Article Efficacité énergétique , Mobilité

Quand puissance rime avec silence...

Essai d'une moto électrique

25.08.2022

Alors que les nouvelles immatriculations de voitures en Suisse révèlent une nette progression de la propulsion électrique, les ventes de motos électriques peinent à décoller. Et ce, pour plusieurs raisons: le vrombissement du moteur manque, l’autonomie est plus faible et la recharge prend plus de temps. Mais ces motos ont aussi leurs propres qualités, comme le montre cet essai de la Livewire.

La marque Harley Davidson est en principe connue pour ses motos lourdes, vibrantes et bruyantes, associées à un certain style de vie. Mais l’entreprise a désormais osé faire un pas courageux vers un avenir électrifié avec l’un de ses modèles: la première Harley électrique s’appelle Livewire. En anglais, «live wire» désigne un câble électrique sous tension, mais cette expression peut également être utilisée dans le sens de «pile électrique», pour décrire quelqu’un qui déborde d’énergie. Un nom donc parfaitement approprié pour une moto dotée d’une accélération fulgurante.

De fait, la Livewire n’est plus vraiment une nouveauté, puisque les premiers prototypes ont déjà été présentés en 2014 et qu’elle a été définitivement lancée sur le marché en 2019. En mai 2021, Harley Davidson a fini par se détacher de la division Livewire, qui est devenue une marque indépendante – apparemment, les deux cultures étaient finalement trop différentes. Cette scission n’est toutefois pas un abandon tout en discrétion de la mobilité électrique, mais plutôt un nouveau départ, car un deuxième modèle électrique, un peu plus petit et plus abordable, devrait bientôt être disponible en édition limitée à 100 exemplaires: la Livewire S2 Del Mar, destinée à une clientèle plus jeune pour une utilisation urbaine.

Un concept révolutionnaire

Il n’existe pas beaucoup de points communs entre les Harley à moteur thermique et la Livewire. Pour certains non-conducteurs de Harley, le point le plus évident, qui nécessite aussi un certain temps d’adaptation, est la commande des clignotants. Au lieu d’un interrupteur combiné sur la poignée gauche, les Harley – comme certaines BMW – ont deux boutons, l’un sur la poignée gauche et l’autre sur la poignée droite. Pour les conducteurs qui n’y sont pas habitués, le bouton de droite peut présenter l’inconvénient que lorsqu’on appuie dessus, on tourne parfois légèrement la poignée des gaz – ou devrait-on parler de poignée d’alimentation électrique? L’accélération résultant de ce mouvement involontaire est plutôt gênante, surtout avant de tourner à droite. Toutefois, sur la Livewire, l’arrêt automatique des clignotants après le virage est bien pratique.

L’affichage, l’un des éléments principaux du nouveau concept, offre diverses possibilités. Il indique par exemple l’état de charge, certainement l’information la plus importante pour les débutants dans la mobilité électrique – exception faite toutefois de l’indicateur de vitesse qui, sur la Livewire, est encore plus essentiel si l’on veut éviter certaines fins de mois difficiles. L’écran affiche non seulement le niveau de charge, mais aussi une estimation de la distance qui peut encore être potentiellement parcourue. En outre, le bouton de menu permet d’afficher une représentation «statistique» de l’autonomie qui, outre l’estimation susmentionnée, indique la distance maximale et minimale qui peut être atteinte en fonction du style de conduite, afin de donner une idée de la distance qu’il est possible de parcourir avant de devoir s’arrêter à une station de recharge. Une fonction utile qui met encore plus en confiance. Une autre option d’affichage: un graphique qui indique les températures de la batterie, de l’unité de contrôle du moteur et du moteur. Cela permet de savoir s’il est éventuellement nécessaire de prévoir une petite pause lors d’un tour sportif des cols afin de laisser refroidir certains éléments.

Il est également possible de connecter un smartphone via Bluetooth à la Livewire et d’afficher sur l’écran, via l’application Harley-Davidson, des instructions de navigation, par exemple. L’application permet également de contrôler une application de musique ou de répondre à un appel grâce à un bouton situé sur le côté gauche du guidon.

Les quatre modes de conduite Éco, Route, Pluie et Sport, sélectionnables également en cours de route à l’aide du bouton de clignotant droit, sont très utiles. En mode Éco, la récupération d’énergie est plus importante et l’accélération plus douce. Le mode Sport permet une accélération pratiquement silencieuse de 0 à 100 km/h en trois secondes – confortablement et sans changer de vitesse. Il n’y a rien d’autre à faire que de bien tenir les poignées. Le contrôle de traction et la fonction anti-wheelie se chargent du reste.

Transmission et construction

La transmission est radicalement nouvelle. Un moteur synchrone à aimants permanents et à refroidissement liquide, d’une puissance de 78 kW (parler de 105 ch ne serait plus très actuel, et les kilowatts conviennent de toute façon mieux à l’électricité), est placé tout en bas du châssis afin d’abaisser le centre de gravité autant que possible. Une courroie de transmission transmet la puissance à la roue arrière. La batterie de 15,5 kW refroidie par air se trouve juste au-dessus. Cette disposition compacte au centre confère à la moto un comportement harmonieux et agréable dans les virages. Le moteur et la batterie contribuent nettement aux 250 kg qu’affiche cette moto sportive et ergonomique sur la balance, même si elle ne fait pas vraiment son poids.

Le chargeur placé sous la selle permet de recharger complètement la batterie en une dizaine d’heures sur une prise domestique. Une recharge rapide en courant continu est également possible: la batterie est alors à nouveau pleine en une heure environ.

Les conducteurs exigeants peuvent aussi régler individuellement la suspension des roues avant et arrière. Le réglage est dur et sportif, et offre un sentiment de sécurité.

Deux cols en une journée

Mais qu’en est-il de cette propulsion dans la pratique? Un test s’impose. Et pas seulement de la propulsion, mais aussi de l’ensemble du package, qui comprend également l’autonomie et la recharge, afin de voir si le tout est utilisable au quotidien. Pour ce faire, j’ai planifié – en tant que débutant en matière de mobilité électrique – un tour d’une journée qui a commencé par le col du Klausen. Un arrêt à la station de recharge rapide de Silenen permettra ensuite de décider si j’ai encore assez de temps pour poursuivre jusqu’au col de la Furka ou si le retour est la seule option.

Lorsque la batterie est pleine, l’autonomie affichée est d’environ 180 km. Le trajet de 120 km entre l’Oberland zurichois et le col du Klausen via Glaris, puis l’autoroute en direction du sud, s’est déroulé sans encombre. Sur l’autoroute, le régulateur de vitesse s’est avéré être une fonctionnalité pratique, le contrôle régulier du tachymètre n’étant dès lors plus nécessaire. En revanche, la consommation était nettement plus élevée à grande vitesse que lors d’un trajet interurbain plus tranquille. Heureusement, de l’énergie a été de temps en temps récupérée lors de la descente dans la vallée depuis le col. À la station de recharge Gofast à Silenen, il restait encore un quart de l’énergie dans la batterie.

La recharge rapide s’est déroulée sans accroc: j’ai pu m’inscrire via un code QR sans avoir à télécharger d’application, et après avoir branché le connecteur CCS et terminé l’établissement de la communication, ce qui a certainement duré une minute, la recharge a commencé. Une heure plus tard, la batterie était pleine. Avec un prix de l’électricité de 49 ct/kWh, cela m’a coûté environ 6 francs, un prix inférieur au coût correspondant de l’essence. La batterie pleine m’a motivé à attaquer le col de la Furka jusqu’au restaurant Furkablick, un établissement qui, à la mi-juin, n’était malheureusement pas encore ouvert pour la saison. Il n’y a donc pas que la recharge de la moto à prévoir lorsque l’on voyage...

Avec la Livewire, la traversée des deux cols a été un vrai délice. Bien sûr, il y a eu quelques secousses sur le Klausen dont la route est cahoteuse, mais cela fait partie du jeu. La moto accélère sans effort et sans changer de vitesse. J’ai tout de même eu plusieurs fois le réflexe de passer la seconde après avoir démarré, mais l’absence de poignée d’embrayage et de levier de vitesses m’a à chaque fois rappelé que j’étais assis sur un véhicule électrique. Les dépassements ont été effectués en un clin d’œil et les virages étaient un véritable plaisir. Une fois que l’on s’est habitué à ce mode de conduite avec un déploiement de puissance omniprésent, les montées de cols avec un moteur à essence et avec changement de vitesse perdent un tant soit peu de leur attrait.

Sur le chemin du retour après le col de la Furka, j’ai utilisé la station de recharge rapide d’Erstfeld. Il n’y avait pas de file d’attente pour la recharge et l’opération a été aussi simple qu’auparavant, pour un coût cette fois-ci de 4 francs. Le retour s’est ensuite fait via Schwyz. Après un total d’environ 250 km, la selle sportive a gentiment commencé à se faire remarquer au niveau du confort. Le reste du trajet s’est toutefois déroulé sans problème, et la recharge finale à l’Elektrizitäts­werk Jona-Rapperswil s’est bien passée, après quelques problèmes initiaux avec l’application.

En fait, le potentiel d’optimisation se situe plutôt au niveau de l’infrastructure de recharge qu’au niveau de la Livewire: de même que dans toutes les stations-­service l’on fait une simple distinction entre le sans plomb 95, le 98 et le diesel, il serait souhaitable de disposer d’une infrastructure uniforme en matière d’applications de recharge. Cela permettrait d’éviter la multiplication d’applications rarement utilisées sur son smartphone et d’améliorer le confort lors de la recharge.

Le réseau de stations de recharge rapide s’étend et, d’ici quelques années, il devrait être possible de faire de longues excursions sans avoir à planifier son trajet ou sans éprouver un léger sentiment de malaise, de peur ne pas pouvoir éventuellement atteindre sa destination.

Une véritable réussite

La conduite de la Livewire offre une aisance que je n’ai encore jamais rencontrée sur une moto à carburant fossile. L’accélération sans effort et presque silencieuse est un vrai plaisir. L’utilisation est simple et fiable, et la moto compacte et d’excellente qualité, qui pèse tout de même 250 kg, permet de prendre des virages harmonieux tout en offrant un sentiment de sécurité.

Mais ce n’est pas seulement le déploiement de la puissance qui étonne, c’est aussi la subtilité avec laquelle la vitesse peut être réglée à basse vitesse. Dans les embouteillages, vous n’avez pas besoin de faire continuellement patiner l’embrayage et en été, vous n’êtes pas «tempéré» par la chaleur qui monte du moteur.

Si la somme à débourser pour son acquisition, 36'500 francs, était un peu moins coquette, on croiserait certainement ici et là une Livewire sur les cols alpins et dans les villes. Bien sûr, sans préavis acoustique. Et la rencontre serait alors plutôt brève, jusqu’à ce que l’engin disparaisse à nouveau à l’horizon, avec agilité et discrétion.

La Livewire a été gracieusement mise à disposition par Müller + Jussel AG, 8617 Mönchaltorf. Merci!

 

Auteur
Radomír Novotný

est rédacteur en chef du Bulletin Electrosuisse.

  • Electrosuisse
    8320 Fehraltorf

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