Mobilité électrique en Suisse et en Norvège
Enseignements à tirer
Malgré son développement durant ces dernières années, la mobilité électrique reste marginale en Suisse, à l’instar de bon nombre de pays européens. Une exception toutefois, la Norvège dont un quart des nouveaux véhicules est électrique. La recette du succès norvégien pourrait-elle contribuer à la mobilité électrique en Suisse ?
La Suisse dispose aujourd’hui d’un réseau composé de 1580 bornes [1] de recharge dont 600 de type rapide dans tout le pays. [2] Sa densité et sa couverture sont importantes. Il assure aux utilisateurs de véhicules électriques une liberté de déplacement inégalée jusqu’ici. Les usagers peuvent profiter de réseaux de recharge gratuits ou payants à dimension nationale.
Afin de leur simplifier la vie, des solutions de paiement simples sont développées. En effet, les usagers perçoivent souvent l’accès payant aux bornes comme un point faible du système [3], d’autant plus que le mode de paiement varie d’un réseau à l’autre. La création d’un partenariat entre différentes entreprises actives dans les domaines de l’énergie et de la mobilité permet d’éviter cet écueil. En regroupant leurs forces, elles créent des réseaux d’envergure dotés de solutions uniformisées. Cette coopération leur permet également de partager le risque financier lié aux investissements nécessaires au développement d’une solution d’envergure nationale.
L’exemple du réseau Move [4], initié par Groupe E, l’illustre bien : 25 partenaires, plus de 100 bornes de recharge publique de type rapide (22 kW AC ou/et 50 kW DC), plus de 700 adhérents, voilà le bilan trois ans après le lancement du projet. Avec un système de paiement flexible (carte RFID, application smartphone, SMS ou carte de crédit), le réseau est ouvert à tous les usagers de véhicules électriques 24h/24, 7j/7. Précurseurs dans ce domaine, les partenaires de Move ont été les premiers à mettre en place une solution de décompte permettant d’envisager une valorisation économiquement viable de l’infrastructure de recharge. Grâce à des économies d’échelle, ils ont pu procéder à une première baisse des prix pour les consommateurs au début de l’année 2016.
Toujours dans l’optique de favoriser la mobilité électrique, ce réseau propose un service client en cas de problème. Si celui-ci ne peut être résolu par téléphone, le TCS est prêt à intervenir avec ses équipes mobiles. La prestation est disponible depuis le 1er janvier 2016.
Une croissance sans précédent en Norvège
Malgré ces atouts, en 2015, seul 1,98% [5] des nouvelles immatriculations en Suisse sont composées de véhicules électriques et PlugIn Hybrid. C’est mieux que le Royaume-Uni avec 1,07% ou l’Allemagne avec 0,75% mais moins bien que les Pays-Bas (9,6%) ou la Suède (2,62%). La Norvège, elle, fait figure d’élève modèle. Plus de 22,8% des nouveaux véhicules y sont électriques. Un score qui s’explique par une série de mesures que l’État a mises en place.
Ce pays à très faible densité de population (14 habitants par km2, contrairement aux 181 habitants par km2 en Suisse) ne bénéficie pas, en principe, de conditions favorisant l’achat d’un véhicule électrique : grande superficie du territoire, grandes distances entre les villes et de grands froids qui péjorent la performance des batteries. Mais alors, comment expliquer le succès de la mobilité électrique en Norvège ?
Au niveau du réseau de recharge publique, la Norvège dispose de 1760 points de recharge [6] répartis dans tout le pays. Bien qu’il soit moins dense qu’en Suisse, il garantit tout de même aux usagers de véhicules électriques des déplacements à longue distance sans peur de tomber en panne de courant. Un modèle d’affaires basé sur la coopération de différents acteurs dans le domaine de l’énergie et de la mobilité s’est avéré particulièrement favorable, à l’instar du réseau Grønn Kontakt, un projet réunissant 24 entreprises électriques norvégiennes, qui dispose déjà d’un grand nombre de stations de recharge rapide. Les promoteurs ont su adapter leur offre à la demande et trouvé un bon équilibre entre la couverture des axes autoroutiers et l’équipement des zones à forte densité de population. Les statistiques d’utilisation montrent que les usagers profitent volontiers des bornes de recharge dans les zones urbaines. La station la plus fréquentée enregistre plus de 25 recharges par jour. [7]
Mais la croissance sans précédent de la mobilité électrique en Norvège est essentiellement le résultat d’un train de mesures incitatives, mises en place par le gouvernement dans une volonté politique de promouvoir la mobilité douce. Utilisation des voies de bus, stationnements gratuits, exonération de péage, avantages fiscaux, voilà les éléments qui influencent le choix des automobilistes à l’avantage d’un véhicule électrique. Grâce à ces mesures, le prix d’achat d’une voiture électrique est inférieur à celui d’un modèle classique dans la plupart des cas.
Arguments financiers
Cet exemple montre que le développement de la mobilité électrique dépend peu des conditions géographiques ou de l’extrême densité du réseau, mais plutôt de la compétitivité au niveau du prix. Grâce aux avantages économiques, l’acquisition d’un véhicule électrique n’est plus seulement un geste en faveur de la protection de l’environnement ; il devient un choix économiquement logique. Le cercle des clients potentiels se trouve alors considérablement élargi.
En Suisse, le Parlement a exprimé sa volonté de soutenir le développement de la mobilité électrique en adoptant une motion demandant au Conseil fédéral d’élaborer un plan directeur pour un développement intelligent de l’électromobilité. Des mesures ont alors été introduites dans le cadre de la Stratégie énergétique 2050 ; elles portent sur les axes suivants : encouragement de la recherche et du développement, projets-pilotes et démonstrations, projets phares, rôle modèle de la Confédération et adaptation des prescriptions concernant les émissions de CO2. [8] Concrètement, le Conseil fédéral compte poursuivre et intensifier ponctuellement la collaboration avec les instituts de recherche, l’industrie automobile et les fournisseurs suisses afin d’accélérer les développements dans le domaine des propulsions hybrides ou électriques. Il souhaite également faire connaître au grand public les innovations dans le domaine en soutenant des projets-pilotes et des projets phares. En outre, il veut améliorer l’efficacité énergétique du parc de véhicules de la Confédération et acquérir des voitures électriques ou hybrides. [9]
Quant aux avantages fiscaux, le rapport souligne le fait que les véhicules électriques sont déjà exonérés de plusieurs types de taxes et impôts (taxe à l’importation, taxe sur les huiles minérales, impôt sur les véhicules automobiles, impôts cantonaux sur les véhicules à moteur). Le Conseil fédéral ne voit pas de nécessité d’encourager encore davantage l’achat d’une voiture électrique à l’instar des mesures mises en place en Norvège. [10] Cependant, ce dernier exemple montre que ces mesures incitatives sont un facteur décisif pour le développement à grande échelle de la mobilité électrique.
Développement d’un réseau de recharge public
Bien que le Conseil fédéral reconnaisse l’importance d’une infrastructure nationale de recharge, il considère le développement d’un réseau comme une tâche qui incombe aux acteurs privés. Toutefois, il soutient leurs efforts, notamment dans la planification et l’identification des besoins. [11] L’Office fédéral des routes recommande par exemple l’installation d’une station de recharge rapide, accessible en permanence, sur chaque aire de ravitaillement en Suisse. Il préconise en outre une standardisation et une uniformisation de ces infrastructures afin que tous les usagers de véhicules électriques puissent parcourir de grandes distances sans perdre de temps à recharger leur voiture. [12]
La comparaison avec la situation en Norvège montre que le développement du réseau de recharge suisse est sur la bonne voie. En favorisant l’interconnexion des infrastructures de recharge, leur densification dans les zones de forte densité de population et la mise en place de stations de recharge ultrarapide sur les axes autoroutiers, les promoteurs des réseaux de recharge répondent à tous les besoins des usagers de véhicules électriques. Bien que le Conseil fédéral exclue un subventionnement direct ou indirect de l’achat d’un véhicule électrique, le prix pour les consommateurs devrait baisser ces prochaines années. En effet, les développements dans le domaine de la fabrication des batteries et les modèles d’affaires innovants des constructeurs automobiles, comme par exemple Renault qui propose une location de la batterie au lieu de son achat, devraient conduire à une réduction considérable du prix d’achat d’une voiture électrique. [13] Grâce à son réseau de recharge performant et un prix attractif des véhicules, la Suisse sera capable de suivre l’exemple de la Norvège et d’accorder un rôle important à la mobilité électrique.
Lien
Références
[1] https://chargemap.com/stats/switzerland
[2] http://www.e-mobile.ch/index.php?pid=fr,3,136
[3] p.ex. article de l’Aargauer Zeitung: http://www.aargauerzeitung.ch/aargau/baden/in-der-energiestadt-baden-schnell-mal-strom-tanken-unmoeglich-129073315
[4] www.move-net.ch
[5] http://ev-sales.blogspot.ch/search/label/Switzerland
[6] https://chargemap.com/stats/norway
[7] www.forum-elektromobilitaet.ch/fileadmin/DATA_Forum/EKongress_2015/20151208_Bern_-_Keynote_2_-_Fast_charging_in_Norway.pdf.
[8] Rapport donnant suite à la motion 12.3652 – Élaboration d’un plan directeur pour un développement intelligent de l’électromobilité. 13 mai 2015, p. 7.
[9] Rapport donnant suite à la motion 12.3652 – Élaboration d’un plan directeur pour un développement intelligent de l’électromobilité. 13 mai 2015, p. 24.
[10] Rapport donnant suite à la motion 12.3652 – Élaboration d’un plan directeur pour un développement intelligent de l’électromobilité. 13 mai 2015, p. 22.
[11] Rapport donnant suite à la motion 12.3652 – Élaboration d’un plan directeur pour un développement intelligent de l’électromobilité. 13 mai 2015, p. 24.
[12] Ofrou: Recommandations concernant la mise en place de stations de recharge rapide sur les aires de ravitaillement des autoroutes. Berne, avril 2015, p. 2.
[13] www.lemonde.fr/m-styles/article/2015/05/28/l-avenir-de-la-voiture-electrique-se-joue-dans-sa-batterie_4642929_4497319.html
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