Le réseau stratégique 2025
Première planification intégrale du réseau de transport suisse
Afin de pouvoir continuer à garantir le transport de l’électricité à l’avenir, Swissgrid a réalisé l’année dernière une planification de son réseau pour l’an 2025 (et 2035). Pour ce faire, des simulations de marché et de réseau prenant en compte l’ensemble du réseau de l’Europe conti-nentale ont été effectuées sur la base de deux scénarios centraux et de deux scénarios marginaux. Divers projets de renforcement ont été évalués grâce à une analyse coûts/bénéfices dont les résultats ont été exploités pour la définition du réseau stratégique 2025.
Swissgrid, qui possède et gère le réseau suisse de transport, a mené à bien en 2015 une planification de son réseau pour l’an 2025 (et 2035), le transfert des actifs à son égard lui permettant pour la première fois d’effectuer une planification intégrale du réseau suisse. Celle-ci a plusieurs objectifs : premièrement, éliminer les congestions actuelles situées notamment sur le plateau suisse en cas de forte importation de la Suisse et dans les Alpes en cas de forte exportation de la Suisse. Ensuite, il s’agit de pouvoir répondre aux défis posés par la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération qui a notamment pour but l’abandon de la production nucléaire en Suisse et le fort développement des énergies renouvelables. Finalement, Swissgrid, en tant que membre de l’Entso-E (association faîtière des gestionnaires des réseaux de transport européens), se doit d’intégrer la planification nationale dans la planification européenne (Ten Year Network Development Plan ou TYNDP), tout en en assurant la compatibilité.
Dans cette planification, les études de marché et les études de réseau ont été étroitement coordonnées. Les projets résultants ont été évalués par le biais d’une analyse coûts/bénéfices permettant ainsi à Swissgrid de définir finalement le réseau stratégique 2025 grâce auquel l’approvisionnement de la consommation, l’évacuation de la production et le transport transfrontalier pourront continuer à être garantis à l’avenir.
Scénarios
Pour les années 2025 et 2035, la planification repose sur deux scénarios centraux (figure 1) :
- On track : mise en œuvre totale de la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération (c’est-à-dire abandon de la production nucléaire jusqu’en 2035 et augmentation de la production renouvelable) ;
- Slow progress : mise en œuvre partielle de la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération.
Pour l’année 2035, les deux scénarios centraux susmentionnés sont encadrés par deux scénarios marginaux :
- Sun : très forte extension de la production renouvelable, en particulier du photovoltaïque (ce scénario a été élaboré en collaboration avec l’Alliance-Environnement) ;
- Stagnancy : récession accompagnée d’un maintien des prix de l’énergie à leur niveau actuel et faible extension des énergies renouvelables.
Il est important de noter que ces scénarios ne doivent pas être interprétés comme des prévisions, mais plutôt comme un cadre dans lequel les développements possibles peuvent avoir lieu.
Simulation de marché
La simulation de marché fournit, pour chaque heure de l’année et pour chaque zone, la production par type de centrales et la consommation en utilisant un outil de simulation de marché. Ainsi, cette simulation utilise un modèle zonal, c’est-à-dire que pour le réseau de l’Europe continentale, chaque pays ou partie de pays est représenté par une zone.
Les grandeurs d’entrée de la simulation de marché sont :
- le parc de production installée dans chaque zone (qui varie parfois en fonction des scénarios) ;
- les prix des combustibles ;
- les capacités d’échange entre chaque zone (échange commercial maximal qui ne conduit pas à des congestions).
À noter que, dans la simulation de marché comme dans la simulation de réseau, d’une part, toutes les heures de l’année analysée (2025 et 2035) ont été calculées et non pas uniquement des points horaires représentatifs (8736 heures par année) et, d’autre part, toute l’Europe continentale (du Portugal à la Pologne et des Pays-Bas à la Grèce) a été considérée.
La figure 2 présente pour la Suisse, pour le scénario Slow Progress et chaque semaine de l’année 2025, la consommation nationale (trait continu) et l’énergie produite par type de centrales ainsi que l’énergie de pompage (chiffres négatifs). Ces énergies hebdomadaires ont été obtenues en additionnant les énergies horaires pour chaque semaine. Il y apparaît clairement que la Suisse a tendance à importer en hiver (consommation plus grande que la production) et à exporter en été (production plus grande que la consommation).
Simulation de réseau
La simulation de réseau a pour but de vérifier que tous les scénarios soient réalisables et, le cas échéant, de renforcer le réseau avec la méthode Nova (Netzoptimierung, -verstärkung und –ausbau, optimisation, renforcement et extension du réseau).
Le principe de la simulation de réseau est illustré par la figure 3 et comprend notamment les points suivants.
Réseau initial 2015+
Ce réseau correspond au réseau de 2015 où ont été intégrés, d’une part, les raccordements de Nant de Drance et de Linth-Limmern et, d’autre part, un certain nombre de projets de sous-stations.
Mapping
À la différence de la simulation de marché qui utilise un modèle zonal, la simulation de réseau utilise un modèle nodal qui contient toutes les branches (lignes et transformateurs) et tous les nœuds du réseau de transport de l’Europe continentale et d’une bonne partie du réseau de distribution suisse (où les réseaux à très haute tension et à haute tension sont fortement dépendants). Ainsi, les résultats zonaux de la simulation de marché doivent être reportés sur chaque nœud par le biais d’une clef de répartition ; c’est ce que l’on appelle le mapping, qui fournit ainsi 8736 modèles de réseau par scénario.
Constitution du réseau avec la méthode Pint
Pour constituer le réseau, la méthode Pint (Put in one at the time, renforcement du réseau avec une mesure à la fois), un standard européen, est utilisée.
Il s’agit de déterminer si le réseau analysé (dans la première itération, le réseau 2015+) est capable de traiter les scénarios de demain en effectuant, toujours pour toutes les heures de l’année, un calcul de flux de puissance du modèle complet de l’Europe continentale avec une simulation des défaillances des branches suisses (n-1) ; on regarde alors s’il y a des congestions ou des problèmes de tension et de puissance réactive. Ces très nombreux calculs de flux de puissance sont effectués avec un outil dont la rapidité diminue le temps de simulation.
Comme le réseau 2015+ ne peut pas satisfaire aux scénarios de 2025 ou 2035, des mesures respectant le principe Nova assurant une optimisation économique et une réduction de l’impact visuel sont définies :
- La première consiste à optimiser le réseau (par exemple en augmentant la tension d’une ligne de 220 kV à 380 kV).
- Si cela ne suffit pas, le réseau est renforcé (par exemple en installant un second terne sur un support déjà existant).
- Si cela n’est toujours pas suffisant, en dernier recours, le réseau est étendu (par exemple en construisant une nouvelle ligne).
Les 8736 modèles adaptés sont analysés à leur tour.
Ce processus est répété aussi longtemps que des congestions qui ne peuvent pas être éliminées par des mesures bon marché (mesures topologiques, redispatch limité) demeurent.
Les graphiques tridimensionnels suivants montrent, pour le scénario Slow Progress 2025, la charge des branches du réseau de transport suisse. Pour cela, le nombre d’heures est représenté en fonction de la charge relative n–1 des branches et de la capacité des branches. Le trait rouge définit la charge relative limite de 100 % qui ne devrait pas être dépassée. La figure 4 met en évidence de nombreuses congestions signalées par un franchissement du trait rouge avec le réseau initial 2015+. En revanche, la figure 5 montre que, grâce au renforcement du réseau décrit ci-dessus, la plupart des congestions sont éliminées. Les congestions résiduelles concernent des branches à faible capacité et peuvent aisément être résolues soit par des mesures topologiques, soit par du redispatch limité.
Évaluation des projets
Une fois que le réseau a été constitué, les projets sont évalués à l’aide d’une analyse coûts/bénéfices (Cost Benefit Analysis, CBA) compatible avec la pratique préconisée par l’Entso-E. Cette analyse permet de comparer les bénéfices de tous les projets de manière transparente.
Les bénéfices d’un projet – soit techniques, soit économiques – sont les suivants :
- réduction des pertes du réseau ;
- robustesse (pertinence du projet dans tous les scénarios) ;
- flexibilité (non-dépendance d’un projet vis-à-vis des autres projets) ;
- contribution à la sécurité du réseau ;
- contribution à la sécurité d’approvisionnement ;
- augmentation des GTC (Grid Transfer Capabilities, capacités transfrontalières) ;
- bénéfice socio-économique (Socio-Economic Welfare, SEW) ;
- contribution à l’intégration des énergies renouvelables ;
- réduction des émissions de CO2 ;
- réduction des impacts environnementaux.
La juxtaposition des coûts et des bénéfices fournis par l’analyse coûts/bénéfices constitue en quelque sorte une « carte de visite » d’un projet.
Réseau stratégique 2025
La figure 6 présente le réseau stratégique 2025. Ce réseau comprend avant tout neuf projets (numérotés de 1 à 9) ainsi que quatre projets provenant des gestionnaires de réseau de distribution (numérotés de J1 à J4). Ces projets constituent :
- une « barre de production » alpine allant de Chamoson (VS) à Lavorgo (TI) (projets 1 et 4) ;
- un meilleur raccordement entre les centrales de pompage/turbinage alpines et le plateau suisse (projets 2 et 9) ;
- un meilleur raccordement entre le plateau suisse et les frontières avec la France, l’Allemagne et l’Autriche (projets 3, 5, 6 et 8) ;
- un meilleur raccordement des réseaux de distribution (projets J1, J2, J3 et J4).
Par ailleurs, trois projets « Projects of common interest » (EU1, EU2 et EU3) sont en discussion avec nos partenaires européens. À noter enfin que le réseau stratégique 2025 ne prévoit pas de kilomètres de lignes supplémentaires en comparaison avec le réseau d’aujourd’hui.
Conclusion
Le réseau stratégique 2025 est le résultat d’un grand travail de planification transparente et non discriminatoire effectué par Swissgrid en 2015. À cette fin, des outils modernes et rapides de simulation de marché et de simulation de réseau ont été utilisés.
La réalisation du réseau stratégique 2025 devrait permettre à Swissgrid d’assurer le transport de l’électricité à l’avenir, garantissant ainsi l’approvisionnement de la consommation, l’évacuation de la production et le transport transfrontalier.
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