Article Consommation

L’influence des flux d’information

Facteurs de décision

26.08.2022

Dans le contexte de la transition énergétique, l’action des citoyens constitue un pilier important. Pour mieux comprendre les décisions individuelles d’investissement, cette étude élucide les facteurs qui influencent les acteurs individuels à investir dans le photovoltaïque et l’électromobilité.

La transition énergétique est un défi majeur pour notre société. Avec l’adoption de la stratégie énergétique à l’échelle de la Confédération et de la Conception cantonale de l’énergie (CoCEn) au niveau du canton de Vaud, des objectifs ambitieux ont été fixés quant à la réduction de la consommation d’énergie et à la production d’énergie renouvelable. Afin de contribuer à une réalisation de ces objectifs, à savoir une réduction de la consommation d’énergie par habitant de près de 60% et une couverture des besoins énergétiques du canton par des énergies renouvelables à 50%, d’importants investissements doivent être effectués au niveau des communes et des individus.

Pour prendre leurs décisions, les particuliers ainsi que les professionnels se tournent vers des sources d’informations et des experts considérés comme fiables. Ces personnes et organisations pourraient en effet figurer comme d’excellents vecteurs de propagation d’informations officielles pour faire avancer la transition énergétique aux niveaux cantonal et national. Pour le moment, ce rôle reste sous-exploité et la collaboration entre acteurs publics et privés pourrait être plus poussée si les informations passaient plus facilement et si les acteurs leviers dans le secteur étaient impliqués plus directement dans les campagnes de sensibilisation de la population.

Le présent projet, mené en partenariat avec la Direction de l’énergie du Canton de Vaud, met l’accent sur une meilleure compréhension des décisions individuelles et analyse comment elles sont influencées par l’effet de groupe, notamment dans les domaines du photovoltaïque et de l’électromobilité. Il est surtout question de savoir quels groupes de personnes se montrent particulièrement réceptifs à differents canaux d’information et comment cette réceptivité est liée entre autres aux attitudes environnementales, aux paramètres socio-économiques, ainsi qu’à des aspects de voisinage, voire de proximité géographique.

Enquête dans le canton de Vaud

Le questionnaire adressé aux particuliers a été traité par 1125 personnes représentant leur ménage, dont 374  femmes (33,2%) et 748 hommes (66,5%) dans les deux districts de Nyon et du Jura-Nord vaudois. Cela représente un taux de réponse de 18,75% (584 résidant dans le district de Nyon et 541 résidant dans le district du Jura-Nord vaudois). En prenant en compte la répartition des réponses sur les deux régions, le taux de propriétaires versus locataires ainsi que les caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon, la sélection des ménages est représentative de la situation globale dans la région d’étude.

Sur tout l’échantillon, 17,6% des répondants ont déjà installé des panneaux photovoltaïques avec une puissance moyenne de 7  kW crête. Cela correspond à environ 45 m2 de panneaux [1]. 25 personnes (2,2%) ont complété leur installation avec une batterie de stockage, et 13% font partie d’une communauté d’autoconsommation (1,2%). Tous groupes confondus, plus de la moitié des personnes ayant répondu à la question (413 personnes sur 823 au total) ont déjà réfléchi à investir dans le photovoltaïque par le passé. La figure 1 illustre la répartition des installations saisies. La distribution suit plus ou moins la distribution de la population dans le territoire du canton de Vaud.

Presque la totalité des répondants au sondage possèdent une voiture (94,8%), contre seulement 54,2% qui possèdent un vélo (électrique ou non électrique), 11,8% qui possèdent une moto et 7,7% qui possèdent un scooter. Les voitures électriques restent très minoritaires pour le moment avec 29  ménages qui possèdent une voiture entièrement électrique (2,58%), 23 qui possèdent un hybride plug-in (2,05%), 58 qui ont une voiture hybride classique (5,16%) et 4 ménages (0,36%) un scooter électrique sur un échantillon de 1125 personnes. 185 ménages disposent d’un ou de plusieurs vélos électriques (16,5%), contre 26,6% pour toutes les formes de véhicules électriques.

Les entreprises également interrogées

Un questionnaire supplémentaire a été envoyé à 452 entreprises actives dans les domaines du photovoltaïque et de l’électromobilité et rempli par 125  entreprises, dont 53 dans le district de Nyon et 72 dans le district du Jura-Nord vaudois avec un taux de réponse de 27% (figure 2). La taille des entreprises varie d’une seule personne à 300 employés. La taille moyenne correspond à 19 salariés, la taille médiane à 5. La distribution des secteurs se présente comme suit:

36 bureaux d’architectes, 31 entreprises électriques, 15 entreprises d’installation d’équipement sanitaire et de chauffage, 11 entreprises de commerce de détail de véhicules légers, 8 entreprises d’équipement de chauffage, de ventilation et de climatisation, 6  bureaux d’ingénieurs en technique des bâtiments et 18 entreprises actives dans d’autres domaines.

Trois facteurs d’influence de la prise de décision

Globalement, l’étude confirme pour le canton de Vaud trois facteurs primordiaux qui influencent la prise de décision d’investir dans le photovoltaïque et l’électromobilité. Ces facteurs sont l’importance du revenu disponible, l’effet de voisinage et une attitude positive envers l’environnement.

Une analyse de régression logistique a été nécessaire pour mieux comprendre l’influence des facteurs individuels sur la prise de décision d’investir dans le photovoltaïque ou de s’acheter un véhicule électrique. La régression logistique est l’un des modèles d’analyse multivariée les plus couramment utilisés en statistique. Elle permet de mesurer la survenue d’un évènement de type binaire (variable expliquée du genre oui/non) en dépendance des facteurs susceptibles de l’influencer (variables explicatives). Les trois hypothèses suivantes ont guidé l’analyse de régression :

  • Il existe une influence entre la pose de panneaux photovoltaïques par les voisins et la propre décision d’installer des panneaux.
  • Le revenu est un facteur important pour la pose de panneaux photovoltaïques et l’achat d’un véhicule électrique.
  • Il existe une relation entre la perception des questions environnementales et la volonté d’investir (voire l’investissement proprement dit) dans les domaines du photovoltaïque et de l’électromobilité.

Sur l’ensemble des analyses de régression qui ont été menées, trois variables se sont révélées toujours significatives. Il s’agit du fait d’être propriétaire, d’être soi-même responsable pour les dépenses énergétiques (hautement corrélé avec le critère d’être propriétaire) et de l’état civil. Pour le photovoltaïque, le fait de connaître quelqu’un qui a déjà posé des panneaux dans les vingt-quatre derniers mois (avec un taux de significativité de 0,015 et un rapport de cotes de 2,9661) ainsi que la présence de voisins qui ont eux aussi installé du photovoltaïque (taux de significativité de <0,00 et rapport de cotes de 0,213) se révèlent significatifs pour prédire la pose de panneaux par un individu ou une famille. Tandis que l’importance des trois premiers facteurs n’est guère surprenante, l’importance de la connaissance d’une personne qui a déjà investi dans le photovoltaïque ainsi que la présence de voisins qui ont installé des panneaux sont d’autant plus remarquables que, dans la plupart des modèles examinés, ce sont les deux facteurs qui ressortent avec la plus forte valeur de signification statistique pour prédire l’investissement dans le photovoltaïque tout court.

Finances et communication, les barrières à l’investissement

En analysant les barrières qui empêchent les gens d’investir dans les deux technologies prises en compte dans cette étude, il faut retenir l’importance des aspects financiers, tels que le manque de subventions et le prix d’achat perçu comme (trop) élevé, mais aussi un manque d’informations importantes, ressenti surtout dans le domaine de l’électromobilité.

Pour le photovoltaïque, le fait d’avoir des voisins ou de connaître des gens qui ont déjà investi dans des panneaux a un effet significatif sur la propre décision d’y investir. Si l’on arrive à motiver un plus grand nombre de personnes à investir dans le photovoltaïque et à en parler avec leurs voisins, cela aura des effets directs sur le taux d’installations réalisées.

L’effet de voisinage est moins marqué dans le contexte de l’électromobilité où, pour le moment, le déficit d’informations par rapport à l’infrastructure de recharge et la palette de modèles disponibles sur le marché est perçu par les sondés – outre le prix d’achat – comme une des barrières principales pour investir dans une voiture électrique.

Dans le domaine du photovoltaïque, les entreprises spécialisées jouent un rôle primordial dans la diffusion d’informations et la prise de décision des particuliers. Au contraire, pour l´électromobilité, ce sont des sources d’information sur internet qui se sont révélées de loin les plus importantes. Les entreprises de l’échantillon, dont les garages et entreprises actives dans la vente de voitures, s’appuient encore principalement sur un échange direct avec la clientèle.

Pour la majorité des entreprises actives dans les domaines du photovoltaïque et de l’électromobilité, les canaux digitaux ne prennent pas encore une grande place dans leurs réflexions et leurs activités de promotion, et même avec la crise du Covid-19, une majorité des entreprises se fie principalement à des canaux traditionnels de communication et ignore souvent les opportunités qu’offre la communication digitale.

Trois leviers en faveur de la transition énergétique

En vue d’établir des stratégies pour soutenir les acteurs dans leurs processus de décision d’investir dans les deux technologies, l’étude pointe vers trois leviers pour faire progresser la transition énergétique et faire basculer le système vers un système essentiellement renouvelable:

Premièrement, les subventions mises en place au niveau du canton et des communes doivent être mieux communiquées et, si nécessaire, être adaptées aux besoins actuels. Ces informations doivent surtout être facilement atteignables, être à disposition des experts techniques, qui sont les principaux interlocuteurs de la population dans le domaine du photovoltaïque et, idéalement, englober les subventions à tous les échelons (communes, canton, Confédération).

Deuxièmement, l’installation de plateformes d’information puissantes pourrait contrer le manque de coordination concernant la diffusion d’informations qui est particulièrement évident dans le domaine de l’électromobilité, où la majorité des sondés manquent d’informations de base et s’informent sur internet tandis que la majorité des garagistes peinent à toucher leur clientèle et s’appuient principalement sur une communication purement analogique.

Troisièmement, il y a un fort besoin de coordonner les activités des acteurs du terrain et de les relier mieux avec leur clientèle potentielle. Les entreprises d’approvisionnement en énergie (EAE) peuvent jouer un rôle central dans ce contexte, servant de maillon fort entre les acteurs privés et publics, surtout par rapport à l’intégration des régies, gérances et autres promoteurs immobiliers institutionnels.

Habitudes digitales et liens sociaux en point de mire

Les administrations cantonales et les EAE sont bien positionnées pour soutenir les parties prenantes en distribuant des informations ciblées et en mettant en réseau des groupes d’acteurs. Pour renforcer l’impact de ses activités, toucher un public plus large et contribuer ainsi à l’essor d’une dynamique renforcée vers les solutions renouvelables, une stratégie qui vise les nouvelles habitudes digitales et l’importance des liens sociaux est la plus prometteuse, au vu des résultats de l’étude.
Dans le futur, il sera donc important dans ce contexte de prendre en compte (encore plus) la proximité géographique et les échanges entre voisins ainsi que l’utilisation des réseaux digitaux par certains groupes cibles, comme les jeunes propriétaires, les locataires, les familles ou la population aisée, pour franchir avec succès les points de basculement dans la transition énergétique.

Référence

[1]   «  Énergie solaire – évidemment », Swisssolar (en collaboration avec Electrosuisse), 2019, www.electrosuisse.ch/wp-content/uploads/2019/10/Energie-solaire_Web.pdf

Auteur
Dr Romano Wyss

est fondateur de Wyss Conseil Scientifique et chargé de cours à l’EPFL.

Auteure
Prof. Claudia R. Binder

est professeure ordinaire à l’École polytechnique fédérale de Lausanne.

  • EPFL, 1006 Lausanne
Auteur
Nicola Pontiggia

est étudiant en master en géographie à l’Université de Lausanne.

  • UNIL, 1006 Lausanne

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