Quand le vin est tiré...
La plume politique 9/2019
De nouvelles idées circulent quant à la façon dont le tournant énergétique et climatique pourrait être réalisé grâce à un développement massif du photovoltaïque et à une vaste électrification. Certains exigent même la mise en place d’un «plan Marshall» climatique.
Dans toutes ces discussions, le réseau est largement passé sous silence, alors même que sans réseau, aucun approvisionnement en électricité n’est possible. Si l’on prône aujourd’hui le développement des énergies renouvelables, la décentralisation et l’électrification, il faut aussi être prêt à accepter un réseau adapté à notre époque. Il s’agit en particulier de desserrer le corset qui existe autour de la tarification du réseau, afin d’adapter enfin celle-ci au XXIe siècle. En effet, tant que ce sont surtout les kilowattheures soutirés qui comptent, et non la puissance nécessaire, le réseau ne peut pas satisfaire aux exigences de politique énergétique et climatique. De plus, avec le développement du photovoltaïque, les pics d’injection vont fortement augmenter. En vue d’éviter une extension du réseau économiquement disproportionnée, il convient de prévoir une gestion de l’injection. Saluons donc le fait qu’une motion y relative (19.3755), soutenue par des parlementaires de tous les partis, ait été déposée durant la session d’été.
D’un autre côté, de nouveaux obstacles procéduraux planent à nouveau sur le réseau: sous le couvert de la protection contre la perte de terres cultivables, le Conseil national a étonnamment inclus dans la Loi sur l’expropriation une disposition qui prévoit une indemnisation plus élevée et fixée arbitrairement pour l’expropriation de terres cultivables. Or, les infrastructures telles que les réseaux électriques ne peuvent pas être déplacées à volonté vers d’autres sites et leur construction relève d’un intérêt public. Cette nouvelle disposition ne débouche donc guère sur une meilleure protection des terres cultivables – en revanche, elle crée une inégalité de traitement choquante de tous les propriétaires dont les terrains ne bénéficient pas d’une telle plus-value. Pour les réseaux électriques, cela implique une nouvelle complication de procédure: en lieu et place d’un accord à l’amiable, il faudra davantage passer par la fastidieuse procédure d’expropriation. Cela va diamétralement à l’encontre de la nécessité d’adapter à temps les réseaux au tournant énergétique. Il incombe maintenant au Conseil des États de corriger le tir.
Le tournant énergétique et climatique ne pourra pas aboutir uniquement avec de belles paroles et des projets glorieux: une mise en œuvre résolue sera incontournable dans tous les domaines politiques. Pas de réseau, pas d’électrification – quand le vin est tiré, il faut le boire. Ne serait-ce que dans l’intérêt du climat.
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