Interview Marché de l’énergie , Marchés et régulation

«La Suisse est un microcosme de l’Europe»

Bâtisseur de ponts

11.12.2018

Michael Matthiessen est Ambassadeur de l’Union européenne auprès de la Suisse et de la Principauté du Liechtenstein depuis septembre 2016. Originaire du Danemark, où il a commencé sa carrière, il bénéficie d’une longue expérience en tant que diplomate.

Bulletin: Monsieur l’Ambassadeur, vous êtes témoin depuis deux ans des relations entre l’UE et la Suisse. Comment pouvez-vous qualifier l’évolution de ces relations pendant ces deux années?

Michael Matthiessen: Quand je suis arrivé à Berne en septembre 2016, nos relations étaient difficiles à cause des insécurités juridiques provoquées par l’initiative sur l’immigration de masse et par les retards dans l’extension de la libre circulation à la Croatie. En décembre 2016, le Parlement suisse a trouvé une solution par l’implémentation de la «préférence indigène light», qui semble bien fonctionner. Depuis, beaucoup de dossiers ont avancé, par exemple la Suisse a pu être réadmise au programme européen de recherche Horizon 2020. Cette année 2018, de grands progrès ont été faits dans le dossier institutionnel. Au niveau technique, les négociations sur cet accord cadre, qui stabilisera le système des Accords bilatéraux, sont terminées. Il appartient maintenant au Conseil fédéral de trancher.

Y a-t-il un réel intérêt pour un accord des deux côtés?

La Suisse et l’Union européenne partagent géographie, langues et valeurs. Chaque jour ouvrable nous échangeons pour 1,8 milliards de francs en marchandises et services. Nos sociétés sont imbriquées, plus de 100 accords régissent nos relations bilatérales. La Suisse est le seul pays en dehors de l’EEE auquel l’Union européenne a accordé un accès direct à d’importants secteurs du Marché intérieur de l’UE. Mais il manque un cadre institutionnel qui gouverne cette participation. Cela crée de l’insécurité juridique et des problèmes en termes d’égalité des conditions de concurrence. Je crois que les deux parties sont conscientes qu’il est temps de remédier à cette situation. Ceci est dans l’intérêt tant de la Suisse que de l’Union européenne et permettra d’exploiter pleinement le potentiel de nos relations bilatérales, notamment aussi dans le domaine de l’électricité.

Quel est selon vous l’impact du Brexit dans les relations entre l’UE et la Suisse?

Les négociations entre Bruxelles et le Royaume-Uni d’un côté et entre l’UE et la Suisse de l’autre sont indépendantes et concernent des problématiques très différentes. Le Royaume-Uni quitte l’Union après 45 ans, tandis que la Suisse veut se rapprocher économiquement de l’UE. Cela dit, il est clair que le Brexit a forcé l’UE des 27 à serrer les rangs et à défendre plus strictement les principes de leur Marché intérieur. Celui-ci est la pièce maîtresse du projet de l’intégration européenne. L’UE doit prendre garde à ce que ses règles soient respectées par tous. Elle ne peut pas accorder des exceptions aux Suisses, puis aux Britanniques et puis à qui sait encore. Cela risquerait de saper toute la construction.

Quel est votre rôle? En quoi consiste votre travail?

La promotion de bonnes relations entre l’Union européenne et la Suisse! Je représente à Berne les intérêts et les préoccupations des institutions européennes. En sens inverse, je fais état à Bruxelles des développements politiques et économiques en Suisse et j’explique comment fonctionne ce pays. Un ambassadeur a aussi un rôle de bâtisseur de ponts. Dans mon travail quotidien j’essaie d’être le plus possible sur le terrain. Par exemple, j’ai rendu visite aux gouvernements de 11 cantons jusqu’à présent - j’espère arriver à les visiter tous dans le cours de mon mandat. Enfin, la coopération avec les 22 ambassadeurs des pays membres de l’UE présents à Berne est très importante.

Qu’appréciez-vous le plus dans votre travail à Berne?

La variété de mes tâches et la variété de la Suisse! J’apprends et découvre chaque jour des nouvelles choses. La Suisse a un système politique de freins et contrepoids complexe mais aussi très stable. J’apprécie aussi dans ce pays le contraste entre l’importance des traditions et du terroir, d’un côté, et l’innovation de l’autre. La Suisse est un microcosme de l’Europe, avec différentes langues, paysages et cultures.

Propos recueillis par écrit le 28.11.2018
Michael Matthiessen interviendra lors du Congrès suisse de l’électricité le 17 janvier 2019.

Auteure
Céline Reymond

était porte parole et rédactrice AES entre le 1er janvier 2013 et le 31 janvier 2020.

  • AES, 5000 Aarau
Biographie

Michael Matthiessen est titulaire d’un Master en sciences politiques de l’université d’Aarhus et d’un diplôme d’études approfondies (DEA) en relations internationales à Sciences Po, à Paris. Il a à son actif plus de 35 ans d’expérience en tant que diplomate, depuis 1999 au service des institutions de l’UE, dans un premier temps au Conseil de l’Union européenne et, à partir de 2011, au Service européen pour l’action extérieure.

eeas.europa.eu

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