Rétrospective Convergence , Efficacité énergétique , Énergies renouvelables

Nous n’avons plus le temps de nous tromper...

Un aperçu de l'Event Smart Energy 2021

09.09.2021

Le 27 août dernier, près de 130 participants ont assisté à l’Event Smart Energy organisé par la Fondation The Ark, en partenariat avec CleantechAlps, que cela soit sur place à la HES-SO Valais, à Sion, ou en ligne. Dédiée au thème «Décarbonisation et transition énergétique sont-elles compatibles?», cette 11e édition a mis en évidence quelques-uns des défis que nous devrons encore relever pour atteindre rapidement l’objectif d’un avenir énergétique durable, avec un réchauffement climatique aussi restreint que possible.

Dans la matinée, huit orateurs se sont succédé sur la scène de l'Aula François-Xavier Bagnoud. S’ils ont tous mis en lumière différents aspects de la problématique, leurs propos se sont notamment accordés sur les faits suivants: la grande majorité des émissions de CO2 sont liées aux énergies, et la décarbonisation passe par une électrification intensive et rapide des transports, des bâtiments et de l’industrie. Pour autant que l’électricité soit produite avec des sources non carbonées et renouvelables, bien entendu.

Mais une électrification intensive signifie aussi un changement profond du système électrique, avec une forte augmentation de la production décentralisée et intermittente issue des énergies renouvelables injectée au niveau des réseaux de distribution. Or, comme l’a expliqué Louise Rullaud, Eurelectric, l’adaptation des réseaux de distribution pour qu’ils puissent supporter la transition énergétique a un coût: 400 mrds € à l’échelle européenne. Toutefois, ce montant ne correspond qu’à un renchérissement de 1,5% sur la facture du client, a-t-elle précisé.

Nicolas Charton, E-Cube Strategy Consultants SA, va encore plus loin. Il parle des 1400 mrds CHF d’investissements énergétiques (véhicules, chauffages, rénovations, etc.) qui devront être réalisés pour la transition énergétique jusqu’en 2050. Chaque année de retard correspond potentiellement à 50 mrds CHF mal affectés qu’il faudra réinvestir plus tard. Il appelle donc à orienter les dépenses dès aujourd’hui dans le renouvelable. Les traders et les banques l’ont bien compris. Ils investissent de moins en moins dans les énergies fossiles et se tournent vers les marchés à la mode tels que ceux des énergies renouvelables, de l’hydrogène et des crédits carbone. S’ils agissent souvent plus par opportunisme que par idéalisme, cette tendance va néanmoins dans le sens de la transition énergétique, a expliqué Paul Sébastien, Climate Neutral Commodity.

Les solutions existent

Mais la transition énergétique n’est pas qu’une question financière. Elle nécessite aussi des solutions pratiques. Si la majeure partie des énergies renouvelables produisent de l’électricité principalement en été, la consommation est, elle, plus élevée en hiver. François Fellay, Oiken, voit la solution dans l’augmentation de l’efficacité énergétique, l’interconnexion des secteurs de l’électricité, de la chaleur et de la mobilité, la convergence des réseaux ainsi que dans le déploiement de nouvelles solutions de stockage.

Il reste que pour atteindre l’objectif zéro émission nette, il faudra pouvoir retirer de l’air les émissions inévitables de CO2. La reforestation constitue bien une solution, la capture et le stockage du CO2 une autre. Climeworks, une jeune entreprise fondée par deux anciens doctorants de l’ETH Zurich, a développé une solution modulable permettant de capturer le CO2 directement dans l’air et de l’injecter sous terre, où a lieu un processus naturel de minéralisation. Alimentée en énergie uniquement grâce à la géothermie, la plus grande installation de ce type, Orca, a été inaugurée le 8 septembre dernier en Islande. Elle permettra de capturer 4000 tCO2/an. Comme l’a précisé Céline Olesen, Climeworks, c’est encore loin des 10 Gt de CO2 qu’il faudrait pouvoir capturer par an et cette technologie est actuellement onéreuse, mais il s’agit d’un premier pas vers une production à grande échelle.

Vers des villes autonomes en énergie

En matière de transition énergétique, la solution idéale n’existe pas. Il faudra faire des compromis, a expliqué Manuele Margni, HES-SO Valais. Par exemple, les véhicules électriques à batterie nécessitent plus de ressources lors de leur production que les véhicules thermiques et leur bilan écologique est fortement influencé par le CO2 émis lors de la production de l’électricité qu’ils consomment. Il est donc essentiel de considérer les impacts sur l’ensemble du cycle de vie lors du choix d’une solution. Si en Suisse ou en France, l’électrification du parc automobile présente un avantage certain en vue de la décarbonisation, en Allemagne, le bilan carbone actuel de l’électricité pèse lourd dans la balance.

Bref, comme l’a présenté François Maréchal, EPFL, la conception du futur système énergétique est complexe. Il faut considérer tous les aspects, qu’il s’agisse des ressources énergétiques, de la gestion de l’énergie ou de l’impact environnemental, et surtout, pour arriver à l’objectif zéro émission nette, il faudra également valoriser les déchets: par exemple en utilisant la biomasse (issue des déchets et pas cultivée) ou le CO2 émis pour produire du méthane, ou en valorisant la chaleur rejetée par l’industrie et les centres de données. En adoptant une approche systémique optimale, en gérant les excès et en utilisant ses déchets, une ville peut être autonome énergétiquement avec 25 m2 de panneaux photovoltaïques par habitant. La gestion du recyclage et de l'économie circulaire ainsi que les technologies de conversion énergétique joueront alors un rôle majeur.

En guise de conclusion, Augustin Fragnière, Université de Lausanne, a posé une question fondamentale: qu’entend-t-on vraiment par «neutralité carbone»? Actuellement, celle-ci repose en majeure partie sur l’achat de crédits carbone: nous continuons d’émettre du CO2 et puis nous compensons en achetant des crédits carbone. Il serait pourtant préférable de la définir par le concept zéro émission nette basé sur une réduction, voire sur l’élimination, des émissions de CO2 et sur l’absorption anthropique - c'est-à-dire par l’homme et non par les végétaux - des émissions restantes. La véritable neutralité carbone passe en effet par la réduction des émissions ainsi que par les émissions négatives (absorptions anthropiques) et elle ne peut s’exprimer qu’à l’échelle d’un pays, voire à l’échelle mondiale.

Rendez-vous en 2022

En matière de décarbonisation, il reste encore beaucoup à faire… Comme l’a souligné François Fellay: «Nous n'avons plus le temps de nous tromper. Mais ensemble, nous avons les qualités pour réussir!» La prochaine édition de l’Event Smart Energy aura lieu à Sion le 26 août 2022.

 

Auteure
Cynthia Hengsberger

est rédactrice du Bulletin Electrosuisse.

  • Electrosuisse,
    8320 Fehraltorf

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