Laisser circuler les données
Numérisation dans la production
Le développement génère des données relatives au produit par la suite utilisées dans d’autres services. Avec des outils adaptés, ces données peuvent circuler librement, améliorant ainsi la qualité et la productivité.
Les entreprises qui conçoivent et fabriquent des produits physiques sont tributaires des données qui y sont liées. Certes, il existe des dispositions légales sur la gestion de ces données, mais aucune sur la manière de les utiliser efficacement. Il n’est pas rare que dans divers services, tels que le développement, l’assistance ou la distribution, les solutions informatiques utilisées ne puissent pas obtenir directement les données nécessaires, pourtant disponibles auprès d’autres départements. De telles solutions isolées nécessitent un transfert manuel de données spécifiques, inefficace et sujet aux erreurs. Ces solutions ont par contre souvent l’avantage de permettre un accès plus ciblé aux données collectées selon les utilisateurs concernés – les optimisations correspondantes sont donc plus simples à réaliser au sein d’un département que dans des groupes s’étendant à d’autres services.
Depuis un certain temps, il existe des logiciels qui comblent ces lacunes. Intelliact, une entreprise spin-off de l’ETH de Zurich, se penche sur la spécification ainsi que sur l’implémentation de telles solutions. Selon son directeur Patrick Henseler, ces solutions nécessitent cependant certaines conditions fondamentales pour pouvoir maîtriser la transformation numérique avec succès.
La base doit être appropriée
Avant de pouvoir aborder la représentation numérique des flux de données, la base de données, c’est-à-dire les données de référence, doit être appropriée. Les flux de données ne peuvent être automatisés que si les données relatives aux produits sont bien décrites et structurées. Il est aussi important que les connaissances spécifiques aux produits, souvent uniquement conservées dans la tête des développeurs et des employés de la production, soient explicitement consignées et intégrées dans la structure des données. «L’ordre doit d’abord régner avant de pouvoir implémenter de telles solutions», prévient Patrick Henseler. Pour ce faire, les services doivent s’accorder pour définir quelles données seront utilisées et à quel dessein. Ce travail initial peut être très exigeant, car il requiert un dialogue ouvert entre les personnes concernées. De telles discussions peuvent aussi soulever des problèmes dont personne n’avait encore conscience. Ces derniers peuvent faire changer la direction de certains projets d’optimisation.
La systématisation de la base de données devrait être établie étape par étape. En changeant trop de choses simultanément, par exemple en combinant le remplacement d’un logiciel de CAO 2D par une version 3D avec d’autres changements importants au sein de la base de données, comme par exemple l’introduction d’une nouvelle solution ERP (Enterprise-Resource-Planning), les projets peuvent échouer ou durer très longtemps, faute d’une base suffisamment stable. Les changements technologiques ont besoin de temps pour mûrir. L’optimisation des données est un processus continuel, jamais complètement achevé. Ce processus devrait être ancré le plus haut possible dans la hiérarchie de l’entreprise, afin qu’une personne mène la discussion et s’occupe de la communication entre les différents services. Il est préférable d’éviter que chaque service optimise ses propres données sans tenir compte des exigences des autres services. Pour Patrick Henseler, une chose est sûre: «Si certaines choses étaient réalisées différemment, à partir d’une perspective globale, le transfert des données entre les services fonctionnerait souvent mieux.» Si le Chief Information Officer est membre du comité de direction, le thème croît en importance et la probabilité de mener à bien de tels projets augmente. Il vaut vraiment la peine d’accorder une importance appropriée à ce travail, car les changements de la base d’une entreprise marquent profondément cette dernière.
Les petites et moyennes entreprises ont un avantage de taille dans ce domaine, car elles sont plus flexibles et peuvent réaliser plus facilement de telles transformations. Dans les plus grandes entreprises, de tels projets impliquent souvent de nombreux intervenants. Obtenir la transparence nécessaire et trouver un terrain d’entente est un travail de longue haleine. Les entreprises qui se posent continuellement des questions en matière d’optimisation des données ont déjà un grand avantage, et ce, avant même qu’elles s’intéressent à l’automatisation. Elles peuvent bénéficier beaucoup plus rapidement de la numérisation, car les données sont déjà disponibles sous une forme structurée.
Illustration de processus
La prise en charge des processus de l’entreprise est le point de départ de l’optimisation des données. Pour faciliter le travail, il faut dans un premier temps formuler des règles à propos des procédés actuels, puis déterminer les données qui devront être disponibles automatiquement. Il peut être très utile d’illustrer clairement l’intégralité de ces processus. Selon Patrick Henseler, il y a des projets qui ont pu être amortis lors de leur mise en œuvre, car l’automatisation a nettement réduit la durée des processus tout en augmentant la qualité, ce qui a permis d’atteindre une plus grande efficacité.
Utilisation interne des données
En ce qui concerne les données internes, la simplicité d’accès est prioritaire. Si les données mises à disposition ont été préparées en fonction de leur rôle, la productivité est augmentée de manière durable. Aujourd’hui, il est souvent nécessaire d’utiliser plusieurs systèmes en parallèle pour exécuter une tâche. Un temps précieux peut être économisé en proposant aux utilisateurs en tout point des données indépendantes de la plateforme utilisée, et ce, conformément aux exigences spécifiques à leur rôle, c’est-à-dire des données utilisables aussi intuitivement que possible. Un exemple: quand un développeur doit décider si une pièce doit être modifiée, il doit savoir combien de pièces sont encore entreposées sur les différents sites. Aujourd’hui, de telles informations peuvent être mises simplement à disposition de l’utilisateur sans que ce dernier doive recourir à plusieurs systèmes.
Un exemple de l’utilité de l’automatisation: dans une entreprise, le département développement est très éloigné de la production. Le travail est réalisé avec des cycles de mises à jour, répartis dans le temps. Auparavant, les schémas des produits avec les nouvelles informations étaient remis à la production pour ainsi dire sans commentaires. La production demandait alors au développement de mettre les nouveaux aspects en évidence pour ne pas avoir à prendre trop de temps pour comparer les schémas avec les versions précédentes. Cette fonction de comparaison peut désormais être automatisée. Intelliact a intégré une fonction supplémentaire dans le système Enterprise-Resource-Planning (ERP) qui, lors du téléchargement des schémas, illustre graphiquement les changements par rapport à la version précédente. Cette fonction est devenue productive en quelques semaines et a beaucoup apporté aux collaborateurs. En outre, il n’est plus nécessaire de définir les changements sous forme de texte, un travail souvent laborieux. De plus, lorsque l’entreprise est active au niveau international, l’anglais est requis, ce qui nécessite des compétences linguistiques. Ce faisant, l’illustration graphique est non seulement plus compréhensible, mais également plus simple à automatiser.
Communiquer avec le monde extérieur
Un projet du groupe Vetropack, spécialisé depuis 107 ans dans les emballages en verre, montre les avantages de la transmission automatisée des données lors de la communication externe. Sur son site web, de même que dans ses catalogues électroniques utilisés par de nombreux clients (katalog.vetropack.com), la gamme de bouteilles en verre standard et de verres de conservation est présentée avec toutes les informations techniques, comme la capacité et la hauteur de remplissage, la hauteur de la bouteille, son diamètre et son poids net. Autrefois, le site web était équipé d’un système de gestion des données séparé de l’ERP (SAP). Lorsqu’une nouvelle bouteille sortait du service développement, les données devaient toujours être intégrées dans le système ERP, puis ajoutées manuellement dans l’outil gérant le catalogue en ligne. Cette méthode a parfois provoqué des sets de données divergents. L’idée de réunir ces pools de données est alors apparue. Intelliact a, sur le plan technique, aidé à extraire ces données du système ERP et à les intégrer au catalogue. Aujourd’hui, quelques minutes après leur saisie dans l’ERP, les détails concernant le produit sont automatiquement et correctement disponibles en ligne.
Boucler la boucle
Le thème Internet des objets recèle un potentiel considérable, et ce, également en ce qui concerne les données relatives aux produits. L’IoT permet par exemple de louer les produits au lieu de les vendre. Pour trouver un bon modèle tarifaire, il faut connaître comment fonctionne le produit et comment il est utilisé. Souvent, les entreprises ne savent pas ce qui doit être pris en considération. Une facturation à l’heure est-elle plus judicieuse qu’une facturation à la production? L’IoT aide l’entreprise à comprendre comment ses produits sont utilisés dans la réalité. Ce savoir déterminé de manière empirique peut ensuite être pris en considération dans le développement afin de modifier les produits et de les adapter encore mieux aux besoins du marché. Ce retour de l’information et sa «condensation» comptent également parmi les compétences d’Intelliact. Cela n’est pas facile, car on développe un produit utilisé des milliers de fois dans divers lieux et qui, par conséquent, communique souvent. L’analyse de ces retours est centralisée afin de repérer les indices permettant d’identifier les composants à améliorer ou de déterminer comment le système global pourrait être optimisé. Pour ce faire, il faut savoir pour chaque endroit quels niveaux de développement et quelles données de révision ont été intégrés. Le traçage au-delà des structures est nécessaire. Cela permet d’exploiter de nouvelles possibilités comme la maintenance préventive, la surveillance ou le constat d’écarts indésirables. La combinaison, rendue possible grâce à l’IoT, des valeurs actuelles de mesure avec les versions du produit apporte une grande valeur ajoutée.
Selon Patrick Henseler, il existe toutefois des situations pour lesquelles de telles méthodes ne peuvent pas (encore) être utilisées. Cela dépend souvent de la culture d’entreprise. Outre une base de données solide, une certaine ouverture est nécessaire pour la réalisation de telles automatisations. Et on rencontre souvent dans des entreprises des situations dans lesquelles le potentiel d’optimisation ne se situe pas au premier abord dans le domaine de l’automatisation. Les entreprises doivent alors être prêtes à résoudre tous les problèmes en suspens, par exemple en ce qui concerne la communication entre les services. Un processus qui se déroule encore, pour l’instant, grâce à l’intelligence «naturelle», c’est-à-dire humaine, et donc sans logiciel.
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