Interview Énergies renouvelables

Quand hydroélectricité rime avec biodiversité

Durabilité

24.09.2020

Le nouveau directeur général des Forces Motrices Valaisannes (FMV) entame ses fonctions en pleine période de transition énergétique. Les défis à relever sont de taille. Le développement durable et son corollaire, la biodiversité, sont des valeurs fondatrices pour FMV et autant de chances à saisir. Regard optimiste qui voit le Valais et la Suisse jouer le rôle de future batterie de l’Europe.

Bulletin : Monsieur Maret, que signifie la transition énergétique pour le Valais ?

Stéphane Maret : Avec sa Stratégie énergétique 2050, la Confédération a marqué un acte politique fort. Elle place désormais les questions énergétiques, dont la sécurité d’approvisionnement et la préoccupation environnementale, sur un pied d’égalité. Ce rééquilibrage doit maintenant être traduit dans les faits. Dans sa « Vision 2060 – Valais, Terre d’énergie », le Canton vise, de plus, l’objectif d’une autonomie énergétique complète, c’est-à-dire 100 % indigène et renouvelable. Pour y parvenir, le Valais bénéficie d’atouts majeurs : de l’eau en suffisance que la production hydroélectrique valorise et un ensoleillement maximal, favorable au photovoltaïque. Les acteurs valaisans – le Canton, FMV, les entreprises d’approvisionnement en électricité et les communes concédantes – se sont donc investis dans la mission d’atteindre cette autonomie cantonale tout en contribuant activement aux objectifs de la Stratégie énergétique de la Confédération et à la sécurité d’approvisionnement du pays.

Et FMV, dans ce contexte ?

FMV adhère complètement à cette vision et devra trouver le juste équilibre entre une utilisation optimale du potentiel hydroélectrique et la protection de l’environnement. Dans ce contexte, je vois deux défis majeurs à relever : la quantité et la qualité de l’énergie. L’enjeu étant de produire suffisamment d’électricité au moment où les consommateurs en ont le plus besoin. Les nouvelles énergies renouvelables, imprévisibles et peu flexibles, doivent être pensées en termes de complémentarité avec l’hydraulique. Finalement, un barrage n’est rien d’autre qu’une batterie que l’on peut enclencher à la demande ! Et les aménagements de pompage-turbinage tels que Nant de Drance, dont FMV est partenaire, sont le moyen de recharger ces batteries. Ils participent donc à l’ajustement entre l’offre et la demande, tout en ayant à l’esprit le maintien de l’équilibre entre énergie et environnement. Plus globalement, le cadre de réflexion de FMV à long terme intègre le réchauffement climatique et son corollaire, le recul des glaciers, ainsi que la gestion multifonctionnelle de l’eau.

La place de l’environnement dans les projets de FMV ?

Le réchauffement climatique est clairement une catastrophe à contenir au mieux. En réduisant les masses glaciaires, il va bouleverser beaucoup d’équilibres, mais sans forcément réduire les quantités d’eau disponibles. Il s’agit peut-être d’une opportunité d’augmenter les productions hivernales et d’ouvrir la porte à de beaux défis qui permettraient de déplacer la production estivale excédentaire et peu rentable vers une production hivernale, plus rare et plus demandée. Dans ce contexte, une chose est certaine : FMV se veut exemplaire en termes de durabilité. Désormais, tous nos projets s’inscrivent dans cette logique, en intégrant une dimension économique, sociétale et environnementale. Ce dernier aspect est essentiel. Pour cette raison, FMV travaille en collaboration avec les ONG concernées. Des projets comme Gletsch-Oberwald et Nant de Drance ont été exemplaires en termes de compensation écologique. Si un projet comme Gletsch-Oberwald s’est réalisé, c’est parce que tous les partenaires environnementaux ont été rapidement intégrés. Nous appliquons désormais ce standard à tous nos projets d’envergure. C’est le cas pour le renouvellement de la concession du Rhône de Finges et pour le projet MBR (Massongex-Bex-Rhône) en partenariat avec Romande Energie et les SiL. Il est important de mentionner que de telles réalisations ont un coût. Si FMV investit d’importants moyens financiers dans la biodiversité, il faut également mentionner que des projets d’une telle envergure nécessitent le soutien financier du politique. Car, avec ce type de projet, on compense d’une part ses impacts environnementaux, mais on crée d’autre part des plus-values écologiques qui pourraient disparaître si le projet ne trouvait plus, au final, sa faisabilité économique.

Pouvez-vous nous parler un peu plus de ces projets ?

Avec Nant de Drance, nous parlons de la batterie qui va permettre d’intégrer le développement – que nous souhaitons rapide et puissant – du photovoltaïque, avec cette possibilité de stockage journalier. Cet aménagement va pomper-turbiner à l’échelle du court terme et sera donc très bien adapté pour ajuster production et consommation.
FMV s’est illustré dans la réalisation du complexe de Gletsch-Oberwald mis en eau en 2018. Dès les premières études, une attention particulière a été accordée aux intérêts environnementaux. Des mesures de préservation de la zone alluviale et de renaturation ont été définies en concertation avec les autorités communales et cantonales ainsi qu’avec les associations de protection de l’environnement. De plus, la majorité des installations sont souterraines pour ménager les valeurs paysagères du site.

Et vos aménagements au fil de l’eau ?

Les projets Chippis-Rhône et MBR (Massongex-Bex-Rhône) sont deux aménagements stratégiques, qui s’inscrivent parfaitement dans l’optique du remplacement du ruban nucléaire. Également intéressant avec MBR, c’est le fait que ce projet se situe en aval de tous nos barrages. Si la chute est relativement faible, les volumes d’eau sont extraordinaires – environ 5 milliards de m3, correspondant à 15 fois la quantité du barrage de la Grande Dixence – y compris en hiver lorsque les barrages turbinent à pleine puissance. Il s’agit d’un projet d’intérêt national qui intègre des mesures de compensation importantes. Nos partenaires et nous-mêmes sommes persuadés que nous allons trouver un chemin équilibré avec les associations de protection de l’environnement.

Quel avenir voyez-vous pour la Suisse ?

Aujourd’hui, les temps sont difficiles pour la force hydraulique. Raison pour laquelle des réflexions sont engagées pour soutenir l’investissement et la rénovation dans ce secteur stratégique. FMV, le Canton et les communes concédantes l’ont réaffirmé d’une seule voix lors de la procédure de consultation de la révision de la loi sur l’énergie. À court et moyen terme, il y aura encore des difficultés nécessitant un soutien. Mais tous les acteurs reconnaissent le potentiel et l’importance de la force hydraulique à moyen et long terme avec la sortie annoncée du nucléaire et l’abandon progressif des énergies fossiles. Sa seule faiblesse, si j’ose dire, est d’être centenaire. On a donc tendance à oublier cette vieille dame qui rend d’extraordinaires services depuis plus d’un siècle. Vieille dame qui, sans aucun doute, est appelée à avoir une deuxième jeunesse. Il est donc important de la soigner et de continuer à la faire danser avec les nouvelles énergies renouvelables. Je suis convaincu que la Suisse peut devenir la batterie de l’Europe. On a aujourd’hui de la capacité de production, et on peut encore en installer. Il y aura certainement, dans le futur, des développements dans ce sens-là. Il s’agit donc d’une belle carte à jouer pour la Suisse dans le contexte européen.

Auteure
Valérie Bourdin

est rédactrice AES.

  • AES,
    1003 Lausanne

Biographie

Ingénieur EPFL en électricité et titulaire d’un « EMBA in general management », Stéphane Maret est le nouveau directeur général des FMV depuis mai 2020.

fmv.ch

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