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La technologie spatiale enfin à portée de toit

Un très haut rendement pour une énergie solaire plus compétitive

03.10.2018

Combiner la technologie photovoltaïque utilisée dans l’espace à un réseau de mini-lentilles concentrant le rayonnement solaire… Grâce à cette approche, la start-up Insolight parvient à doubler le rendement des panneaux, ce qui pourrait permettre de réduire significativement le coût de l’électricité photovoltaïque.

Au cours de la dernière décennie, le photovoltaïque s’est imposé comme l’une des principales sources d’énergie renouvelable dans le monde entier. Pourtant, de nombreux défis restent à relever pour rendre l’énergie solaire aussi compétitive que celle issue des sources fossiles ou du nucléaire. En effet, si le prix des modules a très fortement chuté ces dernières années sous la pression des fabricants chinois, ce n’est pas le seul paramètre qui influence le coût final de l’énergie produite. Dans la plupart des pays dits «développés», où la main d’œuvre est relativement chère, le coût des panneaux solaires ne représente que 20 à 30% du prix final de l’électricité produite. L’essentiel du capital investit réside dans l’installation elle-même, c’est-à-dire la demande de permis, les équipements électriques connexes (notamment les onduleurs, qu’il y en ait un ou plusieurs), ou encore la main d’œuvre qualifiée qui procède au montage. Dans certains cas de figure, et en particulier pour les petites installations résidentielles, même des panneaux fournis gratuitement ne permettraient pas d’atteindre la parité avec le coût de l’électricité du réseau sans l’existence de subventions qui viennent pallier ce manque de compétitivité économique. Ces subventions, qui varient fortement d’un pays à l’autre et sont de nature très volatiles, ne représentent cependant qu’une solution de court ou moyen terme.

Le problème fondamental du photovoltaïque demeure son rendement relativement faible. En effet, l’immense majorité des panneaux produits en 2018 «gaspille» encore plus de 80% de l’énergie solaire à disposition. Le rendement moyen des modules commerciaux se situe autour de 18%; or, à cette valeur crête sans réelle signification pratique, il faut encore retrancher 2 ou 3 points en conditions réelles. Ce ne sont donc guère plus de 15% du rayonnement solaire qui sont transformés en électricité, le reste étant dissipé sous forme de chaleur ou réfléchi. Si les meilleurs modules atteignent un rendement d’un peu plus de 20%, ce chiffre a très peu progressé au cours des dernières années, car il se heurte à des limites physiques intrinsèques à l’utilisation du silicium.

Si l’on veut rendre l’énergie solaire plus compétitive, il est donc nécessaire de considérer des approches alternatives, fondées sur des technologies innovantes, qui ont le potentiel d’augmenter le rendement du photovoltaïque de manière radicale.

Une nouvelle approche

La technologie développée par Insolight diffère de celle des modules conventionnels en au moins trois points fondamentaux.

Le premier concerne les cellules solaires utilisées: alors que les panneaux conventionnels sont composés de cellules en silicium, la start-up s’est inspirée de l’industrie spatiale et exploite des cellules à bien plus haut rendement, au-delà de 40%, telles que celles qui alimentent notamment certains satellites. En effet, alors que le silicium ne convertit qu’une portion limitée du spectre solaire, ces cellules très performantes, constituées d’un empilement de trois matériaux semi-conducteurs complémentaires, sont capables d’absorber une gamme spectrale bien plus large qui s’étend dans l’ultra-violet et l’infrarouge. Si ces cellules ne sont pas plus souvent utilisées dans le photovoltaïque conventionnel, ceci est uniquement dû à leur coût prohibitif, environ 200 fois plus élevé au mètre carré que celui des cellules à base de silicium!

C’est ici qu’intervient le deuxième composant fondamental du système Insolight: une couche optique constituée d’une multitude de mini-lentilles qui captent et concentrent le rayonnement solaire. Ces petites «loupes», au profil soigneusement optimisé, permettent de réduire drastiquement la surface de cellule nécessaire et donc le coût en matériau actif au mètre carré. En effet, toute l’énergie incidente parvenant à la surface supérieure d’une lentille se retrouve concentrée en son point focal. Par conséquent, il est possible de collecter l’intégralité de cette énergie sur une surface de cellule très réduite. Les panneaux comportent plusieurs milliers de lentilles au mètre carré, et autant de minuscules cellules solaires positionnées à leur distance focale, qui au total recouvrent moins de 1% de la surface d’un module (figure 1).

Enfin, étant donné le mouvement apparent du soleil dans le ciel au cours d’une journée, il est nécessaire de procéder à de légers ajustements de la position des cellules au cours du temps afin de garantir une production d’énergie toujours optimale lorsque l’angle d’incidence du rayonnement change. Alors que les systèmes à concentration classiques sont montés sur des structures massives et complexes qui pivotent sur deux axes pour s’orienter face au soleil, le système de suivi breveté par Insolight est directement intégré aux panneaux. Ceux-ci peuvent donc être installés en position fixe, comme des modules conventionnels, alors que leur mouvement quasi imperceptible, de seulement quelques millimètres par jour, est entièrement contenu à l’intérieur du boîtier.

Du très haut rendement en toiture

Si les technologies photovoltaïques à concentration basées sur des cellules multijonctions ont déjà atteint par le passé des rendements records, elles étaient jusque-là cantonnées aux installations de très grande taille, telles que des centrales en plein désert. Leur principale limitation réside dans l’imposante structure motorisée requise pour les orienter face au soleil, qui nécessite une maintenance régulière et rend impossible leur installation en toiture. Or, c’est précisément sur les toits que le haut rendement prend tout son sens, lorsque la surface à disposition est restreinte et que les besoins en énergie ne peuvent pas être totalement satisfaits par les technologies classiques. Sur les résidences privées ou les immeubles locatifs, il est crucial de rentabiliser autant que possible chaque mètre carré disponible, car le rapport entre la surface de toiture et la consommation d’énergie du bâtiment est souvent très défavorable. De même, lorsque l’on souhaite construire des quartiers ou des villes autonomes, le photovoltaïque actuel s’avère insuffisant pour produire toute l’énergie nécessaire.

La technologie développée par Insolight se situe à mi-chemin entre les panneaux conventionnels et les modules à concentration: elle combine un rendement de plus de 30% à la simplicité d’installation et la polyvalence du photovoltaïque classique. À terme, elle permettra donc de produire presque deux fois plus d’énergie à partir de la même surface de toiture, tout en accroissant radicalement la rentabilité de l’installation.

Du laboratoire à l’industrialisation

Suite à l’obtention en 2016 d’une validation externe de la performance de la technologie par l’Institut Fraunhofer ISE (à Freiburg, en Allemagne), qui démontrait un rendement de 36,4% sur un mini-module, la technologie a été intégrée à des panneaux de plus grande taille pour être testée en conditions réelles et se confronter ainsi aux technologies conventionnelles. Les premiers modules fonctionnels ont été installés au début de l’année sur un toit de l’EPFL (figure 2) et raccordés au réseau via un équipement standard. L’énergie qu’ils produisent au cours du temps ainsi que les conditions ambiantes sont analysées en continu par un système automatisé. Les panneaux actuels frôlent les 30% de rendement et la série suivante, prévue à l’automne, devrait permettre de dépasser cette barre symbolique.

D’autres installations pilotes sont d’ores et déjà planifiées en Europe auprès d’instituts reconnus afin de faire valider la performance des panneaux sous différentes conditions climatiques. Des tests de fiabilité et d’endurance aux conditions extrêmes sont également au programme pour la fin de l’année.

En parallèle à ces démonstrations «grandeur nature», la start-up travaille en étroite collaboration avec plusieurs partenaires industriels à l’optimisation du processus de fabrication de ses panneaux. Depuis les premiers prototypes, la conception de ces modules à très haut rendement a été pensée pour la production de masse, les composants et les méthodes d’assemblage ont été sélectionnés en fonction de leur compatibilité avec une production à grande échelle, et ce, tout en assurant une fiabilité à long terme. Ces mesures permettront de réduire considérablement les délais entre les premiers tests en laboratoire et la mise sur le marché.

Question prix

Bien que les cellules solaires utilisées soient onéreuses, elles ne sont nécessaires qu’en très faible quantité. De plus, les processus de fabrication et les matériaux utilisés pour les composants additionnels (optique et électronique) représentent un surcoût minime en production de masse. Par conséquent, étant donné leur puissance de sortie au mètre carré presque deux fois supérieure à la moyenne du marché, les panneaux solaires Insolight ont le potentiel d’atteindre un prix par watt-crête très compétitif. En outre, avec des panneaux à plus haut rendement, c’est toute l’installation photovoltaïque qui est plus rapidement rentabilisée. Il en résulte que l’électricité solaire fournie par des centrales résidentielles dotées de ce nouveau type de panneaux est jusqu’à 40% moins chère que celle produite avec les technologies photovoltaïques usuelles.

Actuellement en phase de test sur plusieurs installations pilotes, les panneaux dotés de la technologie Insolight ne sont pas encore disponibles à la vente. Leur mise sur le marché est prévue d’ici environ 2 ans, une fois tous les tests de qualification et de certification passés.

 

Auteur
Mathieu Ackermann

est CTO d’Insolight.

  • Insolight SA
    1024 Ecublens

Commentaire

J. Fonjallaz,

Intéressant, mais comment les mouvements de corrections sont-ils effectués?

Il faut également noter que le solaire a concentration sous nos latitudes n'est pas si intéressant car il ne peut collecter que le rayonnement "direct", le "diffus" ne peut pas être dirigé par les lentilles sur les cellules, donc si il y a un peu de brouillard, de brume ou des nuages la production tombe pratiquement à zéro pendant qu'un panneau classique continue de produire (moins mais il continue de produire...)

Veuillez additionner 7 et 8.