Maximiser le bénéfice des sources renouvelables
Mieux exploiter la complémentarité solaire-éolien
Miser sur la complémentarité solaire-éolien est indispensable pour maximiser l’exploitation de ces énergies renouvelables. En écrêtant et en stockant une partie de leur production, un facteur de charge du réseau d’environ 80% peut être atteint aux points de raccordement, permettant ainsi de réduire drastiquement les coûts de la transition énergétique.
Depuis quelques années, une tendance à opposer le solaire et l’éolien est observée. Cette opposition inhibe, d’une part, le potentiel de complémentarité que la combinaison de ces sources d’énergie renouvelables permettrait d’atteindre, et néglige, d’autre part, le potentiel de la filière éolienne en Suisse.
Pourtant, la Suisse dispose de bonnes conditions de vents par rapport aux territoires voisins ainsi que d’un réseau électrique bien développé. De plus, l’éolien est aujourd’hui la source d’énergie renouvelable la plus compétitive dans le monde et en Europe. Enfin, comme le montrent certains exemples régionaux européens, le solaire et l’éolien – déployés ensemble de manière décentralisée – ont des profils complémentaires qui permettent de réduire drastiquement les coûts de la transition énergétique.
Manque hivernal
De manière générale, la production totale d’électricité est excédentaire en été. La Suisse exporte son électricité pendant la saison chaude et en importe en hiver. L’Elcom estime qu’en tout, une production supplémentaire de 10 TWh serait nécessaire en hiver pour garantir la sécurité d’approvisionnement. Or, en combinant intelligemment l’éolien et le solaire, la Suisse serait à même de produire cette électricité.
En effet, outre sa dépendance aux conditions météorologiques, la production photovoltaïque se caractérise par une forte variabilité saisonnière et une importante production estivale. En moyenne, pour des systèmes PV standard, 75% de l’énergie est produite entre avril et septembre. Compte tenu des objectifs de Swissolar visant à atteindre 17 TWh de photovoltaïque en 2030 grâce à la mobilisation d’autres surfaces que les toitures, le photovoltaïque pourrait couvrir 12,5% de nos besoins actuels durant les mois d’automne et d’hiver.
Si la production éolienne est, au même titre que la production photovoltaïque, dépendante des aléas météorologiques, elle se caractérise, a contrario de cette dernière, par une production principalement hivernale. Le Plan d’action 2030 de l’éolien de Suisse Eole a pour objectif d’atteindre une production annuelle de 6 TWh d’ici 2030, dont 4 TWh au minimum en hiver: l’éolien pourrait donc également couvrir 12% de la consommation électrique hivernale.
La combinaison du Plan solaire 2030 de Swissolar, du Plan éolien 2030 de Suisse Eole et de la flexibilité en matière de décalage temporel du pompage turbinage permettrait ainsi d’atteindre les objectifs de l’Elcom uniquement avec des énergies renouvelables.
Hausse de la demande
L’évolution énergétique qui est en marche aura, de plus, indéniablement un effet à la fois sur la consommation et sur la production d’électricité, au risque de creuser ce déficit hivernal. En effet, d’ici 2030, la consommation électrique sera principalement influencée par:
- L’électrification de la mobilité, entraînant une hausse de la demande de l’ordre de 3,5 TWh/an en 2030, soit 6% de la consommation de 2020. Cette hausse devrait se répartir relativement uniformément sur l’année.
- L’électrification du chauffage des bâtiments, notamment au moyen des pompes à chaleur, devrait entraîner une hausse de l’ordre de 2,5 TWh/an en 2030, soit 4% de la consommation de 2020. Ces besoins ont pour particularité d’être effectifs essentiellement en hiver, creusant davantage le déficit hivernal.
Enfin, du point de vue de la production, la Suisse vise à terme l’arrêt des centrales nucléaires. Cette production de 23 TWh/an devra aussi être compensée.
Une étude en trois étapes
Afin de déterminer le potentiel de la complémentarité solaire-éolien en Suisse, une étude [1] a été réalisée pour l’OFEN par le laboratoire PV-Lab de l’EPFL, dirigé par le professeur Christophe Ballif, et Planair. Basée sur la production de 2020, elle a été réalisée en trois grandes étapes: dans un premier temps, différentes données réelles ont été collectées pour chaque technologie de production. Ces données concernent, d’une part, une analyse des caractéristiques de la production et de la consommation nationales et, d’autre part, les profils de production horaire annuels des différentes technologies. Dans un second temps, des données quantitatives et les profils de production ont été analysés pour le solaire et l’éolien afin de mettre en lumière leurs différentes caractéristiques et leur complémentarité. Enfin, un cas d’étude a été défini pour illustrer et quantifier la plus-value de cette complémentarité au niveau national.
Complémentarité saisonnière et horaire
L’analyse des données en matière de production photovoltaïque et éolienne en Suisse révèle tout d’abord une complémentarité saisonnière importante, qui se vérifie sur plusieurs années. Ces deux sources de production peuvent également très bien être combinées avec la production hydraulique: cette dernière constitue aujourd’hui la principale source d’énergie renouvelable en Suisse et présente un profil saisonnier équilibré (figure 1) et partiellement adaptable grâce aux barrages à accumulation.
Outre leur complémentarité saisonnière, le vent et le soleil montrent également une complémentarité à l’échelle journalière. En effet, l’analyse des données météorologiques horaires indique une probabilité plus importante d’enregistrer des vents forts lorsque le ciel est nuageux, et des vents faibles lors de journées ensoleillées.
S’approcher du facteur de charge des centrales nucléaires
La variabilité et la dépendance aux conditions météorologiques constituent les principaux inconvénients des énergies renouvelables. Le dimensionnement usuel du réseau, basé sur les pointes de production des installations, conduit au surdimensionnement des raccordements au réseau, et par conséquent à un faible facteur de charge: 11% pour le photovoltaïque et 21% pour l’éolien suisse. À noter que dans cette étude, le facteur de charge est considéré du point de vue du réseau et correspond au rapport entre la quantité d’énergie produite par une installation photovoltaïque ou éolienne et l’énergie produite à la puissance maximale que cette installation peut fournir au réseau. Or, l’essentiel des productions photovoltaïque et éolienne étant décalées en saison, elles n’atteignent pas leurs valeurs maximales en même temps. En d’autres termes, dans le cadre de cette étude, les spécialistes de l’EPFL et de Planair ont cherché à savoir comment, et dans quelles proportions, combiner le solaire et l’éolien pour réussir à s’approcher du facteur de charge de 88% atteint par les centrales nucléaires en Suisse en 2020.
Dans la figure 2, toutes les puissances photovoltaïques horaires de 2020, normalisées avec la puissance PV installée, ont été classées de la plus élevée à la moins productive. En écrêtant la production («peak shaving») de manière à pouvoir réduire de moitié la capacité du raccordement au réseau par rapport à la puissance nominale de l’installation de production, le facteur de charge du photovoltaïque passe de 11% à 21%, tout en perdant seulement 7% de la production totale annuelle. On constate cependant qu’il est difficile d’augmenter significativement cette valeur du facteur de charge.
La figure 3, similaire à la figure 2 mais représentant le cas de l’éolien, montre quant à elle différents scénarios d’écrêtage permettant d’améliorer le facteur de charge des installations éoliennes, tout en limitant la quantité d’énergie perdue. Contrairement aux installations PV, un facteur de charge proche de 50% peut être atteint, à condition de brider près du quart de la production.
En utilisant le même procédé sur une installation dite «moyenne», dont la moitié de la puissance est d’origine photovoltaïque et l’autre moitié de source éolienne, il est possible d’améliorer le facteur de charge de 16 à 25% sans aucune perte, et d’atteindre un facteur de charge de 40% en perdant seulement 1% de la production!
Remplacer le nucléaire par de l’éolien et du solaire
En Suisse, la production d’énergie nucléaire s’élève approximativement à 20 TWh/an. Le cas d’étude considéré vise à analyser comment cette production pourrait être remplacée en combinant une production photovoltaïque de 10 TWh avec 10 TWh de production éolienne et du stockage. Cela revient à installer environ 10,1 GW de photovoltaïque et 5,5 GW d’éolien.
La courbe de production horaire (figure 4) de cette installation dite «équilibrée» (équilibre des productions PV et éolienne, 10 TWh de chaque) est construite sur la base des données horaires normalisées de 2020 illustrées dans les figures précédentes. Le facteur de charge associé, sans écrêtage et sans stockage, est de 15%. Une analyse de la situation montre qu’un écrêtage à 16% de la puissance nominale permet d’atteindre un facteur de charge de 63% en écrêtant 31% de la production d’énergie, soit 6,2 TWh. Cette valeur de 16% semble un bon compromis pour deux raisons. Premièrement, une réduction plus importante impliquerait une forte augmentation de l’écrêtage. En effet, cette limitation à 16% est atteinte près de 40% du temps, soit 3396 h sur l’année. Ensuite, cela représente une quantité d’énergie importante à stocker. Si la totalité de cette dernière peut être stockée ou consommée localement avec de la flexibilité, il est possible d’atteindre un facteur de charge de 91%, soit une valeur légèrement supérieure à celle du nucléaire.
Sur la base de cette limite du raccordement au réseau à 16% de la puissance nominale, la figure 5 présente l’influence de différentes tailles de stockage sur le facteur de charge. La courbe illustre le cas d’une installation «équilibrée» et montre que le gain en matière de facteur de charge se limite à 1% entre le point D (90 GWh de stockage) et le point E (200 GWh de stockage). En d’autres termes, cette multiplication de la taille du stockage par un facteur 2,2 permet de stocker 2% de la production en continu pour une décharge ultérieure.
Cette analyse mène à une double conclusion. D’une part, l’autorisation d’un certain écrêtage permet de faire des gains importants sans trop pénaliser le système et, d’autre part, on peut bel et bien atteindre un facteur de charge proche de celui du nucléaire avec une taille de stockage raisonnable au vu de la production considérée. En effet, ce cas d’étude considère une production de 20 TWh, soit près d’un tiers de la consommation suisse. Pour atteindre un facteur de charge de 86% (point D), un stockage de 90 GWh est requis. Cet ordre de grandeur correspond au stockage de la mobilité électrique en 2030, selon les projections de Swiss e-mobility prévoyant 1,5 mio. de véhicules électriques (VE) à l’horizon 2030 et l’hypothèse d’une batterie moyenne de 60 kWh par véhicule.
La complémentarité solaire-éolien est indispensable
La principale conclusion de cette étude: la complémentarité solaire-éolien est indispensable pour maximiser le bénéfice de ces sources renouvelables. Ensemble, le PV et l’éolien permettent d’atteindre des résultats inaccessibles individuellement.
De manière plus détaillée, en écrêtant et en stockant une partie de la production renouvelable, il est possible d’augmenter significativement le facteur de charge du réseau. Pour une production de l’ordre de 20 TWh, un facteur de charge d’environ 80% peut être atteint à condition de stocker 20 GWh, soit l’équivalent de la capacité de stockage de Nant de Drance. Une telle valeur est proche du facteur de charge de la production nucléaire suisse.
D’un point de vue financier, il est actuellement plus rentable d’exploiter la production éolienne pour assurer les besoins hivernaux. En effet, la production photovoltaïque étant faible en hiver, il serait nécessaire de stocker des quantités trop importantes d’électricité pour obtenir une même valeur de facteur de charge.
Référence
[1] M. Cauz, L. Perret, N. Wyrsch, C. Ballif, «Étude de la complémentarité solaire-éolien en Suisse comme une source hybride», rapport final, novembre 2022.
Commentaire
Eduard Kiener,
Im neusten Bulletin 6/2023 ist von einer vom BFE in Auftrag gegebenen Studie die Rede, die offenbar zeigen sollte, dass durch die gemeinsame Nutzung von Wind und PV der Netzausbau fast verhindert werden kann. Sie führte zu folgendem Fazit: «Die Ergebnisse zeigten, dass durch den Ersatz der rund 20 TWh Kernenergieproduktion durch 10 TWh Windkraft (5,5 GW Nennleistung) und 10 TWh Photovoltaik (10,1 GW Nennleistung) sowie die Nutzung einer Speicherkapazität von 90 GWh (also die Speicherkapazität der Batterien von 1,5 Mio. Elektrofahrzeugen, was den Prognosen von Swiss e-Mobility für 2030 entspricht) ein Netzauslastungsfaktor von rund 86% erreicht werden kann». Grundsätzlich kann ein koordinierter Einsatz von PV und Wind durchaus einen Beitrag zur Netzauslastungsoptimierung bieten, er darf aber nicht überschätzt werden. Auf der untersten Netzebene, wo die meisten PV-Anlagen einspeisen, bringt er nichts, dort hilft nur das Abregeln, was aber in der deutschen Zusammenfassung nicht erwähnt wird.
Die Resultate einer Studie können nur so gut sein wie deren Annahmen, und die sind hier unrealistisch, ausser für die unterstellten 10 TWh PV-Strom. Die 65 heutigen Windanlagen haben eine totale Leistung von 88 MW; die 5,5 GW Windleistung würde 1375 grosse Anlagen zu 4 MW oder 1670 Anlagen zu 3,3 MW wie beim Mt. Soleil erfordern – wo sollten diese gebaut werden? Nicht besser steht es um die Batteriekapazität der Elektrofahrzeuge, deren Bestand 2022 betrug 141'900 Fahrzeuge bei einem Zuwachs von 31'300 Fahrzeugen. Wenn in 8 Jahren 1,5 Mio. Elektromobile vorhanden sein sollten, müssten dazu jährlich durchschnittlich 152'000 neue in Verkehr kommen.
Da wundern die oben erwähnten Ergebnisse schon. Sie werden offenbar von Electrosuisse nicht infrage gestellt. Man sollte jedoch, der Glaubwürdigkeit des Fachorgans zuliebe, die Resultate von Studien, die den Anschein von wissenschaftlichen Abklärungen erwecken, vor deren Veröffentlichung überprüfen. Insbesondere darf man sich nicht an den Wunschvorstellungen von Branchenorganisationen orientieren.
Christophe Ballif,
Wir sind über die Kommentare von Herrn Kiener aus mehreren Gründen überrascht. Erstens war die Grundidee, die bemerkenswerte zeitliche und saisonale Komplementarität der heutigen Installation von Wind- und Solaranlagen aufzuzeigen. Die Daten sind öffentlich zugänglich. Künftige Daten könnten anders ausfallen, wenn höhere Anteile der Winterproduktion mit alpiner PV und Wind sowie PV-Fassaden berücksichtigt werden. Zweitens wurden unsere Annahmen im Artikel offen dargelegt. Der Artikel zeigt auf, wie hoch ein äquivalenter Kapazitätsfaktor bei verschiedenen Abregelungsszenarien wäre.
Natürlich ging unsere Analyse davon aus, dass das Netz die gedrosselte Leistung aufnehmen und verteilen kann. Diese Annahme ist grösstenteils zutreffend, besonders wenn man bedenkt, dass alle Systeme des Niederspannungsnetzes ins Hochspannungsnetz zurückspeisen können. Alle Transformatoren und das Netz sind bidirektional, eine Tatsache, die Herrn Kiener nicht bekannt zu sein scheint. Details findet man natürlich in den zahlreichen Szenarien verschiedener Forscher in der Schweiz (z.B. im SCCER-Furies-Projekt, das das physikalische Netz und mögliche Engpässe berücksichtigt, mit der entsprechenden Balance zwischen lokaler Speicherung, Flexibilität und Netzanpassung). Insbesondere das Aufladen von Elektroautos oder die Wärmebereitstellung werden viel Flexibilität bieten können. In Bezug auf die Annahmen zu den Elektroautozahlen: Letztes Jahr wurden in der Schweiz 322'000 neue Immatrikulationen vorgenommen. Das Ziel ist es also, die Zahl neuer elektrischer Autos schnell auf 150'000 pro Jahr zu erhöhen, um dann bis zum Ende des kommenden Jahrzehnts nur noch Elektroautos zuzulassen (und im Idealfall auf den öffentlichen Verkehr umzusteigen). Und natürlich geht es nicht darum, 1,5 Millionen Autos vollständig zu entladen. Insbesondere unsere Wasserkraftwerke können bei der Bereitstellung dieser Menge eine wichtige Rolle spielen (siehe z.B. Pierre-Jean Alet, «La force hydraulique, alliée du photovoltaïque», Bulletin SEV/VSE 10/2022 zur Rolle von PV-Hydro). Was die Anzahl der Windturbinen betrifft, so sei daran erinnert, dass Österreich mit einer ähnlichen Topologie bereits über fast 1400 Windanlagen mit einer installierten Leistung von 3,7 GW verfügt. Das Schweizer Potenzial, das kürzlich vom BFE neu bewertet wurde, beträgt rund 30 TWh. Und je mehr Windkraft wir haben, desto einfacher wird es für unsere Stromversorgung im Winter.
Die Stärke unserer Studie liegt darin, dass sie die Komplementarität dieser beiden Energieträger für die Schweizer Umwelt bestätigt. Ob die Schweizer Bürgerinnen und Bürger verstanden haben, was es braucht, um die Energiewende zu schaffen, ist eine andere Geschichte. Sicher ist, dass das systematische Infragestellen der Arbeiten der meisten Forschungsgruppen, des (aktuellen) BFE, verschiedener unabhängiger Agenturen und vieler EVUs die Energiewende nicht voranbringt.