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Meilleures pratiques pour la recharge

Comprendre la dégradation des batteries Li-ion

10.04.2024

La batterie d’un véhicule électrique représente encore une grande part du prix total du véhicule. Or, celle-ci se dégrade peu à peu au cours du temps et des cycles de charge/décharge. Des travaux sont menés à la BFH afin de mieux comprendre ce processus et de définir des stratégies permettant d’augmenter significativement la durée de vie des batteries.

Pour stocker l’énergie dont elles ont besoin, la grande majorité des voitures électriques (VE) modernes utilisent une batterie lithium-ion (Li-ion) – un terme générique regroupant toutes les batteries utilisant le lithium en tant que porteur de charges. Ceci, pour plusieurs raisons: tout d’abord, le lithium a le potentiel d’oxydoréduction le plus faible et permet donc à une cellule d’atteindre le plus haut potentiel possible. Ensuite, le lithium est le troisième élément le plus léger, ce qui permet aux batteries Li-ion d’atteindre une densité gravimétrique et volumétrique élevée. Enfin, une pénurie de lithium est peu probable à court et moyen terme [1].

Une bonne solution, avec quelques inconvénients

Un VE équipé d’une batterie Li-ion a, de nos jours, des performances similaires à celles d’une voiture conventionnelle équipée d’un moteur à combustion. En effet, un véhicule électrique doté de la bonne combinaison en matière de capacité de batterie, de poids et d’efficacité aérodynamique peut parcourir des centaines de kilomètres entre deux charges. L’autonomie médiane des modèles de VE en 2022 était de 400 km, et pouvait atteindre plus de 650 km pour certains modèles [2].

Cela n’empêche cependant pas les batteries Li-ion de présenter certains inconvénients:

  • Les batteries Li-ion sont coûteuses à produire, et l’extraction de certains matériaux tels que le cobalt constitue une source de préoccupations environnementales et humanitaires. Il est néanmoins nécessaire de rappeler que toutes les études fiables aboutissent à un gain écologique significatif des voitures électriques par rapport aux voitures à combustion [3].
  • Une bonne gestion des batteries est essentielle à la longévité des batteries Li-ion, ce qui ajoute une certaine complexité à l’utilisation et au design du système.
  • Les températures extrêmes affectent significativement l’autonomie, mais aussi la durée de vie des batteries Li-ion.
  • Enfin, bien que le risque soit faible, les batteries Li-ion peuvent surchauffer et s’enflammer. Ce problème touche aussi les voitures à essence, mais fait bien moins souvent l’objet d’articles dans les médias.


Les constructeurs automobiles ont toutefois résolu la plupart de ces problèmes en développant des logiciels qui gèrent l’état de santé et la température de la batterie, et en intégrant des systèmes intelligents ainsi que des systèmes de refroidissement et de chauffage. Ces développements permettent dorénavant aux VE de pouvoir traverser la Norvège en hiver, ou le Texas au milieu d’une vague de chaleur.

La dégradation des batteries

À chaque cycle de charge, les batteries Li-ion perdent une fraction de leur capacité totale. Au fil du temps, ces petites réductions de la capacité maximale de la batterie pèsent sur l’autonomie globale d’un véhicule électrique. C’est pourquoi, de nos jours, les VE vendus sont en général assortis d’une garantie sur la batterie d’au moins 8 ans et 150 000 km.

Une étude réalisée par des propriétaires de Tesla aux Pays-Bas – à partir de données provenant de Tesla vendues dans le monde entier – a montré que les batteries de la berline Model S subissaient un taux de dégradation moyen d’environ 5% au cours des 80'000 premiers kilomètres [4]. Cette courbe s’atténue au fur et à mesure que les kilomètres s’accumulent, et l’étude indique que les batteries de ces Tesla à longue autonomie conservent généralement au moins 90% de leur capacité initiale après 150'000 km – pour comparaison, une voiture dotée d’un moteur à combustion a une durée de vie moyenne de 10 ans et parcourt en moyenne entre 150'000 (moteur à essence) et 250'000 km (moteur diesel).

Le Département de l’énergie des États-Unis prévoit, quant à lui, que les batteries des VE d’aujourd’hui devraient durer bien au-delà de leur période de garantie – leur durée de vie présumée se situe entre 12 et 15 ans si elles sont utilisées dans des climats modérés, mais n’atteint qu’entre 8 et 12 ans si le VE est régu­liè­re­ment utilisé dans des conditions plus extrêmes. Outre le climat, d’autres facteurs influent sur la durée de vie de la batterie, notamment les habitudes de conduite et de recharge, mais aussi la chimie et le système thermique du véhicule.

Un centre de recherche dédié aux batteries

Les scientifiques du Centre de recherche sur le stockage d’énergie de la Haute école spécialisée bernoise (Berner Fachhochschule, BFH), à Bienne, travaillent notamment sur la dégradation des batteries afin de mieux comprendre les différents mécanismes intervenant dans ce processus. Des tests sont ainsi réalisés sur les différentes chimies des batteries Li-ion, et leurs comportements sont modélisés.

Par ailleurs, dans le cadre du projet CircuBAT, les chercheurs développent des modèles de données basés sur une approche statistique qui fournit des infor­ma­tions sur les conditions d’utilisation de la batterie ainsi que sur l’évolution de la dégradation. Ces modèles scientifiques permettent d’offrir des suggestions personnalisées aux propriétaires de batteries, de maximiser le retour sur inves­tis­se­ment et de proposer une meilleure utilisation de la batterie.

Les vieillissements calendaire et cyclique

Les études relatives au vieillissement de la batterie distinguent en général le vieillissement calendaire et le vieillissement cyclique. Le vieillissement calendaire correspond à la diminution de la capacité de la batterie au fil du temps, indépendamment des cycles de charge/décharge. Les facteurs décisifs sont principalement la température et l’état de charge (state of charge, SoC). Le vieillissement cyclique est, en revanche, une conséquence de multiples facteurs dus aux cycles de charge et de décharge, tels que la température, la puissance de charge/décharge, la profondeur de décharge (depth of discharge, DoD) et le SoC.

Le tableau 1 montre les différents paramètres qui influencent ces deux types de vieillissements. Les règles décrites s’appliquent particulièrement aux batteries Li-ion de type NMC (nickel-manganèse-cobalt), plus fréquemment utilisées dans les VE. Généralement, elles restent valides aussi pour les autres chimies, mais elles ne réagissent pas forcément exactement de la même manière.

Les figures 1 et 2 présentent les résultats, en matière de vieillissements cyclique et calendaire, de tests réalisés à la BFH sur plusieurs batteries en variant la température, le courant et l’état de charge. Ceux-ci montrent qu’en implé­men­tant une stratégie d’utilisation appropriée, il est possible d’augmenter signi­fica­tive­ment la durée de vie d’une batterie.

Comment optimiser la durée de vie des batteries?

Comme mentionné précédemment, l’achat d’une voiture électrique requiert de prendre soin de sa batterie pour veiller à ce qu’elle dure le plus longtemps possible. Ceci est encore plus important sachant que, de nos jours, la batterie représente autour de 40% de la valeur de la voiture [5]. La valeur de revente des VE dépendra donc principalement de l’état de santé de leur batterie. Les VE nécessitant de nouvelles habitudes d’utilisation, voici quelques conseils pour prolonger la durée de vie de leur batterie.

La règle des 20–80% suggère de maintenir la batterie d’un véhicule électrique chargée entre 20 et 80% de sa pleine capacité pour améliorer la durée de vie de la batterie. Il n’y a toutefois pas de mal à faire des écarts: si la batterie du véhicule se retrouve à plus de 80% ou à moins de 20% de sa capacité, cela ne présente pas de risque. La technologie moderne des batteries de VE est conçue pour faire face à de telles situations. C’est l’exposition constante et prolongée à ces extrêmes qu’il faut éviter.

Similairement aux véhicules à combustion, rouler moins vite permet une meilleure utilisation de l’énergie, et donc, une plus grande autonomie. De plus, rouler moins vite influe sur la puissance (et donc sur le courant) demandée à la batterie. Un courant plus faible permettra donc d’optimiser la durée de vie de la batterie.

L’utilisation de la recharge rapide impacte négativement la durée de vie de la batterie, en particulier dans des conditions de froid extrême. En réduisant la fréquence des recharges rapides, la durée de vie de la batterie augmentera. En outre, selon le véhicule électrique, le préconditionnement de la batterie garantit les temps de recharge les plus rapides, ce qui permet de réduire les temps d’arrêt. La meilleure manière de recharger le VE est donc de programmer la station de recharge comme destination dans le système de navigation: la voiture s’adaptera en conséquence pour optimiser le processus de recharge.

Enfin, il est crucial de minimiser les périodes d’expositions à des températures extrêmes (au-dessus de 30°C et en dessous de 5°C).

Le concept Vehicle-to-Grid

La technologie des VE est souvent comparée exclusivement aux critères spéci­fi­ques aux voitures à combustion. Cependant, l’expansion des VE fournit de nouveaux sujets de recherche et d’application très intéressants. Un thème, en particulier, est souvent mis en avant: le Vehicle-to-Grid (V2G).

Dans le futur, le réseau de distribution électrique sera confronté à de grands défis principalement dus aux développements des énergies renouvelables, à une électrification croissante de la mobilité ainsi qu’à la généralisation des pompes à chaleur. L’un des problèmes majeurs consiste en la couverture des pics de consommation, par exemple lors de la recharge simultanée d’un grand nombre de véhicules électriques. Le concept Vehicle-to-Grid exploite l’avantage d’avoir à disposition un nombre important de VE, tout en se basant sur le constat que les voitures suisses ne parcourent en moyenne que 36 km par jour et sont à l’arrêt 23 h/24. L’idée repose sur le fait que les véhicules électriques stationnaires (connectés à une borne de recharge) peuvent également être connectés au réseau électrique et prêter leurs batteries en tant qu’accumulateurs tampons. Les véhicules électriques pourraient ainsi former une centrale électrique virtuelle qui, selon les besoins, fournirait de la flexibilité au réseau électrique.

Même si la batterie d’un seul VE ne dispose en moyenne que d’une capacité de 50 kWh, ce chiffre multiplié par le nombre de véhicules électriques correspond à un système de stockage décentralisé d’une taille imposante. L’association professionnelle Swiss E-Mobility estime qu’en 2035, entre 2,4 et 2,9 millions de véhicules électriques circuleront sur les routes suisses. Si l’on part du principe qu’à ce moment-là, 2 millions de véhicules seront branchés à des bornes bidirectionnelles de 10 kW pendant 90% du temps et qu’ils seront prêts à charger et décharger leur batterie, cela correspond à une puissance de régulation d’environ 18 GW, soit une puissance égale à la somme des centrales de pompage-turbinage actuelles.

Les avantages du concept V2G sont multiples. Parmi ceux-ci se trouvent notamment une réduction de l’extension ainsi qu’une meilleure stabilité du réseau, une meilleure valorisation de l’électricité photovoltaïque et éolienne, l’optimisation de l’autoconsommation et de la sécurité énergétique, une réduction des coûts liés à l’infrastructure des systèmes électriques, mais aussi une source de revenus pour les propriétaires de véhicules électriques.

Dans les applications V2G, les batteries sont généralement utilisées dans les limites d’un SoC contrôlé, les valeurs très élevées ou très basses étant ainsi évitées. Cet effet positif peut donc en partie compenser le vieillissement cyclique dû au V2G et avoir un effet potentiellement positif sur l’état de santé de la batterie.

Dans un contexte où la durée de vie des batteries est aujourd’hui supérieure à celle des voitures, les avantages du concept V2G semblent intéressants et permettraient de faire des batteries de VE un acteur clé de l’avenir énergétique, en garantissant la stabilité du réseau et une meilleure intégration des énergies renouvelables dans le réseau électrique.

Références

[1] T. Kim, W. Song, D.-Y. Son and L. K. Ono, «Li-ion batteries: outlook on present, future, and hybridized technologies», Journal of Materials Chemistry A, Vol. 7, 2019.
[2] sustainabilitybynumbers.com/p/electric-car-range
[3] S. Verma, G. Dwivedi, P. Verma, «Life cycle assessment of electric vehicles in comparison to combustion engine vehicles: A review», Materials Today: Proceedings, Vol. 49, Part 2, p. 217-222, 2022.
[4] electrek.co/2018/04/14/tesla-battery-degradation-data
[5] europe.autonews.com/automakers/cheaper-batteries-may-lead-global-ev-share-over-62-2030

 

Auteur
Bruno Lemoine

est co-directeur général du Centre de recherche sur le stockage d’énergie de la BFH.

  • Berner Fachhochschule
    2501 Bienne
Auteure
Paula Aguirre

est ingénieure R&D au Centre de recherche sur le stockage d’énergie de la BFH.

  • Berner Fachhochschule
    2501 Bienne

 

Auteure
Dr Priscilla Caliandro

est professeure en conversion électro­chimi­que et chef du Centre de recherche sur le stockage d’énergie de la BFH.

  • Berner Fachhochschule
    2501 Bienne

Commentaire

Romain Birbaum,

Bravo, très bon article très intéressant!

Quelle est la somme de 2 et 9 ?