Gestion de l’énergie sur un banc de tests
Optimisation des flux d’énergie
Avec son nouveau Prosumer-Lab, la Haute école spécialisée bernoise (BFH) examine sous conditions réelles les systèmes qui composent un réseau électrique intelligent. Les résultats de ces tests devraient contribuer à une meilleure intégration des énergies renouvelables dans le marché de l’électricité.
Avec le nombre croissant de systèmes photovoltaïques et de batteries, les ménages joueront un rôle de plus en plus actif et important dans le réseau électrique à l’avenir. En particulier, l’introduction sur le marché des systèmes de stockage électrique ouvre de nouvelles perspectives pour la gestion des flux d’énergie dans la distribution basse tension. Les batteries permettent la mise en place de réseaux intelligents qui utilisent de manière optimale les nouvelles sources d’énergie, telles que les systèmes photovoltaïques décentralisés.
De nouveaux dispositifs créent des conditions préalables à une meilleure intégration des énergies renouvelables sur le marché de l’électricité. Les systèmes de gestion de l’énergie (EMS) en sont un parfait exemple. Par divers relevés des flux énergétiques, comme par exemple la production d’électricité de la centrale PV et la puissance échangée avec le réseau, ces dispositifs enclenchent certains consommateurs, tels qu’une pompe à chaleur, ou provoquent le stockage de l’énergie excédentaire dans une batterie. Par cette action, un EMS diminue l’injection d’énergie dans le réseau de distribution lors d’une période de surproduction. Une telle optimisation de l’autoconsommation contribue à une meilleure intégration du consommateur-producteur (prosumer) dans le réseau électrique.
La réalité simulée en laboratoire
Le Prosumer-Lab a pour but de tester et de comparer les types d’EMS disponibles sur le marché dans des conditions réalistes et reproductibles. Le banc d’essais recrée une maison individuelle moderne. Sa mise en service a débuté en janvier 2018 et il est actuellement exploité par le Centre suisse d’électronique et de microtechnique SA (CSEM) conjointement avec la Haute école spécialisée bernoise (BFH). Le Prosumer-Lab, financé par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) et BKW Energie AG, a pour objectif de faire la lumière sur les questions liées à l’énergie autour des producteurs-consommateurs.
Avec ce projet pilote et de démonstration, différents états ou situations difficilement reproductibles d’un ménage peuvent être simulés au plus proche de la réalité à l’aide de profils (consommation, météo, température, etc.) préalablement établis. Le banc d’essais fonctionne sur une combinaison d’émulation et de simulation pour recréer les flux d’énergie électrique d’un ménage disposant d’une production photovoltaïque, d’une pompe à chaleur et d’une batterie. Tous les courants et tensions sont réellement reproduits jusqu’au point d’alimentation de l’installation émulée. Cela est nécessaire pour le développement, la comparaison et le test de divers appareils tels que les systèmes de gestion de l’énergie, les onduleurs ou les batteries dans des conditions contrôlées. Grâce à sa structure modulaire, la plate-forme de tests est compatible avec tous types de systèmes énergétiques résidentiels (EMS, batteries, onduleurs, etc.). Le développement et la comparaison de ces dispositifs sont évalués sur la base de profils identiques respectivement à des conditions sur une série de tests.
Stratégie de recherche
Le projet s’articule autour de trois thèmes: la gestion de l’énergie dans les bâtiments, l’intégration et la stabilisation des réseaux de distribution et la modélisation des modèles socio-économiques. Le premier concerne la question de la conception de systèmes de gestion d’énergie afin de parvenir à un équilibre optimal entre l’autoconsommation, une efficacité accrue et l’intégration au sein du réseau. Pour y parvenir, des algorithmes et des composants propres à un EMS sont développés et des études comparatives sont effectuées avec d’autres systèmes de management d’énergie disponibles sur le marché.
Les recherches axées sur l’intégration et la stabilisation des réseaux de distribution examinent les effets de l’autoconsommation optimisée et des productions décentralisées sur la qualité des réseaux de distribution. À cela s’ajoute l’élaboration de stratégies pour stabiliser ces derniers.
Enfin, dans le cadre d’une analyse du système socio-économique, les facteurs d’influence sur les modèles commerciaux existants et futurs pour l’optimisation de l’autoconsommation sont examinés. L’adéquation d’un business model est simulée sur 30 ans et repose sur différents scénarios de développement des tarifs, de la quantité d’installations photovoltaïques, du nombre de voitures électriques, etc.
Un banc de tests d’une grande flexibilité
Le banc d’essais du Prosumer-Lab peut être divisé en trois parties principales (figure 1). L’émulateur de réseau, d’une puissance maximale de 50 kVA, génère une tension sinusoïdale triphasée avec une fréquence et une amplitude variables. Il simule le réseau électrique au point de connexion du ménage émulé. Des harmoniques peuvent être ajoutés à ce signal et des événements transitoires tels que des surtensions peuvent être générés. Un émulateur de charge émule une charge triphasée avec un facteur de puissance configurable. Trois modes de fonctionnement différents sont possibles: puissance active constante (CP), impédance constante (CZ) ou courant constant (CI). Chaque phase est contrôlée individuellement, ce qui permet de générer des charges asymétriques. Finalement, huit émulateurs photovoltaïques de 5 kW permettent de reproduire des installations PV avec différentes orientations de toiture comme par exemple une centrale solaire sur les deux pans inclinés et sur les murs d’une maison.
Le système en temps réel D-Space Microlabbox assure le contrôle interne du banc de tests. Il est programmé dans Matlab/Simulink et possède différentes interfaces permettant ainsi une grande flexibilité pour connecter différents appareils à la plateforme d’essais. L’interaction avec cette dernière est possible via une interface Web. Tous les paramètres, consignes et profils nécessaires peuvent y être sélectionnés. Ils sont transmis aux différents appareils du banc de tests via la Microlabbox pendant l’expérience. Le tableau 1 résume les principales caractéristiques des émulateurs du banc de tests.
Données et scénarios réels
Le banc de tests s’appuie sur le principe hardware-in-the-loop (HIL). Dans ce cas, une vraie installation, dans laquelle un appareil doit être testé, est partiellement reproduite par l’ordinateur et partiellement émulée à l’aide des composants du banc de tests. Les simulations peuvent être utilisées pour cartographier des composants difficiles à intégrer dans le banc d’essais, tels qu’une pompe à chaleur ou divers appareils électroménagers. La consommation électrique est déterminée par calcul et le flux de courant est ensuite recréé via les émulateurs. Cette combinaison de la simulation et de l’émulation rend les tests très réalistes et reproductibles dans des conditions contrôlées.
Le logiciel de planification et de simulation Polysun pour systèmes électriques et thermiques permet de simuler les températures ambiantes, les besoins en eau chaude ou encore les pertes dans les réservoirs thermiques d’un bâtiment. Polysun détermine également la consommation de la pompe à chaleur sur la base d’un modèle de construction détaillé. Enfin, concernant les informations météorologiques, l’environnement de test utilise des mesures réelles de Meteoswiss pour n’importe quel endroit.
La simulation est intégrée dans l’émulation physique du système via les émulateurs. Le fonctionnement de ces derniers nécessite des points de consigne réalistes en temps réel. La consommation électrique quotidienne d’un foyer recréée par l’émulateur de charge est déterminée à partir du Loadprofilegenerator. De plus, les données d’un fichier «csv» peuvent être intégrées. Le calcul des valeurs de consigne pour les émulateurs photovoltaïques est basé sur les données de mesure de Meteoswiss.
Les profils, calculs et consignes nécessaires à un test sont prédéfinis dans les scénarios. Un scénario définit tous les profils de charge et de production et dure, par exemple, 24 heures pour une journée de test type. Ces informations proviennent directement de simulations, de mesures et de calculs pour obtenir des conditions de test réalistes. Quatre scénarios principaux ont été créés pour le projet de recherche, chacun correspondant à une journée représentative d’une des quatre saisons. Les scénarios sont gérés et démarrés via l’interface Web de Scenario Manager. Cela permet une utilisation simplifiée du banc de tests, coordonne les simulations et les émulations et enregistre toutes les informations de mesures pertinentes telles que les tensions, les courants et les puissances à chaque seconde.
Défis techniques maîtrisés
La complexité du système signifiait que de nombreux défis devaient être résolus lors de la mise en service. La flexibilité souhaitée dès sa conception exige que le banc d’essais puisse interagir avec les différentes interfaces du logiciel de simulations, des émulateurs et de tous les dispositifs nécessaires à son bon fonctionnement.
L’exemple le plus frappant de ce problème de développement est la différence de fréquence de travail des composants. Le banc de tests met à jour les instructions du gestionnaire de scénarios toutes les secondes. Cependant, les émulateurs de réseau et de charges sont contrôlés par des signaux numériques échantillonnés à 10 kHz. Par conséquent, il était important de veiller à ce que les systèmes de contrôle et d’enclenchement de niveaux supérieurs soient exécutés suffisamment rapidement pour garantir la fréquence requise par chaque appareil.
Le choix des protocoles de communication influence également la vitesse de travail du banc d’essais. Lors de la mise en service initiale du système, les mesures n’ont pas toutes été mises à jour une fois par seconde. Le protocole de communication RS485 utilisé pour la transmission des valeurs mesurées par les compteurs d’énergie rend la fréquence de fonctionnement de 1 Hz impossible. Pour cette raison, tous les instruments de mesure importants ont été remplacés par des compteurs d’énergie de meilleure qualité dotés d’une interface Ethernet. En plus d’une transmission de données plus rapide, ces nouveaux appareils permettent la quantification des harmoniques de courant et de tension. Cela ouvre la voie à de futurs développements et analyses dans le domaine de la qualité de la tension (par exemple THD).
Lors de la première phase de test, certains dysfonctionnements du contrôle de l’émulateur de charge ont également été corrigés. Des erreurs de programmation ont eu un impact direct sur la précision de la consommation d’énergie électrique émulée. Une analyse approfondie du système a permis de déterminer les caractéristiques temporelles et fréquentielles de l’émulateur de charge contrôlé par la Microlabbox. Par conséquent, l’algorithme de contrôle a pu être considérablement optimisé et les performances globales du banc de tests ont été améliorées de manière significative.
La mise en service s’est finalement terminée par une analyse des performances du Prosumer-Lab à l’aide d’appareils de mesure externes au banc d’essais. Les différents tests des dispositifs de sécurité et d’organes de mesure ont permis de certifier le bon fonctionnement de l’installation avec une erreur relative de l’ordre de quelques pourcents.
L’erreur relative entre la consigne de puissance et la mesure diminue progressivement à mesure que le point de fonctionnement augmente (figure 2). Pour une charge monophasée, l’erreur passe d’un maximum de 6% (à 100 W) à moins de 1% (à partir de 1 kW). Les mesures montrent qu’en dessous de 1 kW, l’erreur absolue maximale n’est pas supérieure à 10 W. Sur toute sa plage de puissance, l’émulateur de charge a une grande précision dans la conversion du point de consigne; en particulier dans la plage de puissance d’un foyer traditionnel, le domaine d’application typique.
Courant solaire pour pompe à chaleur
Pour comparer le potentiel des différents systèmes de gestion de l’énergie, le même scénario de tests avec les données d’un jour typique a été réalisé avec plusieurs EMS. Une journée représentative a été choisie pour chaque saison afin de mettre en évidence les différences saisonnières évidentes, par exemple, le 20 octobre 2015, avec des flux d’énergie correspondants, à savoir la production du système photovoltaïque et la consommation du ménage (figure 3). Ce scénario peut être utilisé aussi souvent qu’on le désire pour tester différents systèmes EMS. À titre de référence, le scénario est exécuté une fois sans aucun EMS associé. Par la suite, le contrôle d’une batterie ou de la pompe à chaleur simulée dans Polysun peut être exécuté par un EMS. Il est notamment intéressant de voir comment ce changement de comportement affecte l’autoconsommation des ménages.
La figure 4 montre la demande en énergie de la pompe à chaleur sous différents modes d’utilisation. Une comparaison est faite entre le fonctionnement avec et sans contrôle des différents EMS. Les principaux paramètres influençant la commutation de la pompe à chaleur sont la température interne du chauffe-eau ainsi que le surplus d’énergie du ménage.
Lorsqu’un système de gestion d’énergie est connecté, le surplus de production PV est utilisé pour le fonctionnement de la pompe à chaleur. L’inertie thermique du boiler permet, par exemple, d’éviter l’enclenchement durant la nuit. À l’aide du signal smart grid ready, le système de management d’énergie élève la consigne de température et optimise ainsi la demande en énergie. Les deux EMS étudiés peuvent être réglés via différents paramètres de configuration et présentent un comportement similaire lors de la commutation de la pompe à chaleur. L’exemple montre l’importance d’une étude systématique de l’EMS pour comprendre les fonctionnalités. Les résultats définitifs de ce projet de recherche seront publiés dans le rapport final à la moitié de l’année 2019.
Maintenant disponible pour les mesures
Le banc d’essais du Prosumer-Lab offre désormais la possibilité de tester et d’analyser des systèmes de gestion de l’énergie, des batteries, des onduleurs ou des stations de recharge pour véhicules électriques à l’aide de profils réalistes interagissant avec d’autres appareils ménagers. Cela peut être réalisé dans le cadre de projets conjoints entre le centre de recherche de stockage d’énergie de la Haute école spécialisée bernoise et un partenaire industriel intéressé.
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