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Les essentiels du Change Management

Gérer le changement

20.03.2018

Les organisations ne changent pas. Ce sont les individus qui changent. Le changement ne se décrète pas par un nouvel organigramme, une nouvelle stratégie digitale ou l’acquisition d’une société. Ce n’est pas un évènement, mais un processus qui se déroule par étapes et à différents niveaux.

Dans un monde en pleine mutation, les facteurs qui déterminent les changements organisationnels sont à la fois internes et externes. Fluctuations rapides et grande volatilité font écho aux bouleversements liés aux phénomènes de digitalisation et d’ubérisation. Les organisations doivent s’adapter tout en maximisant la valeur ajoutée et en améliorant leurs performances.

Dès lors qu’on franchit les limites du connu, et donc de l’habitude, s’assurer de la participation de tous n’est pas chose facile. L’incertitude génère de l’anxiété et entraîne un cortège de résistances. Laissé sans réponse, le problème amplifie les risques et augmente les coûts. La résistance est souvent citée comme l’un des principaux obstacles à la bonne conduite des projets. Un message convaincant, qui met clairement en lumière les raisons pour lesquelles l’organisation doit changer, est un outil indispensable pour assurer la transition. Le storytelling fait partie intégrante de l’aventure.

Développer un message convaincant

Bien sûr, toutes les situations sont différentes. Il n’y a pas de recette standard pour qu’une organisation conserve son avantage compétitif dans un paysage économique en constante évolution. Mais quelles que soient les raisons du changement et la singularité des défis qui se posent, c’est-à-dire le «pourquoi», une stratégie communicationnelle de qualité est un élément clé de la transition.

Parce qu’ils ont déjà réalisé le cheminement intellectuel qui s’impose, les leaders tendent à ignorer cette première étape. Une erreur commune est de concentrer les efforts sur la conception et l’implémentation de la solution dès le départ. Il est en effet particulièrement tentant de consacrer un maximum de ressources au développement de la solution la plus aboutie. Malheureusement, surinvestir la partie «technique» mène souvent à l’échec ou produit des résultats qui ne parviennent pas à s’inscrire dans la durée. Quand la communication fait défaut, les collaborateurs n’ont pas le temps de s’approprier le changement. C’est précisément ici que le Change Management entre en jeu.

Choisir le bon canal

Si ce sont bien les managers seniors qui doivent diffuser la vision de l’organisation, il revient aux managers directs de cascader le message et d’encourager l’adhésion de tous. Le facteur de proximité est crucial pour transformer l’essai. Quand les collaborateurs ne sont pas convaincus de la nécessité de changer ou sont exposés à trop de changements à la fois, les résistances se font plus fortes et se cristallisent. Il s’agit là d’un défi majeur dans un contexte où la saturation du changement devient de plus en plus commune. Il est donc inquiétant de constater que les ressources humaines et budgétaires dévolues à l’effort de transformation sont souvent inadéquates. Ce sont les premières qu’on sacrifie lors des coupes budgétaires. Or, on ne peut attendre des agents de première ligne et des managers qu’ils réforment leur façon de travailler sans ligne directrice d’aucune sorte. Quand le facteur humain n’est pas conçu comme un élément essentiel de la gestion du changement, la productivité décline, l’absentéisme augmente et, en bout de chaîne, les clients en souffrent. D’une certaine manière, une partie de la mission CM, et non des moindres, consiste à encourager le dialogue avec chacun des collaborateurs. Autoriser les résonances entre les intérêts des collaborateurs et le projet de changement commence par permettre à tous de mieux comprendre ce que le changement signifie et apporte sur le plan personnel.

Avant tout une affaire de changement interne

Gérer le changement ne peut pas être l’affaire d’une armée de consultants, mobilisée pour l’occasion. Il s’agit bien au contraire d’opérer des changements en interne, de sensibiliser les équipes, d’acquérir et de déployer un éventail de compétences en CM à tous les niveaux de l’organisation. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Entre 80 et 100% des bénéfices et améliorations attendus dépendent de la façon dont les collaborateurs modifient leur façon de travailler. Le Change Management est précisément l’art d’accompagner le changement personne par personne. Si les collaborateurs doivent s’approprier le changement, les leaders doivent leur fournir les éléments nécessaires. Associé à une approche structurée de la composante humaine de la gestion du changement, un message persuasif répété de façon régulière au travers du canal idoine reste la meilleure façon d’accélérer la vitesse d’adoption et, in fine, de multiplier par 6 les chances de succès.

Les organisations ne changent pas

Ce sont les individus qui changent. Le changement ne se décrète pas par un nouvel organigramme, une nouvelle stratégie digitale ou l’acquisition d’une société. Il ne se produit pas non plus parce qu’on planifie son exécution. Le changement n’est pas un évènement. C’est un processus qui se déroule par étapes et à différents niveaux. En d’autres termes, il exige des actions spécifiquement adaptées aux groupes cibles impactés à un temps t (figure 1).

Soutenir les employés et collaborateurs de façon individuelle durant la transition est un élément fondamental de la transformation. Il ne faut jamais perdre de vue que chacun développe sa propre expérience du changement. Mis en place par notre partenaire Prosci, le modèle Adkar est le meilleur outil méthodologique du marché pour accompagner les individus en découpant le processus de transition en séquences auxquelles sont attachées des actions ciblées. Rendre les individus conscients de la nécessité de changer (Awareness) et éveiller le désir de changement - notamment en répondant aux enjeux individuels (Desire) -, sont les deux premiers blocs constitutifs de la transition individuelle. Fournir la connaissance (Knowledge) et développer les compétences nécessaires au sein des équipes de façon à implémenter le changement dans leur propre écosystème de clients et collaborateurs (Ability) permettent d’assurer une transition harmonieuse et un respect du calendrier. À la sortie du processus formel de transition, les activités de renforcement (Reinforcement), comme les moments de reconnaissance du travail fourni, la recherche de feedback et la mise en œuvre de plans correctifs, permettent de consolider les changements opérés sur le long terme.

Ne pas accompagner chaque personne dans sa transformation individuelle expose l’organisation à se retrouver, en bout de course, sans la masse critique (figure 2).

Le CM cherche à déterminer quels sont les groupes les plus impactés (groupes cibles), et ce, qu’ils appartiennent à une même équipe ou pas. Un accompagnement taillé sur mesure pour le groupe cible permet de limiter les conséquences en termes de résistances et de perte associée de productivité. Il est particulièrement important de bien cibler les groupes impactés dans les organisations saturées par des changements qui se superposent et se prolongent dans le temps.

Les niveaux Adkar de l’équipe ou du groupe impacté, ainsi que ceux de chaque individu, sont mesurés afin d’identifier le point de blocage et de déterminer l’action la plus adaptée.

Organisation

Le changement est un processus au niveau de l’organisation (préparer, mener et renforcer le changement) et c’est aussi une compétence indispensable à toute entreprise qui veut devenir agile. Dans le cas contraire, comment mènerait-elle ses prochaines transformations? C’est une méthodologie et un ensemble d’outils indispensables aux leaders chargés de mettre en place une batterie de changements substantiels. Outiller toute l’organisation signifie ancrer les compétences dans son ADN même, c’est-à-dire au sein même de sa structure, au cœur des rôles et des processus, dans les projets et dans la démarche commerciale pour faire changer les comportements des partenaires et des clients. Il s’agit donc de diffuser une culture du changement au sein de l’organisation et au-delà: sous-traitants, distributeurs, clients, etc. C’est la meilleure garantie pour rester dans la compétition et s’adapter dans un environnement en mutation rapide, ainsi que dans des contextes de plus en plus fréquents de saturation du changement.

Le changement, comme le projet en lui-même, est caractérisé par un début et une fin, par un état actuel et un état futur, attendu et spécifique. Entre les deux, c’est la transition, la phase de changement à proprement parler. Le premier état symbolise naturellement la situation actuelle et reflète le mode de fonctionnement privilégié jusqu’à présent. C’est ici que le changement se prépare et qu’on évalue le contexte, l’organisation et les caractéristiques du changement. C’est ici aussi qu’on prépare l’équipe CM et qu’on cherche à former une coalition de sponsors ou promoteurs. Le second état conduit au cœur de la transition. Il s’agit de gérer et de mettre en œuvre le changement. C’est là que se façonnent les nouveaux modes de travail en permettant à chaque individu, cadre dirigeant, manager ou collaborateur de passer par son propre processus de changement. Le troisième état représente l’état futur, le temps des résultats, de l’évaluation globale et de la célébration. C’est la sortie du processus formel pour entrer dans la phase de consolidation des résultats, la phase de pérennisation. Les informaticiens parlent de la phase ‘run’ en sortie du projet.

De façon synthétique, à chaque état sont associés des activités, des ressources et des outils différents. Des jalons sont posés et intégrés au Project Management; des livrables intermédiaires sont exigés.

Préparer le changement

Dans un premier temps, la méthode CM cherche à développer une vue à 360 degrés du contexte de départ (situational awareness). Construire une stratégie CM exige tout d’abord d’évaluer la taille et la portée du changement, de même que le contexte organisationnel qui devra l’accueillir. Toutes les situations sont différentes. L’évaluation initiale doit mettre un accent particulier sur les groupes les plus potentiellement exposés à l’impact du changement (des employés aux clients eux-mêmes), ainsi que sur les futurs promoteurs du changement. Il faudra également décider des ressources à allouer à l’équipe CM et clarifier sa position par rapport à l’équipe projet et aux sponsors. On peut en effet associer les ressources du Change Management à celles du Project Management de plusieurs façons. Les configurations possibles vont du support externe à l’intégration complète: c’est le cas lorsque le CM fusionne avec l’équipe projet. Il n’y a pas de solution «universelle», mais il faut veiller à bien définir les rôles et responsabilités de chacun.

Gérer le changement

Il est maintenant l’heure de marier le CM au projet lui-même et d’implémenter le changement.

Communication: il est crucial de transmettre le message au bon moment et au travers du canal adéquat de façon à assurer la crédibilité du discours. Si les leaders et les managers seniors sont censés communiquer la vision, les managers de première ligne sont responsables du dialogue en face à face et de la bonne circulation de l’information (cascade).

Feuille de route des sponsors: le manque de mobilisation des sponsors au cours du processus est l’un des facteurs qui participent le plus à freiner le changement. S’accorder sur les données concrètes (lieu, timing, alignement sur les pairs) facilite la participation.

Training – Méthode Adkar pour le changement individuel: conduire le changement ne se réduit pas à implémenter une «solution». Un niveau d’adoption et d’utilisation trop faible n’est pas seulement une voie royale vers l’échec, c’est surtout un scénario extrêmement coûteux. Le Change Management devrait aider à réduire l’écart entre ce qui est attendu d’un individu et la connaissance/capacité dont il dispose pour s’adapter/faire usage du changement. Avant de fournir à ses équipes les outils dont elles ont besoin pour réformer leurs pratiques de travail (Knowledge et Ability), il faut s’assurer qu’elles sont bien conscientes de la nécessité de changer et convaincues du bien-fondé de ses plans (Desire).

Coaching: mener le changement signifie le répercuter dans toute l’organisation. Les managers jouent un rôle de liaison fondamental étant donné leurs liens avec les employés. Il est nécessaire de leur donner le temps de faire eux-mêmes l’expérience du changement, de façon à ce qu’ils puissent le réitérer de la manière la plus efficace possible. En d’autres termes, les managers doivent s’approprier le changement avant de pouvoir le cascader.

Management des résistances: si la résistance est une réaction naturelle et un facteur principal d’échec, il est primordial d’avoir une bonne connaissance de son audience (public). Les résistances peuvent émerger en début de projet ou plus tard dans son cycle. Quel que soit le cas, il est important de récompenser les premiers soutiens (early adopters) et de ne pas tomber dans le piège du surinvestissement en cherchant à faire rentrer les réfractaires dans le rang.

Renforcer le changement

Gérer la transition ne s’arrête pas à la dernière initiative du plan dont on vient ici de faire la synthèse. Les anciennes habitudes ne sont jamais très loin, les résistances refont surface, les résultats ne sont pas toujours satisfaisants. Consolider le changement est une étape cruciale qui implique de mener une analyse des écarts par rapport aux résultats attendus, d’obtenir des retours d’information sur les expériences, de mettre en œuvre des actions correctives et, enfin, de renforcer positivement les nouveaux comportements. Il ne faut surtout pas oublier de célébrer les réussites et les avancées! Ces activités sont essentielles pour que les changements apportés s’inscrivent dans la durée. Et c’est sans doute la partie la plus gratifiante du CM.

Auteur
Rémy Texier

est consultant en Change Management et coach en entreprise.

  • Nexum 
    1005 Lausanne

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