Lumière sur le confort visuel et le bien-être dans les espaces

Bulletin: Quel est votre domaine de recherche principal à l'Institut de technologie de Karlsruhe?

Caroline Karmann: Mon domaine de recherche porte sur la perception visuelle des espaces ainsi que sur l’accessibilité. Dans le cadre de mes travaux sur la perception visuelle, je m’intéresse à l’éblouissement ainsi qu’à l'impact des vues vers l'extérieur sur notre appréciation des espaces. Mes recherches sur l'accessibilité en sont encore à leurs débuts et se concentrent sur l'accessibilité visuelle, c'est-à-dire sur les dispositifs architecturaux et d'éclairage capables de rendre les espaces plus visibles, navigables et sûrs pour les personnes malvoyantes.

Les LED semblent être actuellement la solution magique pour économiser de l'énergie avec un éclairage artificiel. Est-ce une bénédiction ou une malédiction pour le bien-être humain?

En effet, les LED sont des solutions énergétique­ment très intéressantes. Nous avons la nécessité de nous éclairer et c’est une bonne nouvelle que d’avoir une bonne source d’éclairage pour cela. Comme toute technologie, il s'agit de savoir l'utiliser à bon escient, c'est-à-dire dans le respect de nos besoins: il ne s'agit pas de nous sous-exposer et d’abimer nos yeux, ni de nous surexposer à  n'importe quelle intensité spectrale à n'importe quel moment de la journée., il ne s'agit pas de nous sous-exposer et d'abimer nos yeux, ni de nous surexposer à n'importe quel moment de la journée.

Les LED avec une température de lumière correspondant à la lumière du jour naturelle peuvent-elles remplacer la lumière du jour dans une certaine mesure? Une lumière artificielle saine est-elle possible et réalisable avec des LED?

Je ne suis pas une experte en LED et ne peux que constater que ces lampes ainsi que les outils technologiques associés (luminaires, commandes) pour créer de la lumière électrique ne cessent de progresser. Et en même temps, si l’on s’intéresse à nos rythmes circadiens, il semble qu'il n'y ait rien de mieux que la vraie lumière du jour, tant son intensité, son spectre et sa synchronisation nous sont précieuses.

Par quelles interventions architecturales (ultérieures ou prévues lors de la construction) la lumière du jour peut-elle être influencée positivement dans un bâtiment?

La position du soleil et les conditions météo­rologiques induisent continuelle­ment de nouvelles conditions de lumière. C’est là toute la beauté de la lumière du jour qui se distingue par ses nuances quotidiennes et saisonnières. Pour que des espaces intérieurs soient agréables, il faut savoir jouer «avec» ce changement, et non «contre» ce changement. L'éclairage direct est souhaitable pour notre synchronisation circadienne, notamment le matin. Puis, dans la pratique de certaines tâches ou pour éviter la surchauffe, nous préférons réduire notre exposition au soleil. Il faut donc savoir filtrer la lumière. Les études de terrain nous montrent systématique­ment que les occupants aiment pouvoir choisir eux-mêmes quand et comment, et je pense qu'il est important de leur offrir ce choix, au moyen de la commande manuelle qui peut compléter une commande automatique, par exemple.

Recommanderiez-vous d'allumer la lumière artificielle par temps maussade ou vaut-il mieux rester dans la pénombre?

Si la pénombre peut être utile pour dormir, elle sera déconseillée pour des activités qui nécessitent un bon éclairage telles que la lecture. En ce sens, il faut bien sûr allumer la lumière artificielle par temps maussade. Un bon confort oculaire est fondamental. Depuis que je m'intéresse à la malvoyance, je suis de plus en plus sensible à l'importance d'un bon éclairage pour maintenir une bonne acuité visuelle et assurer la sécurité des utilisateurs. Savoir adapter la lumière aux besoins des occupants dans toute leur diversité est essentiel pour l'autonomie et la qualité de vie de tous. À cet égard, il convient de noter que l'éblouissement d'inconfort dû à la lumière artificielle est un paramètre important tant pour le confort que pour la sécurité visuelle des espaces.

Comment la lumière du jour influence-t-elle notre perception visuelle?

Le soleil nous inonde d'un large spectre électro­magnétique, dont seul un segment est visible. Mais il y a égalementune partie non-visible de ce spectre perceptible par certaines de cellules photosensibles et qui impacte nos sécrétions hormonales et nos rythmes circadiens. Grace à son intensité et sa variation spectrale, la lumière du jour est par nature très saine pour nos cycles circadiens.

Comment la qualité de la vue sur l'extérieur influencent-elles la santé, les performances et la capacité d'apprentissage, et quelle est l'importance du regard vers l'extérieur pour l'œil?  Et pour le psychisme?

Regarder dehors, c'est d'abord comprendre «où» l'on se trouve, tant dans l’espace que dans le temps. Au cours de notre évolution, notre vie a pu dépendre des dangers présents dans notre contexte immédiat et nous y restons particulièrement sensibles. Tout cela nourrit un besoin fondamental d’information. Puis, il y a aussi le contenu de la vue. Des vues sur des éléments naturels tels que des arbres peuvent réduire notre stress et donc influencer notre capacité d'apprentissage. Notre œil est par ailleurs un organe très complexe composé de plusieurs muscles, dont certains agissent automatiquement et indépendamment de notre volonté. Par exemple, notre œil s’adapte automatiquement aux changements de luminosité ainsi qu’à la distance de l’objet observé. Avoir une vue vers l’extérieur permet d’activer ces muscles, car la luminosité change en permanence et notre regard peut se poser sur des objets situés plus loin de nous. Outre les avantages déjà mentionnés de l'accès à la lumière du jour, une vue sur l'extérieur est donc bénéfique à notre bien-être pour de nombreuses raisons, et constitue un thème de recherche clé dans le domaine du confort visuel.

Les grandes surfaces vitrées laissent entrer beaucoup de lumière et permettent de voir à l'extérieur. Mais lorsque le soleil brille, il éblouit et il fait désagréable­ment chaud. Avec pour conséquence la fermeture des stores. Quelles sont les alternatives?

Je ne pense pas que l'utilisation de stores soit un problème. C'est un moyen d'adapter la quantité de lumière à nos besoins. Il est important de choisir un bon dispositif qui soit adapté à l'orientation et de placer ces protections si possible à l'extérieur pour réduire les apports solaires indésirables.

Quel rôle joue le verre des fenêtres? Offre-t-il des possibilités en matière de réduction de l'éblouissement?

Les verres teintés ne sont malheureusement pas très efficaces pour lutter contre l’éblouissement, car le disque solaire reste visible et c’est là tout le problème. Nous avons fait des expériences avec des verres dont la transmission visuelle était inférieure à 1%. Lorsque le soleil était dans le centre du champ de vision, plus de la moitié de nos participants se plaignaient d’éblouissement. Or, une transmission visuelle aussi faible est déjà à la limite de ce qui est productible et nécessite d'autres vitrages plus transmissifs dans le même espace pour un éclairage naturel acceptable.

Quel est le concept d'éclairage idéal en ce qui concerne la combinaison des données architecturales et de la lumière artificielle?

Le concept idéal doit pouvoir répondre aux besoins des occupants ainsi que tirer profit des conditions extérieures. Il s'agit de filtrer la lumière, de permettre ou a contrario bloquer les apports solaires (en fonction des besoins intérieurs) avec l'enveloppe du bâtiment tout en offrant une vue sur l'extérieur. Vient ensuite l'éclairage artificiel, qui ne doit pas induire d'éblouissement et doit être idéalement réglable. En d'autres termes, tout est question d'adaptation. Le concept idéal est celui qui est offrira un environnement confortable et sûr, mais aussi plaisant.