«L’efficacité énergétique, c’est notre domaine»
Le profil professionnel du ramoneur évolue avec la mise en œuvre de la SE 2050.
Conseiller/ère en énergie et en efficacité énergétique avec diplôme fédéral | Les ramoneurs effectuent probablement le seul «travail au noir légal» qui existe dans notre pays. La mise en œuvre de la Stratégie énergétique 2050 modifie toutefois radicalement leur profil professionnel. Quatre spécialistes du métier expliquent comment ils font face à ces changements.
Bulletin: Walter Tanner, vous êtes maître ramoneur et à la tête de votre propre entreprise de ramonage. Et pourtant, vous suivez actuellement une formation de conseiller/ère en énergie et en efficacité énergétique. Pourquoi?
Walter Tanner: Mon travail représente tout pour moi, c’est le métier de mes rêves. Or notre profession évolue avec la Stratégie énergétique 2050 et la transition énergétique, d’où la nécessité pour nous tous de nous réorienter. D’une durée de deux ans, la formation de conseiller/ère en énergie et en efficacité énergétique constitue la solution idéale pour y parvenir.
Vous pensez que les cheminées risquent de disparaître car les chauffages au mazout et au gaz sont progressivement supplantés par les pompes à chaleur?
Walter Tanner: On observe effectivement une baisse du nombre de chauffages utilisant des énergies fossiles. Certains domaines, tels que le chauffage au bois, devraient cependant subsister – et l’on continuera à faire appel à nos services pour ramoner les cheminées concernées. En outre, les ramoneurs se chargent aujourd’hui de plus en plus du nettoyage des systèmes de ventilation.
Kurt Fischer: J’aimerais rebondir sur ce qui vient d’être dit. Le bois, qui fait d’ailleurs partie des ressources renouvelables, ne disparaîtra pas. Après tout, c’est bien plus qu’une simple source d’énergie. Pensez au crépitement de la cheminée en hiver, et au verre de vin chaud que vous dégustez au coin du feu. Le bois suscite beaucoup d’émotions. Les nouvelles technologies à condensation permettent en outre de récupérer les résidus de manière optimale. Les chauffages au bois peuvent toujours s’avérer pertinents dans certains cas. Chaque maison est unique. C’est pourquoi les conseils dispensés aux clients doivent eux aussi être personnalisés.
Michael Freudiger, comment vivez-vous ces contacts avec la clientèle?
Michael Freudiger: C’est l’un des principaux atouts de mon métier. Je connais un grand nombre de personnes depuis des années, par exemple celles qui habitent des maisons individuelles. S’il n’existe pas de monopole dans le canton d’Obwald – les gens sont libres de choisir leur prestataire –, on se rend compte que les clients demeurent fidèles à «leur» ramoneur. Nous jouissons de leur confiance.
Charly Feuz: Je peux le confirmer. Les clients nous posent toutes sortes de questions. Outre le chauffage, l’isolation thermique de l’enveloppe de leur bâtiment est un sujet qui les préoccupent. Les clients perçoivent de surcroît la transformation du système énergétique, ils s’intéressent aux alternatives possibles au chauffage au mazout et au gaz, ainsi qu’à l’énergie solaire. Il faut dire que l’efficacité énergétique permet aussi à une famille de réduire considérablement ses coûts.
Kurt Fischer, vos collègues décrivent d’ores et déjà le ramoneur comme un conseiller en énergie et en efficacité énergétique, et ce même sans avoir suivi la formation ad hoc...
Kurt Fischer: Oui, nous sommes des experts en efficacité énergétique. Nos nettoyages, nos réglages et nos conseils permettent d’économiser du combustible. Or notre domaine d’activité devient de plus en plus complexe. Nous examinons non seulement l’enveloppe d’une maison, mais aussi son infrastructure. Dans les bâtiments industriels, nous devons être capables d’évaluer des stations de transformation. Et si des clients privés souhaitent rénover leur maison de manière économique, nous devons être au fait des flux énergétiques et des ponts thermiques.
Michael Freudiger: Nous aimerions pouvoir apporter aux clients des réponses plus détaillées. La formation de conseiller/ère en énergie et en efficacité énergétique nous permet de gagner en compétence sur le plan professionnel. Peut-être que plus tard, je prodiguerai également des conseils en la matière de manière indépendante, à l’instar de mes collègues chefs d’entreprise.
Comment est née la collaboration entre l’Association Suisse des Maîtres Ramoneurs (ASMR) et l’AES?
Charly Feuz: Stephan Gisi, secrétaire général de l’ASMR, et Michael Frank, Directeur de l’AES, se sont contactés. Plusieurs ramoneurs s’étaient en effet inscrits au cours proposé de conseiller/ère en énergie et en efficacité énergétique.
Kurt Fischer: Ce qui bien sûr relève d’abord du hasard aux yeux du profane était une étape logique pour nous. J’y vois l’aspect fondamental suivant: nous ne devons pas redéfinir le métier de ramoneur. Nous devons simplement croire ce dernier capable d’accomplir une foule d’autres activités.
Pour autant, il est peu probable que les ramoneurs enchaîneront tous sur une formation de conseiller/ère en énergie et en efficacité énergétique une fois leur diplôme en poche...
Walter Tanner: Non, je ne pense pas non plus que cette formation convienne à tout le monde. La plupart de mes collègues pointent à juste titre la difficulté de suivre un cursus de deux ans avec des cours le vendredi et le samedi. Cela requiert une bonne dose de motivation et exige de ne pas perdre de vue son objectif. Pour ma part, les clients me confortent dans mon choix. Certains m’ont déjà invité à passer chez eux une fois ma formation achevée. Comme nous l’avons dit, le conseil énergétique compétent a le vent en poupe.
Pouvez-vous citer des domaines concrets où la formation de conseiller/ère en énergie et en efficacité énergétique vous a déjà été utile? Ou des projets que vous entendez mettre à exécution?
Michael Freudiger: Dans la sphère privée, j’ai déjà réduit la consommation en veille de mes appareils. Qu’il s’agisse d’une imprimante, d’un téléviseur, d’une console de jeux ou d’une chaîne stéréo: tous ces équipements peuvent être connectés à une multiprise permettant de les éteindre simultanément lorsqu’on ne s’en sert pas.
Kurt Fischer: Il existe différentes mesures faciles à mettre en œuvre sans frais de personnel supplémentaires, en particulier en matière de gestion de l’efficacité. Ainsi, nous branchons désormais systématiquement notre chargeur de batterie durant les heures creuses. Et dans le domaine de l’enveloppe du bâtiment, il est possible d’économiser beaucoup d’énergie grâce à une isolation ingénieuse.
Walter Tanner: Le Modèle de prescriptions énergétiques des cantons (MoPEC) 2014 constitue certainement un bon exemple. Il comporte une intervention massive au niveau des installations thermiques. Certaines maisons peuvent être rénovées moyennant des mesures modestes.
Charly Feuz: J’estime que différents endroits recèlent un potentiel de marché important du fait de la proximité avec les clients. Les cantons, les communes et les villes se conforment à la législation sur l’énergie et entendent la mettre en œuvre. Les particuliers doivent toutefois pouvoir compter sur un interlocuteur privilégié, car le sujet est extrêmement vaste. Ce n’est pas en interdisant que nous atteindrons les objectifs ambitieux en matière de réduction des émissions de CO2, mais plutôt en réalisant un mix énergétique optimal.
Quels conseils et informations donneriez-vous à d’autres ramoneurs potentiellement intéressés par le cours de conseiller/ère en énergie et en efficacité énergétique?
Charly Feuz: Ce cursus couvrant un large éventail de thèmes est peu coûteux et permet de former des généralistes compétents dans le domaine du conseil en énergie et en efficacité énergétique. Les personnes auxquelles le temps ou la motivation fait défaut peuvent quand même se perfectionner et suivre par exemple une formation d’expert/e CECB, CECB désignant le certificat énergétique cantonal des bâtiments. Elles pourraient ainsi découvrir l’univers passionnant du conseil en énergie.
Kurt Fischer: Le cours de conseiller/ère en énergie et en efficacité énergétique offre aux ramoneurs d’excellentes perspectives en dehors du ramonage. L’administration et le management complètent ce métier physique.
Walter Tanner: Grâce au conseil en énergie et en efficacité énergétique, les ramoneurs peuvent servir de trait d’union entre les universitaires et les acteurs de terrain. Les universitaires fixent les objectifs de la SE 2050, tandis que nous sommes les interlocuteurs directs en qui le client a confiance.
Michael Freudiger: La formation nous permet d’acquérir le bagage nécessaire pour soumettre aux clients des propositions de produits personnalisées sur place. On évite ainsi les problèmes d’approche – et on ne propose pas aux clients la première solution, mais celle qui leur convient le mieux. En fonction de la maison et de l’isolation, un chauffage à pellets peut par exemple s’avérer plus judicieux qu’une pompe à chaleur. Ce qui nous ramène au bois, le combustible qui a alimenté les toutes premières cheminées.
Les personnes en bref
Walter Tanner est gérant de la société Kaminfeger Tanner GmbH, à Kreuzlingen, et président de l’Association des maîtres ramoneurs de Thurgovie.
Kurt Fischer est à la tête de l’entreprise Chämifäger, à Rupperswil.
Michael Freudiger travaille comme ramoneur au sein de la société Kaminfeger-Plus GmbH, à Alpnach.
Charly Feuz dirige son entreprise de ramonage à Stechelberg et est membre du comité central de Ramoneur Suisse.
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