Il faut agir vite, et surtout intelligemment

Et voilà! L’édition 2023 du Forum FRED (Forum romand de l’éclairage et de la domotique) appartient désormais au passé. Elle s’est déroulée à Lausanne dans une ambiance chaleureuse et décontractée, et a offert aux participants une bonne vue d’ensemble des derniers développements en matière d’éclairage, d’automatisation des bâtiments et d’infrastructure liée à la mobilité électrique. S’il faut trouver un dénominateur commun aux 12 exposés, la réduction de la consommation énergétique est certainement un bon candidat: il en a été question tout au long de la journée.

Mieux exploiter la lumière naturelle

Quel est l’un des meilleurs moyens de faire des économies d’énergie dans le domaine de l’éclairage? Simplement utiliser au mieux la lumière naturelle! Caroline Karmann, professeure au Karlsruhe Institute of Technology, a ouvert le forum en rappelant pourquoi il est si important pour notre santé de bénéficier de lumière naturelle dans les bâtiments pendant la journée ainsi que les effets que celle-ci a sur notre santé, sur nos émotions et sur notre psychisme. «Il a même été observé qu’à l’hôpital, les patients bénéficiant d’une belle vue sur l’extérieur récupéraient plus vite que les autres», a-t-elle ajouté. Mais comment bénéficier de la lumière naturelle et d’une vue sur l’extérieur dans un immeuble de bureaux sans subir les désagréments de l’éblouissement lorsque le soleil brille?

Bernard Paule, directeur associé d’Estia, a proposé une solution: les vitrages à teinte variable. Il a présenté les résultats d’une étude réalisée dans le bâtiment Bergère B de Nestlé, à Vevey, où ont été installés des vitrages électrochromes, des verres que l’on peut obscurcir en appliquant une tension électrique (il est même possible de teinter plus ou moins différentes zones d’une même vitre). Ces vitrages transmettent non seulement moins de lumière, mais aussi moins d’énergie thermique qu’un triple vitrage conventionnel, ce qui présente l’avantage de réduire en été l’apport de chaleur à proximité des fenêtres de 7-8°C par rapport à un vitrage équipé d’un store intérieur. L’étude réalisée a notamment montré que les retours des utilisateurs du bâtiment étaient généralement très positifs.

Gestion intelligente d’un bâtiment, avant et après sa construction

Mais si l’éclairage représente un secteur où il est relativement facile de réaliser des économies d’énergie sans pertes de confort – que ce soit en remplaçant les anciens luminaires par des luminaires LED ou en ajoutant, de plus, une gestion intelligente de l’éclairage –, il ne représente toutefois qu’une petite partie de la consommation énergétique d’une ville ou d’un bâtiment. Comme en a fait part Sébastien Baconnier, directeur d’exploitation de la Vaudoise aréna, diverses mesures sont mises en œuvre pour optimiser la consommation énergétique de cette infrastructure sportive et événementielle réunissant centre de glace, centre aquatique, centre de conférence, complexe sportif, bureaux, etc. La principale de ces mesures consiste à profiter des synergies, par exemple en récupérant la chaleur générée lors de la production de la glace des patinoires pour chauffer le centre aquatique et les bureaux. Bien entendu, des mesures de réduction de l’éclairage en fonction des activités dans les différentes sections du bâtiment sont également prévues, mais les économies énergétiques sont moindres comparées à celles réalisées en prenant quelques mesures d’optimisation de la ventilation. Ce bâtiment très complexe offre un grand potentiel d’optimisation, et il se trouve actuellement dans une phase de récolte de données qui seront utilisées pour optimiser sa gestion énergétique.

Le potentiel d’optimisation énergétique d’un bâtiment est donc élevé. Et pour en profiter pleinement, il est important de planifier la réalisation de ce dernier au mieux, et ce, déjà bien avant le début des travaux. Pour ce faire, la mise en commun des données des différents corps de métier impliqués est essentielle. Et c’est là que la méthodologie BIM (Building Information Modeling) intervient. Jean-Philippe Suter, directeur associé de Gitcad, a rappelé que si le BIM était un outil bien plus puissant qu’une visualisation 3D, il n’est toutefois pas facile à réaliser de manière optimale. Il s’agit d’établir un plan d’exécution ainsi qu’une convention BIM qui définisse certaines règles et la manière dont les corps de métier vont collaborer. Raison pour laquelle il est important de faire appel à un spécialiste – un «maître de la donnée» qui définira ce qui sera transmis, où et comment – dès le début de la planification du bâtiment.

Quand la mobilité électrique entre en jeu

Mais il est aussi possible de mieux profiter des synergies à l’échelle des maisons individuelles. Comme l’a expliqué Claudio Pfister, responsable de la société spécialisée E-mobile d’Electrosuisse, un bâtiment intelligent stocke puis consomme sa production locale d’électricité. Et les voitures électriques auront un rôle important à jouer… Celles-ci disposent en effet de grandes batteries qui peuvent aussi être utilisées pour stocker la production excédentaire d’une installation photovoltaïque (PV) pendant la journée, et ce, essentiellement afin de la consommer plus tard pour rouler, mais à l'avenir aussi afin d'en restituer une partie le soir. Pour ce dernier point, deux conditions doivent être remplies: il faut que le véhicule puisse remettre à disposition une partie de l’énergie stockée dans sa batterie – pour l’instant seules quelques marques japonaises permettent la recharge bidirectionnelle –, et il faut disposer d’une borne de recharge correspondante. S’il existe actuellement déjà des bornes de recharge bidirectionnelles DC, encore assez onéreuses, Renault a prévu de commercialiser des voitures à recharge bidirectionnelle AC et la station de recharge correspondante, plus abordable, dès fin 2024. Selon les calculs réalisés par Claudio Pfister pour différents cas basés sur une maison individuelle dotée d’une installation PV, la solution avec chauffage et production d’eau chaude optimisés en fonction de la production PV et recharge d’une voiture électrique à la place d’une batterie stationnaire, serait celle qui permettrait de réduire le plus la durée du retour sur investissement du système complet: l’investissement serait compensé en 6 ans et le système permettrait, dans l’exemple considéré, de réaliser jusqu’à 4700 CHF d’économies par an.

En tout cas, une chose est sûre: l’avenir est à la mobilité électrique. Comme l’a expliqué Delphine Morlier, responsable de la section Mobilité de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN), selon l’étude consacrée à la recharge des véhicules électriques à l’avenir publiée par l’OFEN en mai dernier, 2,1 millions de véhicules électriques circuleront en Suisse en 2035 et devront y être rechargés… Il est donc urgent d’accélérer la réalisation de l’infrastructure de recharge nécessaire, qu’il s’agisse de bornes privées au niveau des maisons, des immeubles résidentiels ou des entreprises, ou publiques dans les localités et sur les axes routiers. Tout comme en ce qui concerne la réduction de la consommation énergétique de la Suisse – à laquelle d’ailleurs la mobilité électrique contribuera fortement –, il n’est plus permis d’attendre, et il est essentiel de procéder intelligemment!

La prochaine édition du Forum FRED aura lieu le 28 mai 2024, à Lausanne.