Article Réseaux énergétiques , Stockage d’énergie

Production d’électricité à partir d’acide formique

Première mondiale

24.04.2018

Des ingénieurs de GRT Group et des scientifiques de l’EPFL ont construit la première unité intégrée capable de produire de l’électricité à partir d’acide formique, au moyen d’une pile à combustible, et ce, d’une manière efficace du point de vue énergétique, sûre, économique et renouvelable. La machine est désormais à disposition pour des démonstrations.

La machine Hyform-PEMFC, résultat d’une collaboration entre GRT Group, entreprise suisse active dans le secteur de l’économie circulaire, et l’EPFL, a été présentée au cours d’un évènement qui a eu lieu au siège de GRT Group le 19 mars dernier. De nombreux experts du secteur, journalistes et curieux ont assisté à la présentation. Les ingénieurs de GRT Group et le professeur Gabor Laurenczy ont pu à cette occasion ouvrir la machine pour expliquer son fonctionnement et répondre aux questions. Un grand nombre de journaux se sont intéressés au projet et plus de 60 articles sont sortis dans la presse suisse, allemande, italienne, anglaise et espagnole.

Cette machine constitue un pas en avant pour faciliter la transition énergétique vers les énergies renouvelables. Une évolution qui est désormais en marche, grâce aux technologies innovantes, qui rendent les systèmes de conversion efficaces en termes de coût, et aussi grâce aux directives européennes et mondiales qui définissent des objectifs ambitieux.

D’ici 2021, l’énergie propre coûtera l’équivalent, voire moins que les combustibles fossiles, tandis que les sources d’énergie renouvelables répondront à 40% de la demande d’énergie globale d’ici à 2040. Selon le dernier rapport de l’Irena (International Renewable Energy Agency), la nouvelle capacité d’énergie renouvelable installée en 2016 a été supérieure à 161 GW et la capacité de stockage global dans tous les secteurs devrait augmenter de 29,4 GW d’ici 2020, selon Navigant Research, Energy Storage for Renewables Integration. [1]

Mais comme l’énergie renouvelable dépend du soleil et du vent, elle reste très peu fiable à cause de son caractère intermittent. C’est pourquoi la voie à suivre consiste à développer de nouvelles méthodes pour stocker l’énergie renouvelable, permettant de l’utiliser en fonction des besoins, comme c’est le cas maintenant des énergies fossiles, et capable de garantir une réponse à toute nécessité en tout temps. Voilà l’obstacle à surmonter.

Le projet est réalisé par GRT Group, une société qui se concentre sur la transition énergétique avec des solutions dans le développement du stockage de l’énergie [2], et le groupe de recherche du professeur Gabor Laurenczy à l’EPFL. Le résultat de cette collaboration est une pile à combustible intégrée à acide formique – hydrogène. [3, 4] La machine Hyform-PEMFC utilise l’acide formique pour stocker l’hydrogène, et peut s’utiliser dans des applications à la fois domestiques et industrielles. Comparée à des appareils qui n’utilisent que de l’hydrogène, la Hyform-PEMFC a été conçue pour assurer un bénéfice substantiel en termes de taille (un litre d’acide formique transporte 590 litres d’hydrogène), de facilité de transport, de sécurité et de coûts d‘exploitation, tout en présentant un caractère entièrement durable sur le plan de l’environnement.

Parmi les utilisateurs potentiels de Hyform-PEMFC, il y a, entre autres, les personnes qui se trouvent dans des régions n’offrant qu’un accès limité ou inexistant au réseau électrique et celles qui développent des systèmes de transport d’hydrogène. L’unité est par exemple capable de fournir chaleur et électricité à un chalet alpin, avec un réapprovisionnement respectueux de l’environnement dans de simple bidons. La technologie peut également être transposée à plus grande échelle pour répondre aux besoins en électricité d’installations plus grandes, telles que des structures industrielles.

«Il s’agit d’une étape importante dans notre plan stratégique de développement des applications de stockage d’énergie», explique le CEO de GRT Group, Luca Dal Fabbro. «Nous voulons soutenir la transition vers une offre d’énergie entièrement renouvelable et répondre ainsi au défi global de réduction des émissions de CO2

Pour GRT Group, la prochaine étape consiste à développer un système complet et intégré destiné à stocker l’énergie renouvelable, par exemple l’électricité solaire excédentaire produite en été, qui pourrait ensuite être utilisée pour produire de l’électricité et de la chaleur à la demande en hiver, rendant ainsi les bâtiments autonomes sur le plan énergétique. Ce projet va démontrer les bénéfices économiques du concept et son potentiel réel au sein d’un système de stockage d’énergie intégré.

Contexte technologique

S’agissant de solutions de stockage de l’énergie renouvelable, l’hydrogène apparaît comme l’un des vecteurs d’énergie les plus prometteurs et il est souvent présenté comme le carburant du futur. Utiliser de l’hydrogène pour produire de la chaleur ou de l’électricité n’engendre pas d’émissions de CO2 ni de particules, ce qui signifie qu’il n’a pas d’impact négatif sur l’environnement. La conversion d’hydrogène ne produit que de l’eau.

Le problème est le suivant: l’hydrogène offre une teneur en énergie très faible en volume. Il s’ensuit des complications techniques pour le stockage et le transport (camions spécifiques), étapes nécessaires pour pouvoir apporter l’énergie à l’endroit du besoin. Pour le transport sous sa forme naturelle gazeuse, il exige des réservoirs à haute pression (350 à 700 bar) ou alors il peut être transformé en liquide (< -253°C), mais avec un processus énergivore, exigeant des pressions très élevées ou des températures très basses et des infrastructures très spécifiques. Tout cela a un impact négatif en termes de sécurité et de coûts et constitue un frein à l’introduction sur le marché et à l’économie basée sur l’hydrogène.

Une solution alternative consiste à utiliser un porteur liquide (Liquid Organic Hydrogen Carrier) d’hydrogène. L’acide formique constitue la combinaison la plus simple d’hydrogène et de CO2. Il s’agit de la substance libérée par les fourmis et les plantes, telles que les orties pour leur défense. L’acide formique, proche chimiquement du vinaigre, est liquide dans des conditions normales, facile à stocker, à transporter et à manipuler. Il est déjà produit par centaines de milliers de tonnes pour l’industrie et peut être aussi produit à partir de sources renouvelables. C’est un composé chimique courant et disponible partout au niveau mondial, déjà largement utilisé dans l’agriculture et l’industrie alimentaire, textile, chimique et pharmaceutique. Il a une basse volatilité et il n’est pas explosif et permet un ravitaillement rapide (par rapport au rechargement lent de batteries par exemple). L’acide formique contient 53 g d’hydrogène par litre (590 Nm3/m3) qui peuvent être relâchés et transformés en électricité à travers une pile à combustible.

Le défi, dès lors, est de récupérer l’hydrogène stocké dans l’acide formique d‘une manière efficace du point de vue énergétique. C’est là que les catalyseurs entrent en jeu. Il s’agit de composés qui facilitent la décomposition de l’acide formique de manière à ce que l’hydrogène puisse être ensuite converti en électricité au moyen d’une pile à combustible. L’efficacité est essentielle afin que le procédé soit considéré comme économiquement intéressant.

Le projet de démonstration

Le but du projet était de démontrer le fonctionnement d’une pile à combustible alimentée par de l’acide formique. L’appareil est constitué de deux parties principales, un reformeur d’hydrogène (Hyform) et une pile à combustible à membrane échangeuse de protons (PEMFC). Le reformeur Hyform est un réacteur qui utilise un catalyseur à base de ruthénium pour extraire l’hydrogène. L’unité Hyform-PEMFC peut produire 7000 kWh par an et sa puissance nominale est de 800 W – à peu près l’équivalent de 200 smartphones en charge simultanément. Son efficacité électrique est actuellement de 40%.

La pile à combustible est favorable à l’environnement car elle permet de produire de l’électricité et de la chaleur sans pollution. Elle est silencieuse, émet un gaz propre, affiche un taux d’émission de dioxyde de carbone nul et ne produit ni particules ni oxydes d’azote. Elle permet également d’utiliser des carburants renouvelables.

En même temps, la Hyform-PEMFC demande peu d’entretien et assure une performance du catalyseur stable et de longue durée. Sa technologie peut être démultipliée et peut donc être utilisée aussi bien dans les ménages que dans les installations industrielles. Puisqu’elle a besoin de n’être alimentée qu’en acide formique, le système ne requiert pas de connexion au réseau électrique, ce qui la rend idéale pour des régions retirées ou inaccessibles. «La transformation chimique du CO2, un gaz à effet de serre, en produits utiles devient de plus en plus importante puisque ses niveaux dans l’atmosphère continuent à s’élever à cause des activités humaines», explique le Prof. Gabor Laurenczy. «C’est pourquoi produire de l’acide formique de manière durable – en utilisant le CO2 comme vecteur d’énergie de l’hydrogène – est très important. La demande mondiale d’acide formique est en hausse, particulièrement dans le contexte des énergies renouvelables. Les porteurs d’hydrogène et leur production à partir du CO2, soit par hydrogénation, par biodéchets ou par biomasse, sont considérablement plus durables que les pratiques existantes.»

Le projet a été réalisé à partir d’un système à pile à combustible PEM commercial afin de démontrer la compatibilité du nouveau procédé avec une pile existante. Le système a été conçu et développé afin de répondre aux exigences de sécurité et aux besoins d’automation. Enfin, un réacteur spécifique a été conçu pour remplacer le système d’origine au gaz naturel et le tout a été intégré dans une seule machine.

Les applications

Les opportunités de développement et les applications potentielles sont larges et varient en fonction des différents secteurs. Elles englobent les systèmes de stockage saisonnier d’énergie renouvelable, la production d’hydrogène à la demande ou de station de recharge pour véhicule à hydrogène, les systèmes de cogénération pour des zones sans accès ou avec accès limité au réseau.

Le Hyform peut être intégré avec une pile à combustible PEM, ce qui est le cas de l’unité de démonstration obtenue, ou alors avec une pile à combustible à oxyde solide (SOFC) qui permet d’obtenir un plus haut rendement.

Coûts

Dans ce domaine, les scientifiques développent en ce moment des catalyseurs basés sur des matériaux encore meilleur marché, comme le fer par exemple, pour diminuer les coûts.

Avantages de la technologie

Par rapport aux autres carburants liquides, la température de reformage est plus basse (entre 40 et 90°C), le temps de démarrage plus bref (environ 3 minutes), le réacteur est plus léger et économique (en plastique parce qu’il ne doit pas résister à des hautes températures). L’acide formique peut être transporté jusqu’aux stations d’approvisionnement d’hydrogène dans des camions standard, identiques à ceux utilisés pour le transport de l’essence. Pour le transport d’hydrogène, au contraire, des camions spéciaux avec des caractéristiques appropriées et des protocoles de sécurité dédiés sont nécessaires à cause de très hautes pressions ou de températures très basses. Pour livrer de l’hydrogène à haute pression (voitures, etc.), le procédé Hyform permet aussi de réduire les pertes liées à la compression car la réaction chimique peut se faire à très haute pression.

Afin de produire de l’acide formique à partir de sources renouvelables, le CO2 peut être recyclé ou capturé dans des usines chimiques ou cimenteries. La décomposition d’acide formique en CO2 et hydrogène est une réaction réversible. Il peut donc être hydrogéné à l’aide d’un catalyseur pour former à nouveau de l’acide formique. Le CO2 devient alors un vecteur d’énergie renouvelable.

Références

[1] International Energy Agency (IEA) and International Renewable Energy Agency (Irena), Renewable Capacity Statistics 2017
[2] G. Laurenczy et al. – Granit S.A, 2013, Patent, WO2014134742A1
[3] G. Laurenczy et al. – EPFL, 2006, Patent, EP1918247A1
[4] G. Laurenczy et al. – EOS Holding, 2013, Patent, EP2767530A1

Remerciements

Les auteurs remercient l’Office Fédéral de l’Énergie (OFEN), l’École Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL), le Fonds National Suisse (FNS), le Swiss Competence Center for Energy Research (SCCER) ainsi que la Commission pour la Technologie et l’Innovation (CTI) de leur soutien.

Auteure
Martina Pascucci

est responsable du marketing et de la communication au GRT Group.

  • GRT Group, 1350 Orbe
Auteur
Gabor Laurenzcy

est professeur titulaire au Laboratoire de chimie organométallique et médicinale de l’EPFL.

  • EPFL, 1015 Lausanne
Auteur
Nordahl Autissier

est Senior Project Manager au GRT Group.

  • GRT Group, 
    1350 Orbe

Commentaire

françois,

super moi qui cherchais l'autonomie par l'hydrogene depuis 20 ans avec la pile a combustible, suis pret à investir ds ce projet avec une pile ds une maison temoin que je vais contruire d'ici 2 ans maxi region aube /bourgogne

Dutoit,

Bonjour.
Je suis très intéressé par le développement énergétique. Je dispose d'une halle de 1800 m2 avec une toiture recouverte de 1500 m2 de panneaux solaire. Une partie de cette halle environ 700 m2 sur 7m de haut se libère au 1 er septembre. Elle est dans la zone industrielle de Chavornay. Y installer une entreprise telle que la votre serait intéressant. D'une part vous construisez vos machines et d'autre part vous produisez de l'hydrogène avec vos machines. Vous pourriez donc commercialiser vos machines et vendre de l'hydrogène, Cela avec les avantages d'acquérir des expériences sur le comportement de vos machines en production et de pouvoir démontrer leur efficacité à vos clients sur le long terme. L'énergie serait totalement verte car produite par les panneaux solaires.
Si mon projet n'est pas adapté pour votre entreprise, peut être qu'un autre projet de l'EPFL pourrait être intéressé. Avez-vous un contact à me transmettre?
En attente de votre réponse et avec mes meilleures salutations.
Gérard Dutoit 079 447 15 53

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