Préparer l’arrivée des bus électriques
Décarbonation des transports publics de la ville de Lyon
Les incitations écologiques et les avancées technologiques, notamment en matière de trolleybus à batterie à recharge dynamique, ont motivé la réalisation de plusieurs projets d’extension et de modification du plus grand réseau de trolleybus de France, celui de la ville de Lyon.
Le réseau de trolleybus de la ville de Lyon, introduit en 1935, est le plus grand de France. Il comporte actuellement plus de 120 km de lignes de contact aériennes alimentées par un total de 24 sous-stations de traction à courant continu de 750 V. Les neuf lignes commerciales actuelles sont desservies par une flotte d’environ 150 véhicules comprenant également de nouveaux trolleybus à batterie à recharge dynamique.
Sytral Mobilités, autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais, a récemment lancé un projet d’extension du réseau pour permettre la conversion de lignes de bus thermiques (diesel) en nouvelles lignes à trolleybus, et ainsi répondre en anticipation aux exigences de la Loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) du 17 août 2015.
Innovations techniques au service de la mobilité
Les innovations récentes en matière de trolleybus à batterie offrent de nouvelles perspectives intéressantes aux exploitants de réseaux de bus et de trolleybus. En effet, grâce au stockage embarqué, les trolleybus sont à même de poursuivre leur itinéraire dans des zones dépourvues de lignes de contact aériennes, ce qui permet une extension de l’offre avec des investissements moindres dans l’infrastructure.
La stratégie de gestion de l’énergie permet une recharge flexible des trolleybus, par exemple avec une recharge dynamique du véhicule (dynamic charging) sur toutes les portions de la ligne équipées avec des lignes de contact aériennes. D’autres variantes existent, notamment la recharge statique, qui est en général effectuée aux terminus, où les trolleybus stationnent pour une durée prolongée. Dans ce cas, des stations de recharge rapide doivent être installées aux emplacements prévus pour la recharge.
Le choix de l’une ou l’autre des technologies dépend des distances à parcourir sans lignes de contact aériennes, de l’évolution du niveau de la batterie tout au long du service d’un trolleybus (typiquement sur une journée), de la possibilité de mettre en œuvre des solutions de recharge statique, ou encore de l’exploitation voulue (ou nécessaire pour assurer le niveau de service exigé).
Simulation du réseau actuel
Parallèlement à l’extension du réseau, Sytral Mobilités souhaite continuer à moderniser sa flotte de véhicules avec des trolleybus à recharge dynamique. Ainsi, une étude doit être menée pour, d’une part, vérifier la compatibilité des équipements actuels avec les besoins futurs (puissance des installations, section des conducteurs, etc.) et, d’autre part, déterminer quelles sont les éventuelles mesures de renforcement à mettre en œuvre (par exemple construction de nouvelles sous-stations).
Le premier point de l’étude de dimensionnement consiste à modéliser le réseau de trolleybus existant, dont un extrait est présenté en figure 1. La modélisation du réseau, réalisée à l’aide du logiciel propriétaire Fabel d’Enotrac, prend en compte un grand nombre de paramètres dimensionnants tels que les caractéristiques:
- des véhicules: longueur, masse, caractéristiques de la batterie, caractéristiques de charge et de décharge en fonction de la tension de ligne, rendement de la chaîne de traction, courbe d’effort en fonction de la vitesse, etc.;
- de l’infrastructure: caractéristiques des sous-stations, section des conducteurs, emplacement des sectionneurs, etc.;
- de l’exploitation: grille horaire, taux de fréquentation, emplacements des arrêts et carrefours, puissance des auxiliaires, etc.).
Le solveur itératif tient compte de l’interaction des véhicules avec l’infrastructure, et notamment du fait que la consommation des véhicules engendre une chute de tension dans le réseau qui, si elle devient trop importante, entraîne à son tour une réduction de la puissance maximale à disposition des véhicules selon les courbes définies dans le matériel roulant, et ce, afin de garantir la stabilité du réseau. Les véhicules jouent donc pleinement leur rôle dans l’optimisation de l’ensemble du système.
Calibrage du modèle
Une campagne de calibrage des données du modèle de simulation a été menée avec les premiers résultats de simulation afin de fiabiliser les calculs relatifs à l’état de charge (state of charge, SoC) de la batterie. En effet, les simulations sont réalisées sur une journée d’exploitation complète, comprenant plusieurs cycles de charge et décharge des batteries. L’erreur relative aux données d’entrée s’intègre donc tout au long de la simulation et peut présenter des disparités importantes à la fin de la simulation, rendant les résultats obtenus inexploitables.
Une campagne de mesures consacrée principalement à l’évolution du SoC le long d’une ligne a été réalisée. La figure 2 compare le SoC issu de la mesure avec le SoC simulé, avant et après calibrage. Les paramètres du modèle qui ont été modifiés lors du calibrage concernent le taux de fréquentation des passagers, la puissance effective des auxiliaires et le rendement de la batterie.
Étude d’autonomie
Les simulations du futur réseau de trolleybus se basent sur le modèle du réseau actuel calibré, dans lequel des adaptations liées à la nouvelle exploitation des lignes sont prises en compte. Afin de répondre aux questions relatives au dimensionnement, deux études distinctes sont réalisées: une première étude d’autonomie est consacrée à l’évolution et à l’analyse du SoC des batteries des véhicules sur toute la durée de la simulation, typiquement sur une journée, et une seconde étude se concentre sur le dimensionnement des infrastructures. L’étude d’autonomie est réalisée en premier lieu, car elle permet de répondre à la question centrale du besoin ou non d’électrifier certaines portions de lignes, dont le dimensionnement sera vérifié dans un second temps.
Ainsi, pour l’étude d’autonomie, seul un véhicule par ligne est simulé pour un certain nombre de scénarios prédéfinis, dans lesquels la perte de secteurs électriques ou des détournements de ligne sont pris en compte afin d’assurer qu’un niveau de SoC minimum (défini selon les spécifications techniques des véhicules) soit garanti dans tous les cas. En outre, le choix de la valeur du SoC initial de la batterie est déterminant, car il définit dans quelle mesure un véhicule est autonome à la sortie du dépôt, au début des simulations. Ce point est particulièrement critique lorsqu’une ligne est dépourvue de ligne de contact dans la zone du dépôt et/ou au terminus situé à proximité. Dans le cas de ce réseau, les véhicules ne sont pas rechargés la nuit au dépôt et sont exploités de façon à garantir le brassage de la flotte.
La figure 3 compare le SoC du véhicule simulé sur la ligne C13, en mode d’exploitation normal et avec la perte d’un secteur. L’évolution du SoC de la batterie suit un cycle régulier au rythme des allers et retours effectués par le véhicule sur la ligne. L’effet de la perte d’un secteur apparaît au-delà de la zone concernée, car la chute du SoC dans cette zone doit être compensée ensuite. Les zones d’arrêt prolongé aux terminus sont également bien visibles, avec une diminution linéaire du SoC correspondant à la puissance constante consommée par les auxiliaires. Enfin, la stabilité des cycles est évaluée afin de déterminer si, à terme, leur répétition va entraîner la décharge complète de la batterie ou si, au contraire, les cycles sont stables et ne tendent pas à une diminution du SoC. En l’occurrence, comme le montre la figure 3, les cycles sont stables, ce qui permet d’assurer la pérennité de l’exploitation des deux scénarios représentés.
Étude de dimensionnement
L’étude de dimensionnement intervient après l’étude d’autonomie et se focalise, d’une part, sur la vérification de la charge des installations existantes (câbles d’alimentation, sous-stations, niveaux de tension) et, d’autre part, sur le dimensionnement d’éventuelles mesures de renforcement (augmentation de la section des conducteurs, nouvelles sous-stations, etc.). Dans cette étude, la puissance consommée par les auxiliaires des véhicules est fortement augmentée de manière à simuler un cas conservateur et pessimiste du point de vue des installations électriques: la charge vue par les sous-stations, les câbles d’alimentation et la ligne de contact est alors plus importante.
En outre, une optimisation du maillage du réseau d’alimentation est également étudiée. À cause de changements sur le tracé de certaines lignes de trolleybus, une section des lignes d’alimentation aujourd’hui installée et alimentée en ville n’est plus directement utilisée pour le passage des véhicules et le service commercial. Sytral Mobilités souhaiterait étudier la suppression (totale ou partielle) de cette portion de ligne de contact qui, de par sa présence, permet un meilleur maillage du réseau, et donc de meilleurs niveaux de tension. Des scénarios d’exploitation sont prédéfinis pour simuler des cas de perte de sous-station ainsi que des cas avec ou sans cette ligne d’alimentation.
En cas de perte d’une sous-station, deux variantes sont également étudiées: une première dans laquelle la sous-station est couplée (les points d’injection de la sous-station hors service sont connectés entre eux) – ce qui améliore les niveaux de tension, mais péjore la détection des courts-circuits lointains de par l’augmentation de la longueur des secteurs à protéger – et une seconde où les secteurs sont non couplés, ce qui ne change pas la longueur des secteurs, mais péjore le niveau de tension. La charge des sous-stations est ensuite exprimée en valeur RMS (root mean square) moyennée sur différents intervalles de temps, de manière à pouvoir mettre en regard les valeurs obtenues avec les courbes de charges et les classes de service (aussi appelées classes de charge), selon les normes EN 50328 et EN 50329. La classe de service permet à la sous-station de délivrer une puissance supérieure à sa puissance nominale sur une durée déterminée. Les sous-stations étudiées sont de classe VI, ce qui autorise un dépassement de 300% durant 60 s et de 150% sur une durée de 2 h.
La figure 4 présente un exemple des résultats obtenus pour l’une des sous-stations. Les courbes de courant sont nulles lorsque la sous-station est hors service. En outre, la surcharge liée à la perte d’une sous-station voisine est clairement visible (courbe orange). Les dépassements admis par la classe de service de cette sous-station sont représentés par les triangles rouges. Dans ce cas, la puissance nominale de la sous-station est largement supérieure à la puissance soutirée par l’exploitation.
Conclusion
L’étude réalisée permettra à Sytral Mobilités de préparer au mieux son infrastructure actuelle afin de répondre aux besoins futurs engendrés par l’arrivée des nouveaux trolleybus à batterie à recharge dynamique et par leur mode d’exploitation. Les scénarios étudiés dans le cadre de l’étude d’autonomie lui permettront de prédire à l’avance l’impact des détournements de lignes ou de pertes de secteurs, qui peuvent intervenir en cas de travaux sur la voirie, afin d’anticiper leurs effets sur l’exploitation.
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