Interview Énergies renouvelables

L’éolien, contribution-clé à l’approvisionnement hivernal

Energie éolienne

06.04.2021

L’éolien a un rôle-clé à jouer dans la combinaison des énergies renouvelables pour couvrir les besoins de la Suisse en électricité de façon autonome et locale. Mais la lenteur des processus a mis à mal la patience d’Isabelle Chevalley. Ayant récemment décidé de quitter la vie politique suisse à l’automne prochain, la conseillère nationale s’est livrée au Bulletin.

Bulletin : Vous quittez la vie politique, pourquoi ?

Isabelle Chevalley : Une politicienne doit posséder deux vertus importantes la patience et la persévérance. Et je constate que ma patience s’amenuise face à la lenteur des processus. Si je prends l’exemple de l’éolien, qui me tient à cœur et compare notre situation avec le Sénégal, l’année passée 46 éoliennes ont été installées d’un coup, pendant qu’en Suisse on a installé 42 éoliennes en environ 20 ans.

Alors que certains n’ont pas d’électricité ou alors de l’électricité très chère, d’autres ne veulent pas d’éoliennes devant leurs fenêtres. On est un pays trop riche avec des problèmes de riches. Je suis certaine qu’avec la même énergie, je vais pouvoir faire 1000 fois plus pour l’environnement, pour des gens qui en ont 1000 fois plus besoin. Il y a une urgence climatique, j’ai choisi d’y consacrer la suite de ma vie de manière plus efficace.

Suisse Eole annonce pourtant une nouvelle année record pour l’éolien. Où est le problème ?

Une personne seule peut recourir contre un parc qui produit par exemple autant que ce que consomment tous les ménages lausannois. Sept projets éoliens sont actuellement en attente d’une décision du Tribunal fédéral… Et il n’est pas rare que les procédures s’étendent sur plus de 15 ans… c’est là que ma patience atteint ses limites. Les parlements cantonaux déclarent les uns après les autres l’urgence climatique et pendant ce temps, on discute de l’esthétique et du bruit d’une éolienne.

Pourtant la vague verte se renforce, est-ce aussi le cas pour l’éolien ?

Sur les 9 années passées, il y a eu 23 votations sur des projets concrets d’énergie éolienne. 19 de ces votes ont été favorables, ce qui montre bien le soutien de la population directement concernée à cette technologie.

Malheureusement, ces projets font presque toujours l’objet de recours jusqu’au Tribunal fédéral de la part d’une poignée d’associations de protection de l’environnement et de particuliers et ce, bien que leurs concitoyens aient accepté le projet en question ; C’est navrant qu’une minorité puisse imposer son point de vue à une majorité. Les opposants ne respectent pas des décisions prises démocratiquement.

Éoliennes gelées au Texas, cela pourrait-il arriver en Suisse ?

Le Texas a un climat bien différent de celui de la Suisse, avec des étés très chauds et des hivers généralement doux.

L’épisode inhabituel de grand froid qu’ils ont connu mi-février a vu exploser la demande alors que toutes leurs technologies productrices d’électricité souffraient. Dans l’ordre d’importance : centrales à gaz, à charbon, nucléaires et éoliennes. Et si les éoliennes texanes ne sont pas aménagées pour les grands froids, en Suisse, elles sont équipées pour y faire face.

Le développement massif actuel de l’énergie éolienne dans les pays scandinaves démontre leur efficacité même en conditions de froids extrêmes.

Toujours convaincue que l’éolien est une des meilleures solutions en hiver ?

Évidemment ! Les deux tiers de la production électrique éolienne suisse sont générés en hiver. C’est à cette période-là que nous utilisons le plus d’énergie pour le chauffage et pour l’éclairage.

Quant aux centrales solaires et hydroélectriques, elles sont particulièrement productives du printemps à l’automne. En combinant les énergies renouvelables, nous pouvons couvrir nos besoins en électricité de façon autonome et locale, avec très peu de CO2.

Avec l’arrêt des grandes centrales en Europe, tous nos voisins auront besoin de plus d’énergie hivernale et n’auront alors plus d’excédents à nous livrer pour l’hiver. L’Allemagne aura arrêté toutes ses centrales nucléaires d’ici fin 2022 et ses centrales à charbon d’ici 2038. Nous aurons alors besoin d’énergie suisse hivernale !

La sécurité énergétique du pays va de paire avec la combinaison de toutes les énergies renouvelables.

Et si on pense à la Stratégie énergétique 2050, quo vadis pour l’éolien ?

La stratégie énergétique fait juste sur le fond, mais elle sous-estime le potentiel de l’énergie éolienne et les risques du déficit hivernal. Elle doit également accélérer fortement le tempo.

Le « Plan éolien pour le climat » démontre qu’environ 1000 éoliennes d’une puissance totale de 4,5 GW comblent l’essentiel de ce déficit hivernal et évitent des investissements massifs dans des systèmes de stockage saisonnier. Les Atlas des vents suisse et européen l’attestent : un objectif de 9 TWh d’énergie éolienne pour la Suisse en 2050 est réaliste, et indispensable.

En tant que libérale, cette stratégie en vaut-elle la peine économiquement ?

La Suisse dépense près d’un milliard de francs par mois pour l’importation d’énergies fossiles. C’est insensé !

En faisant fonctionner les véhicules et les systèmes de chauffage avec de l’électricité provenant d’énergies renouvelables locales, cet argent restera chez nous. Et contrairement à l’électricité produite à l’étranger, l’électricité éolienne et solaire générée en Suisse est directement injectée dans notre réseau et nous appartient vraiment.

Cette indépendance énergétique est une assurance finalement très bon marché pour les risques futurs de notre économie !

Auteure
Valérie Bourdin

est rédactrice AES.

  • AES,
    1003 Lausanne

En quelques mots

La Vaudoise Isabelle Chevalley a grandi à Saint-Georges. Docteure en chimie, elle participe en 2010 à la fondation du Parti vert’libéral de son canton. Elle est élue au Conseil national en 2011 et s’engage pour l’éolien en tant que présidente de Suisse Éole.

À côté de ses engagements politiques et associatifs, elle est également l’auteure de publications dont « L’éolien, entre mythes et réalité ».

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