME!», s’exclame Sebastian Gautsch, «Pourtant, nous les y encourageons...»
Pistes à suivre
Afin de permettre aux PME d’attirer plus d’étudiants, Sebastian Gautsch rappelle quelques points essentiels: «D’une part, avant de définir et de proposer un stage, il peut être utile de consulter les brochures d’information sur les masters proposés à l’EPFL, et ce, afin de vérifier que les compétences des étudiants correspondent bien à la problématique que l’on souhaite résoudre.» Cela permettra de définir des projets plus innovants et donc plus attractifs. «D’autre part, il faut absolument fixer dès le départ qui sera le maître de stage en entreprise et s’assurer qu’il dispose du temps nécessaire à l’encadrement de l’étudiant» , ajoute-t-il.
La première fois, il vaut peut-être mieux commencer par proposer un stage. Mais si l’on dispose d’un projet suffisamment novateur pour un projet de master, il faudra alors en premier lieu prendre contact avec un professeur actif dans ce domaine. À noter encore que si l’offre de stages est plutôt abondante, le nombre de propositions de projets de master en entreprise (une cinquantaine en 2017) n’est, lui, pas suffisant pour répondre à la demande des étudiants.
Une expérience bénéfique pour tous
Au-delà du fait de proposer de l’innovation aux entreprises, les projets de master en entreprise permettent également de créer des liens entre les laboratoires de recherche académiques et l’industrie. L’EPFL a beaucoup de jeunes professeurs assistants (tenure track) qui disposent de 6 ans pour s’établir dans leur domaine et qui, parallèlement à leur recherche académique, souhaitent développer leur réseau industriel.
Plus globalement, le programme des stages permet aussi à l’EPFL de recevoir un feedback sur la formation de ses étudiants par le biais des évaluations effectuées par les maîtres de stage en entreprise. En 2017, 98% des appréciations globales étaient bonnes, voire excellentes (66%). Ces résultats montrent que les entreprises sont satisfaites des compétences techniques et transversales dont font preuve les étudiants. Certains de ces derniers retournent d’ailleurs dans la même entreprise pour effectuer leur projet de master et y débutent même leur carrière professionnelle.
Lorsqu’on lui demande s’il peut citer un exemple d’un développement effectué par un étudiant qui a abouti à la commercialisation d’un produit, Sebastian Gautsch répond: «Il est toujours délicat de parler de success stories. Elles débouchent généralement sur des dépôts de brevets et doivent rester confidentielles. Mais plus généralement, je peux citer le cas d’une start-up regroupant encore 5 personnes il y a 5 ans. Chaque année, celle-ci a employé entre 5 et 10 stagiaires de l’EPFL et elle a breveté tous les développements effectués. Cette start-up compte plus de 100 employés actuellement.»
Référence
Notes
1) L’EPFL recommande une rémunération de l’ordre de 2000 à 2500 CHF/mois.
2) La section STI comprend les étudiants des filières génie électrique, génie mécanique, microtechnique, matériaux et bioingénierie.
Informations
Le site Internet internships.epfl.ch explique le cadre administratif et le contexte du programme: comment soumettre une offre de stage, à quel moment, etc. Sebastian Gautsch (email) et les coordinateurs des autres facultés se tiennent aussi à la disposition des entreprises pour toute question ou demande de conseil.
Trois événements à retenir
Le 19 avril 2018
Le Forum de l’innovation pour les PME
forward-sme.epfl.ch/
Du 8 au 12 octobre 2018
Le Forum EPFL
www.forum-epfl.ch
Le 20 mars 2019
La Journée Industrie de la faculté des Sciences et techniques de l’ingénieur de l’EPFL
sti.epfl.ch/journeeindustrie
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