Rétrospective Personnel , Stockage d’énergie , Énergies renouvelables

Les multiples facettes du photovoltaïque

Retour sur le Congrès photovoltaïque suisse

23.03.2023

Pénurie d’électricité, essor du photovoltaïque, adaptation du réseau, panneaux non éblouissants, de couleur ou tuiles PV, vieillissement des composants, nouvelles technologies de panneaux, retour de la production en Europe: les 20 et 21 mars dernier, le Congrès photovoltaïque suisse a proposé un programme complet, passionnant et varié.

Organisée par Swissolar, en collaboration avec SuisseEnergie et l'AES, la 21e édition du Congrès photovoltaïque s’est déroulée les 20 et 21 mars derniers au Kursaal, à Berne, devant une assemblée très fournie: au total, environ 1000 personnes ont suivi le congrès sur place ou en ligne.

Dès le matin du premier jour, Frank Rutschmann, responsable Énergies renouvelables à l’Office fédéral de l’énergie, a donné le ton avec une présentation – ou plutôt un «one-man show» – qui a tenu le public en haleine. En effet, quoi de plus approprié quand on veut parler de pénurie d’électricité que de plonger la salle dans le noir le plus complet et de continuer son discours à la lueur d’une lampe de poche?

Miser sur la diversité

Pour éviter que la menace d’un risque de pénurie ne resurgisse chaque hiver, il est indispensable d’augmenter rapidement la production d’électricité à partir des nouvelles énergies renouvelables. Mais comment procéder? S’il faudra développer également l’éolien et d’autres productions renouvelables, le photovoltaïque (PV) présente de loin le plus grand potentiel. Il sera aussi nécessaire d’utiliser toutes les possibilités d’implantation: sur les toits, en façade, sur les infrastructures existantes, les parkings, les stations d’épuration, au sol, en altitude, et même sur les cultures et dans les pâturages dans le cadre de l’agrivoltaïsme. Ce dernier domaine rencontre d’ailleurs, à juste titre, de plus en plus d’intérêt de la part des agriculteurs. Comme en a fait part Mareike Jäger, ZHAW, il permet en effet de combiner production photovoltaïque et divers avantages pour l’agriculture: baisse de la consommation d’eau, moins de champignons, de maladies (de mildiou, par exemple) et de stress hydrique. L’étude réalisée avec les panneaux Insolight a même mis en évidence une augmentation du rendement agricole.

Pour permettre la meilleure intégration possible dans chaque situation, la palette des produits proposés ne cesse de s’étendre: panneaux colorés, en forme de tuile, non réfléchissants, bifaciaux, installations rétractables, etc. C’est la diversité qui nous permettra de passer en Suisse de 1 GW (en 2022) à 2,5 GW de nouvelles installations PV par an dès 2025 et d’atteindre 45 TWh de production PV par an en 2050, selon les objectifs présentés par Gabriela Suter, conseillère nationale et vice-présidente de Swissolar. Mais pour pouvoir installer les panneaux solaires, il faut du personnel qualifié et… le matériel nécessaire. Deux points où le bât blesse (encore).

Répondre à la pénurie de personnel

En effet, comme l’a évoqué David Stickelberger, directeur de Swissolar, l’Association des professionnels de l’énergie solaire, la majorité des entreprises membres de l’association a connu une croissance de plus de 25% l’année dernière, et celles-ci manquent cruellement de personnel. Diverses formations formelles ou non formelles ont été mises sur pied pour parer au plus pressé, et il sera possible de proposer des apprentissages d’installateurs solaires (CFC, sur trois ans) et de monteurs solaires (AFP, sur deux ans) dès l’automne 2024. Il n’en reste pas moins que pour l’instant, les entreprises n’arrivent souvent plus à suivre. Angelika Leemann, Energy Factory, leur a d’ailleurs proposé quelques pistes à suivre pour éviter d’avoir à faire face à des démissions pour cause de surcharge de travail.

Des panneaux PV européens avec de nombreuses qualités

Reste la question du matériel nécessaire aux installations PV: actuellement, 95% de la chaîne d’approvisionnement – wafers (galettes de silicium utilisées pour la production des cellules solaires), cellules, modules, panneaux photo­voltaïques, onduleurs – proviennent de Chine. Comme en a fait part Heymi Bahar, de l’International Energy Agency, cela pourrait être très problématique si les relations entre les pays européens et la Chine devaient se détériorer à l’avenir. Et le subit déclenchement de la guerre en Ukraine nous a montré qu’une situation peut changer très rapidement. Or, il en va là de notre futur approvisionnement énergétique. Une pénurie d’électricité sur une longue durée pourrait entraîner des conséquences catastrophiques.

Il est donc urgent d’intensifier la production européenne de panneaux solaires et de la rendre concurrentielle et attractive. C’est ce que fait Meyer Burger. Comme l’a expliqué Gunter Erfurt, CEO de Meyer Burger Technology, l’entreprise est en train d’augmenter fortement ses capacités de production de cellules et de modules dans ses usines en Allemagne. Elle y fabrique des panneaux photovoltaïques à haut rendement basés sur des technologies développées en Suisse dans le cadre de coopérations avec l’EPFL et le CSEM. Elle a aussi prévu dès 2025 de produire en série des modules intégrant la prochaine génération de cellules PV, combinant technologie à hétérojonction et contacts à l’arrière de la cellule (IBC, Interdigitated Back Contact). Ces panneaux offriront non seulement un rendement plus élevé (> 23% pour les modules produits en série), mais aussi l’avantage d’une très grande robustesse et fiabilité à long terme. Si, à l’achat, ils seront probablement un peu plus onéreux que les panneaux asiatiques actuellement sur le marché, leur rendement plus élevé et plus stable à long terme devrait permettre de compenser, au moins en grande partie, la différence d’investissement initial.

Les questions du stockage, des échanges et du transport

Si construire des installations PV en masse est une bonne chose, encore faut-il que leur production coïncide dans le temps avec les besoins en électricité, ce qui n’est pas toujours le cas. Il sera donc nécessaire de stocker les surplus de production à long terme pour couvrir en partie le déficit de production hivernale, mais aussi à court terme afin d’augmenter la consommation propre. Le problème de la surproduction à court terme peut être adressé grâce à une gestion optimale de la charge – c’est-à-dire en décalant dans le temps la consommation des pompes à chaleur, de la recharge des véhicules électriques et d’autres consommateurs flexibles de manière à utiliser le courant photovoltaïque au moment où il est produit – et en stockant le surplus de production dans des batteries. Andreas Hutter, du CSEM, a parlé de l’importance croissante de la gestion énergétique à l’avenir ainsi que du rôle que pourraient alors jouer les batteries des voitures électriques dès que les technologies V2G (vehicle to grid) ou V2H (vehicle to home) seront développées à large échelle.

Le stockage à long terme, qui consiste à stocker la surproduction estivale pour l’utiliser en hiver, est plus délicat. Rehausser les barrages est essentiel, mais cela ne suffira pas. Il faudra aussi, par exemple, utiliser une partie de la surproduction photovoltaïque pour produire des carburants synthétiques. De plus, il sera aussi nécessaire de continuer à importer de l’électricité en hiver: pour ce faire, comme l’ont rappelé lors de la table ronde Frank Rutschmann et le directeur de l’AES, Michael Frank, nous aurons absolument besoin d’accords sur l’énergie avec l’Europe. Un fonctionnement en îlot est à éviter pour de nombreuses raisons.

Pour finir, il reste un point qui n’est souvent peu ou pas évoqué: le réseau électrique… Comme l’a souligné Maurice Dierick, Head of Market chez Swissgrid, lui aussi devra être considéré et adapté de manière à permettre la rapide expansion du photovoltaïque à des endroits qui ne bénéficient pas toujours d’une capacité de réseau suffisante. Or, bien qu’essentiel, il reste souvent le grand oublié dans les débats alors qu’il est primordial de penser dès à présent à son développement.

La thématique du PV est vaste et ces quelques lignes ne suffisent pas pour en faire le tour. Le Congrès photovoltaïque a proposé un bouquet d’exposés passionnants qui ont offert un aperçu actuel de ses multiples facettes. Il s’agit aussi d’un domaine qui évolue vite. La prochaine édition du Congrès photovoltaïque permettra d’en apprendre encore plus les 21 et 22 mars 2024, à Lausanne.

 

Auteure
Dr. Cynthia Hengsberger

est rédactrice du Bulletin Electrosuisse.

  • Electrosuisse,
    8320 Fehraltorf

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