Opinion AES , Marché de l’énergie , Régulation

La chimère du péril jaune

La plume politique 9/2018

28.08.2018

Un nouveau démon s’est installé dans la politique suisse. La Chine et ses acquisitions d’entreprises en Suisse échauffent les esprits à tel point que des mesures de protection généralisées contre les investissements étrangers sont à l’étude au Parlement fédéral.

En ligne de mire: les infrastructures stratégiques du secteur énergétique comme les centrales hydrauliques et les réseaux d’électricité et de gaz. Évidemment, lorsqu’il est question de sécurité nationale, il faut y regarder de près. Mais l’Empire du Milieu ou d’autres pays enclins à investir menacent-ils réellement notre infrastructure d’approvisionnement?

Les restrictions des cessions, quelles qu’elles soient, empiètent sur les droits de la propriété. De telles ingérences ne sont justifiables que si elles permettent d’écarter des dommages plus importants que ceux qu’elles provoquent. L’indépendance de la sécurité d’approvisionnement invoquée ne saurait constituer une justification convaincante. Premièrement, indépendamment de leur nationalité, les investisseurs ont toujours un intérêt économique à exploiter les installations. Deuxièmement, l’acquisition de capitaux serait rendue plus difficile. Investir deviendrait donc encore moins attractif que ce ne l’est déjà actuellement – et la sécurité d’approvisionnement serait affaiblie au lieu d’être renforcée.

À la différence de l’industrie ou des prestations de services, les infrastructures sont forcément liées au site d’implantation. Elles ne risquent donc pas d’être transférées à l’étranger. Et ce n’est pas tout: puisque ces infrastructures se trouvent en Suisse, l’investisseur étranger doit également se plier au droit suisse. Les participations étrangères existantes dans le secteur énergétique suisse n’occasionnent donc aucune répercussion négative sur la sécurité d’approvisionnement – pas plus que les participations d’entreprises suisses dans de telles installations à l’étranger. À cela s’ajoute le fait qu’à long terme, les centrales hydrauliques ne peuvent pas échapper à la volonté des pouvoirs publics, puisqu’elles reviennent à ces derniers après expiration de leur concession par suite du droit de retour.

Le «péril jaune» n’est qu’une chimère: que leurs propriétaires soient helvétiques ou non, les installations énergétiques suisses contribuent à l’approvisionnement suisse en énergie avec la même conviction. Pour maintenir les investisseurs dans de bonnes dispositions, il faut non pas des prescriptions en matière de propriété, mais des perspectives de rentabilité prometteuses.

Auteur
Dominique Martin

est responsable affaires publiques de l'AES.

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