Interview Énergies renouvelables

Le Valais mise sur sa force hydraulique

Production hivernale

04.02.2021

Avec le potentiel de sa force hydraulique, le canton du Valais entend jouer son rôle dans la réalisation de la Stratégie énergétique 2050. C’est maintenant à la Confédération de fixer des lignes claires pour le futur. Le conseiller d’État Roberto Schmidt a volontiers répondu à nos questions.

Bulletin : Que signifie la transition énergétique pour le Valais ?

Roberto Schmidt : La transition énergétique est un enjeu majeur pour notre canton. Il s’agit à la fois de réduire sensiblement la consommation d’énergie, d’atteindre un approvisionnement cantonal 100 % renouvelable à l’horizon 2060 [1] et de contribuer notablement à l’approvisionnement de la Suisse en électricité renouvelable.

La diminution de la consommation d’énergie va se faire par la modification des comportements et l’amélioration de l’efficacité énergétique des bâtiments, des installations techniques et des véhicules.

Sur le plan de l’approvisionnement, le Valais est déjà aujourd’hui le plus grand producteur d’hydroélectricité en Suisse. La production moyenne annuelle est d’environ 10 TWh/a qui correspond à environ 30 % de la production suisse. En outre, le Valais dispose encore d’un grand potentiel inexploité en matière d’énergie solaire, qui devrait également être valorisé à l’avenir. Le Valais peut ainsi apporter une contribution significative aux objectifs énergétiques et climatiques de la Confédération.

Pourquoi cette étude et quelle est l’idée qui en ressort ?

Cette étude vise à apporter des éléments concrets dans la discussion au niveau de la Confédération sur la sécurité d’approvisionnement en électricité en hiver. Sortir du nucléaire et développer fortement l’usage de l’énergie solaire impliquera une forte saisonnalité de la production d’électricité avec un déficit en hiver. A l’avenir, il faudra pouvoir déplacer une partie de la production d’électricité estivale vers l’hiver. L’hydroélectricité est particulièrement bien appropriée pour atteindre cet objectif grâce à un rendement énergétique élevé. Il suffit de stocker plus d’eau coulant en été. Cela peut être réalisé par la construction de nouveaux barrages ou par le rehaussement de certains murs. En outre, le développement de nouvelles énergies renouvelables nécessitera une compensation accrue de la production intermittente d’électricité, et cette compensation reposera principalement sur l’hydroélectricité, vu sa flexibilité.
Et pour votre département ?

Avec cette étude, mon département vise à montrer que le Valais pourrait contribuer de manière significative à relever ce défi de la Confédération, car il dispose encore d’un important potentiel de production hivernale d’énergie hydraulique de plus de 2200 GWh/a. Ce potentiel résulte principalement du transfert de l’utilisation de l’eau de l’été à l’hiver, ce qui nécessite toutefois une augmentation de la capacité de stockage d’environ 650 millions de m3, soit une fois et demie la capacité de stockage de la Grande-Dixence.

Êtes-vous optimiste concernant la mise en œuvre ?

Il ne s’agit pas d’exploiter à l’avenir tous les sites à potentiel de production hivernale identifiés dans l’étude, mais nous voulons que les projets de développement, d’extension ou d’optimisation de la force hydraulique en Valais contribuent à la mise en œuvre de la stratégie énergétique de la Confédération et du Canton et qu’ils soient réalisés en conséquence. En outre, les futurs projets devraient être mis en œuvre dans un contexte suprarégional, avec la participation de tous les acteurs concernés et afin de pouvoir utiliser les synergies. Cela inclut également l’utilisation multifonctionnelle des aménagements hydrauliques pour l’approvisionnement en eau potable, en eau d’irrigation et pour la protection contre les crues. Le canton est désireux de travailler dans cette direction et les prochains retours de concession permettront au Valais de travailler plus facilement dans ce sens.

Avec 80 % du potentiel identifié en zones protégées, comment faire ?

Les futurs projets dans le canton doivent être envisagés dans un contexte suprarégional, notamment pour pouvoir tenir compte des intérêts environnementaux, en fonction d’objectifs clairs. En ce sens, l’étude est un premier pas permettant de réfléchir globalement à une planification de la protection et de l’utilisation des ressources. Nous considérons donc la coopération avec les ONG comme une évidence et sommes convaincus que nous serons en mesure d’amener à maturité une partie des projets identifiés par leurs apports bénéfiques pour de nombreux intérêts.

Une étude sur le potentiel de la force éolienne est-elle aussi envisagée ?

Le Valais disposait déjà d’un Concept pour l’énergie éolienne depuis 2008. La fiche de coordination « Installations éoliennes » du plan directeur cantonal comprend déjà 4 sites en état de coordination réglée et 4 sites en état de coordination en cours. Avec les sept éoliennes déjà en service, la production totale serait de l’ordre de 180 GWh/a.

La Conception énergie éolienne de la Confédération publiée le 25 septembre 2020 communique un cadre d’orientation pour la contribution des cantons en ce qui concerne la production d’énergie éolienne d’ici 2050. Pour le Valais, une fourchette de 130 à 400 GWh/a est indiquée.

Qu’est-ce que cela signifie pour le Valais ?

Dans le cadre de la stratégie énergétique cantonale publiée en avril 2019, l’objectif pour la production éolienne est de 310 GWh/a en 2035.

On constate donc que le canton a bien l’ambition de contribuer aux objectifs fédéraux. Le sort de l’énergie éolienne dépend cependant d’un niveau d’acceptation plus élevé de la part de la population et de la constitution d’une jurisprudence permettant d’accélérer les procédures judiciaires.

Que répondez-vous aux détracteurs de la force hydraulique ?

Vous trouverez également des détracteurs de l’éolien, du photovoltaïque, de la biomasse, et j’en passe… Mais force est de constater que les aménagements hydrauliques vont revêtir de plus en plus d’avantages au cours de ce siècle, grâce à leur potentielle multifonctionnalité. Ils permettront d’éviter la création de nouveau réservoirs exclusivement destinés à l’eau d’irrigation ou à des infrastructures de protection contre les crues.

En outre, il va aujourd’hui de soi qu’il convient de doter les cours d’eau du débit nécessaire à une certaine biodiversité dans et autour des cours d’eau. Bien sûr que de potentiels nouveaux barrages marqueraient le paysage en fermant un vallon. Mais, en même temps, combien de personnes apprécient à la fois le nouveau paysage formé par un lac artificiel et se promènent le long des berges ?

Il faut aussi considérer que le réchauffement climatique va mettre à mal la biodiversité. Le bon usage de la force hydraulique permet de contribuer au ralentissement du réchauffement.

Est-ce compatible avec les initiatives populaires biodiversité et paysage ?

La lutte contre le réchauffement climatique passe par la valorisation des ressources indigènes et renouvelables. Par nature, les ressources énergétiques renouvelables sont disséminées sur le territoire. Ainsi, il est impossible de lutter contre le réchauffement climatique sans disposer d’infrastructures énergétiques dans le paysage qu’il soit urbain ou naturel.

Ou alors, on décide de laisser les autres pays du globe occuper leur territoire avec des éoliennes, des installations solaires et des aménagements hydroélectriques pour préserver notre paysage. Je suis de ceux qui pensent que nous devons plus assumer les conséquences de notre mode de vie et accepter les infrastructures énergétiques nécessaires pour assurer notre approvisionnement, tout en limitant au maximum les besoins d’énergie.

Quelles sont donc vos attentes pour la suite ?

La Confédération a besoin de l’hydro­électricité pour la réalisation de sa Stratégie énergétique 2050. Nous avons montré avec « l’Etude de base sur le potentiel de la Force Hydraulique en Valais » que le Valais pourrait apporter une contribution significative à la mise en œuvre de la Stratégie énergétique, bien qu’il y ait des conflits avec les intérêts de protection. Une pesée des intérêts est nécessaire.

Lors d’une table ronde sur la force hydraulique, le 18 août dernier, Madame la Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a parlé un langage clair : « La question n’est pas de savoir si nous voulons ou non développer l’hydroélectricité, mais comment nous pouvons réaliser cette expansion avec le moins d’impacts négatifs possible sur l’environnement et les paysages. » Au niveau de la Confédération, il faut maintenant donner des lignes claires en matière de conditions-cadre pour que l’hydroélectricité et les autres énergies renouvelables puissent jouer leur rôle de pilier de la Stratégie énergétique 2050.

Référence

[1]   « Le Valais, Terre d’énergies : Ensemble vers un approvisionnement 100 % renouvelable et indigène. Vision 2060 et objectifs 2035 », Canton du Valais, 2019.

Auteure
Valérie Bourdin

est rédactrice AES.

  • AES,
    1003 Lausanne

Biographie

Roberto Schmidt est le chef du Département des finances et de l’énergie du canton du Valais. Membre du Parti chrétien-social du Haut-Valais (CSPO), il a été élu au Conseil d’État le 19 mars 2017.

www.vs.ch

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