« Je suis arrivé au bon moment »
Interview avec Benoît Revaz
Le Valaisan est directeur de l’Office fédéral de l’énergie OFEN depuis une année. C’est l’occasion de poser un regard sur ces douze mois passés en fonction et sur sa vision de l’avenir.
Bulletin : Vous avez pris la direction de l’OFEN il y a une année le 1er octobre. Quelles étaient vos attentes ?
Benoît Revaz : Mes attentes consistaient à pouvoir contribuer à la mise en œuvre de la transition énergétique. Le Parlement a adopté la Stratégie énergétique la veille de mon entrée en fonction. Je suis donc arrivé au bon moment.
Ont-elles été comblées ?
Oui. C’est une période passionnante.
Comment avez-vous vécu le passage d’une entreprise privée aux autorités ?
J’ai été surpris par le nombre de dossiers traités dans l’administration et la rapidité avec laquelle ils sont traités. L’intensité, la diversité des sujets et l’ampleur de la tâche étatique m’ont également impressionné. Assurer la mise en œuvre d’une loi, tout en veillant à respecter l’esprit de la loi et la volonté du législateur, constitue une responsabilité importante.
Quels ont été les enjeux principaux et les succès de cette année ?
Les enjeux principaux au départ étaient les suivants: se plonger dans les différents dossiers et fixer des priorités. La réussite fut incontestablement l’aboutissement favorable de la votation sur la nouvelle loi sur l’énergie avec le oui clair sorti des urnes le 21 mai. Cette loi qui pose les jalons de la Stratégie énergétique 2050 est depuis plusieurs années le plus grand chantier au sein de l’Office. Elle a conduit à 230 heures de discussions au Parlement; 500 amendements et 25 rapports ont été nécessaires à sa réalisation jusqu’à maintenant.
Quels dossiers vous tiennent le plus à cœur ? Et pourquoi ?
La mise en œuvre de la loi sur l’énergie pour le 1er janvier 2018, le futur modèle de marché de l’électricité et la révision du régime de la redevance hydraulique sont des dossiers qui vont poser des jalons importants pour notre pays.
L’une de vos activités principales est la mise en place de l’avenir énergétique suisse. Quelle est votre vision à ce sujet ?
Créer les conditions nécessaires à la consolidation d’un approvisionnement énergétique sûr, durable et économiquement supportable est un mandat constitutionnel. La complexité réside dans la mise en œuvre : renoncer à une source importante d’énergie comme le nucléaire en augmentant l’efficacité énergétique, en promouvant le développement des énergies renouvelables tout en réduisant la dépendance énergétique de l’étranger est un défi hors du commun.
Combien de personnes travaillent sur la SE 2050 à l’OFEN ?
Plusieurs dizaines d’experts travaillent sur les ordonnances, mais tout l’Office est concerné d’une manière ou d’une autre, par exemple par les développements du réseau et des infrastructures, la recherche prospective sur la digitalisation ou la dimension climatique.
La branche de l’électricité souffre des prix du marché trop bas. Pensez-vous que cela va changer ?
Toute la branche ne souffre pas de la même manière des prix bas sur le marché. La situation diffère selon la présence de la chaîne de valeur et les stratégies des entreprises. De nombreux facteurs influencent le mécanisme des prix. L’OFEN mène en ce moment une enquête auprès des producteurs hydroélectriques pour connaître leur situation économique.
Y a-t-il du nouveau du côté de l’accord sur l’électricité avec l’UE ? Qu’est-ce qui pourrait faire avancer les discussions ?
Cela fait dix ans qu’on discute d’un accord sur l’électricité. Certains éléments doivent être adaptés pour pouvoir signer. La conclusion d’un accord institutionnel avec l’Union européenne demeure déterminante pour aller de l’avant.
Vous disposez d’une longue expérience internationale. Dans quelle mesure pourrait-elle contribuer à la mise sur pied d’un accord sur l’électricité ?
Ce sont des travaux d’équipe, mais l’expérience internationale est en effet utile pour évoluer dans ces discussions.
Et du côté de l’ouverture du marché, y a-t-il du nouveau ?
L’ouverture du marché reste une ambition. Le lien avec un accord sur l’électricité est très fort. L’Office va présenter un rapport à ce sujet à la fin de l’année.
Que va-t-il se passer dans la 2e étape de la SE 2050 ?
La SE 2050 est composée de plusieurs volets. La Stratégie réseaux électriques en est un, la révision de la loi sur le CO2 ou le design de marché en sont d’autres pour atteindre les objectifs fixés.
D’après vous, quel degré d’auto-approvisionnement la Suisse devrait-elle atteindre en 2035 ?
Quand on parle d’auto-approvisionnement, on parle surtout d’auto-approvisionnement électrique. La question est plus globale. La Suisse est très dépendante de l’étranger pour les deux tiers de sa consommation d’énergie d’origine fossile. L’auto-approvisionnement dépend de la flexibilité de la production, des capacités de stockage, de transport et d’interconnexion. La gestion proactive de la demande et les nouvelles possibilités de stockage décentralisé vont contribuer à la sécurité d’approvisionnement. Ce sont seulement quelques dizaines d’heures en hiver qui posent problème. Il existe des groupes de secours, des capacités existantes qui n’entrent pas en ligne de compte actuellement dont la flexibilité pourrait être utilisée sur demande.
Quels défis principaux l’OFEN devra-t-il relever ces prochaines années ?
La digitalisation ouvre de nouvelles perspectives. Il faut définir des conditions-cadres qui ne freinent pas ce développement rapide tout en veillant à garder un cadre de sécurité réglementaire. C’est complexe. La convergence des énergies et des infrastructures sont aussi des gros dossiers, tout comme la gestion du marché du gaz et la mobilité.
Que souhaitez-vous pour l’avenir ?
Je souhaite que nous ayons le courage qu’ont eu nos aïeux du 20e siècle qui ont développé des infrastructures sur lesquelles nous pouvons encore compter aujourd’hui. Notre génération doit faire la transition vers une approche plus efficace avec un impact sur l’environnement défini mais limité et économiquement favorable pour le pays. Il s’agit d’une combinaison de plusieurs solutions et non d’une compétition.
Biographie
Benoît Revaz a assumé différentes fonctions au sein des Entreprises Électriques Fribourgeoises (actuellement Groupe E). Il a en outre été membre de la direction générale d’EOS Holding et d’Alpiq Holding SA, ainsi que directeur associé d’E-Cube Strategy Consultants, entreprise de conseil spécialisée dans les questions d’énergie et d’environnement. Il est titulaire d’un master en droit, ainsi que d’un Executive Master of Science in Communications Management.
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