Franchise «Group-it»

Le cas de la commune de Saint-Martin, première pierre apportée à l’édifice «Group-it», peut être cité en exemple. En effet, la HES-SO a réussi à convaincre une cinquantaine de ménages à participer à un projet de transition énergétique d’ampleur communale. Le processus était assez simple: les étudiants HES-SO (ingénieurs et économistes) de l’option «Energy Management» ont formé des équipes avec des élèves de l’école primaire de Saint-Martin. Ces groupes de travail ont pu étudier le potentiel énergétique de la commune, en se focalisant sur les énergies renouvelables. Des recommandations ont pu alors être proposées à la municipalité qui, après réflexion, a établi un ordre de priorité sur les mesures à entreprendre.

Dès lors, un projet d’énergie photovoltaïque a été choisi en premier lieu pour les bâtiments communaux et, par la suite, pour les privés. Un appel d’offres privé a alors été lancé au niveau communal, incluant 45 propriétaires intéressés par une potentielle installation. Suite aux visites des bâtiments, les habitants ont reçu les 2 offres les plus avantageuses, auxquelles ils ont pu donner suite ou non.

Projet St-Martin: résultats

Le graphique ci-dessous (figure 1) représente la totalité des offres reçues, placées selon 2 axes, à savoir le «prix par puissance» en abscisse et «l’investissement» en ordonnée. Il est à préciser également que la taille des cercles est proportionnelle à la surface totale de panneaux par installation. Cet ensemble d’offres, toutes installations comprises, est comparé aux offres soumises par l’entreprise ayant remporté le plus de toits au cours de l’appel d’offres.

Dès lors, on peut observer que les prix obtenus pour les 45 toitures sont, de manière générale, plutôt dispersés et que de nombreuses entreprises ne semblent pas avoir appliqué de véritable stratégie tarifaire pour l’ensemble du lot. L’entreprise représentée par les cercles rouges a, quant à elle, fait preuve de cohérence au niveau de la soumission de ses offres. En effet, le rapport «prix par puissance/investissement» est clairement établi, en plus de proposer des prix concurrentiels par installation.

Par ailleurs, les prix proposés par ladite entreprise semblent être en adéquation avec les prix du marché. Pour s’en convaincre, les offres sélectionnées pour les particuliers dans le cadre de Saint-Martin ont été comparées avec les estimations du calculateur solaire de SuisseEnergie (www.toitsolaire.ch). Ces prix ont été comparés dans le graphe ci-après (figure 2) à l’aide des courbes illustrant les prix marginaux. Les valeurs représentées par le R2 indiquent la «distance» des offres par rapport à la courbe. Ainsi, un R2 proche de la valeur de 1 indique une bonne cohérence dans la construction des offres et dans les prix. Par ailleurs, la courbe de l’entreprise (en bleu) se situe légèrement en-dessous des prix théoriques estimés par le calculateur (en vert), en raison des rabais d’échelles appliqués.

Suite à ce projet, la HES-SO s’est rendu compte de la réelle plus-value engendrée par sa neutralité et son expertise du domaine. La présélection des offres et l’aide à la décision fournie aux propriétaires ne sont donc pas à sous-estimer, puisque la majorité des personnes privées n’ont que peu, ou pas, de connaissances relatives à l’énergie. [1] Ainsi naquirent les prémices de l’idée «Group-it»: répliquer ce projet communal, à plus grande échelle.

Le projet Group-it

Forte de son expérience et des conclusions tirées des précédents mandats communaux, la HES-SO imagina le projet «Group-it». L’idée de ce projet, lancé lors de l’émission «Plus 3 degrés» de la RTS¹⁾, était d’offrir aux citoyens un tremplin vers la transition énergétique, en leur proposant une procédure simplifiée pour faciliter l’installation de panneaux photovoltaïques.

Ce processus a fait l’objet d’un engouement inattendu, puisque près de 2290 propriétaires suisses romands se sont enregistrés sur une plateforme prévue à cet effet. Une belle réussite qui semble démontrer l’intérêt des Suisses romands pour des solutions «clé en main».

Suite à leur inscription, les participants ont reçu une pré-évaluation énergétique personnalisée, incluant une analyse du potentiel solaire de leur toit, ainsi que des différents enjeux financiers. Sur la base de ce document, les participants ont disposé des informations nécessaires pour prendre leur décision : abandonner ou poursuivre l’aventure Group-it. En effet, il était logique que les propriétaires ayant une installation peu rentable ne désireraient pas poursuivre avec les phases suivantes.

Une fois le délai de confirmation échu, environ 400 propriétaires ont manifesté leur intention de poursuivre le processus. Leur inscription a été officialisée par le versement d’une somme de CHF 290, utile au défraiement des étudiants engagés pour les visites de bâtiments. En effet, 20 «visiteurs» ont été dépêchés auprès des 394 propriétaires afin de rédiger des rapports détaillés, qui servent de base de travail aux entreprises soumissionnaires.

Suite aux montagnes de papier engendrées par le projet St-Martin, l’EML a décidé de passer au tout numérique. Ainsi, les entreprises ont pu s’inscrire à l’appel d’offres privé par le biais d’une plateforme en ligne mise en fonction pour l’occasion. Pour éviter d’avantager les grandes entreprises au détriment des petites entités régionales, et suite aux retours des soumissionnaires de St-Martin, l’appel d’offres a été découpé en 20 lots de 20 toits chacun, réduisant ainsi la taille du lot d’environ 20 toitures. Chaque entreprise ne peut donc répondre qu’à 3 lots maximum, soit n’adresser ses offres qu’à 60 propriétaires. De ce fait, la répartition géographique arbitre naturellement la partie, puisque les entreprises se concentrent principalement sur les régions proches de leur siège social ou de leurs succursales. Les offres doivent être soumises dans un format déterminé, afin de simplifier la comparaison entre les entreprises et de permettre la sélection des meilleures offres pour chaque client. Par ailleurs, ce format imposé facilite également la compréhension par les clients finaux, puisqu’ils auront une grille de lecture claire leur permettant d’étudier facilement les offres reçues.

La HES-SO transmet alors à chaque propriétaire les deux meilleures offres retenues pour leur bâtiment. Une fois le choix effectué, le client prend contact directement avec l’entreprise choisie. Avant d’articuler une offre définitive, cette dernière peut proposer une contre-visite sur place afin de valider les éléments inscrits sur le premier devis et proposer une solution plus complète, en adéquation avec les désirs du client.

La HES-SO continuera d’accompagner les propriétaires et les entreprises, en jouant le rôle de médiateur entre les 2 parties. En effet, en cas de litige entre l’entreprise et le participant, la HES-SO mettra en place un comité d’arbitrage de première instance, pour trouver une solution au conflit.

Schéma explicatif

Le processus de la figure 3 (Customer Journey Map) met en exergue les principales tâches du client au sein du processus Group-it, ainsi que celles qui le concernent directement (visite, contre-visite et réalisation des travaux). Les cases orange constituent des étapes charnières auxquelles le processus pourrait prendre fin sur décision du client.

Group-it: une future franchise?

La part de consommation énergétique des ménages en Suisse est très importante, et représente environ 50% de la consommation énergétique du pays. Il est donc illusoire d’imaginer une transition énergétique sans impliquer les citoyens et d’amorcer un changement drastique de leur manière de consommer par la simple «information». Le processus Group-it démontre bien que certaines personnes doivent être prises par la main dans la démarche de changement de comportement.

Pour ce faire, il semble nécessaire de comprendre premièrement quels types d’approches commerciales permettraient aux ménages de prendre part à la transition énergétique et deuxièmement, d’accepter que les approches traditionnelles, utilisées à ce jour, ne sont pas forcément les meilleures dans ce contexte. Au vu des précédents projets réalisés, il apparaît que certaines approches ayant trait au marketing social semblent davantage porter leurs fruits.

Fort de ce constat, l’EML propose de créer une franchise «Group-it» avec le soutien financier du fond Vitale innovation de SIG. Cette franchise, à l’intention des communes et des associations suisses et étrangères, mettra à disposition les outils et connaissances nécessaires afin de lancer des appels d’offres «Group-it» dans les régions intéressées. Une plateforme web, permettant à un «coordinateur» (franchisé) de gérer ses actions Group-it, devra être développée et gérée par la HES-SO. Afin de donner vie à ce concept de franchise, l’EML a l’intention de lancer plusieurs projets pilotes et de tester cette approche auprès des nombreuses communes demandeuses.

Dans ce type de projet, la demande est certes importante, mais l’erreur serait d’oublier l’offre! En effet, ce type de démarche ne pourrait voir le jour sans une participation active des entreprises soumissionnaires. Ces appels d’offres constituent une opportunité pour ces dernières, puisqu’ils offrent sur un plateau d’argent des clients captifs qui n’auraient pas nécessairement entamé des démarches d’installation par eux-mêmes. Par ailleurs, l’effet de voisinage/de groupe engendré par ce type d’action accroît l’expansion du photovoltaïque et participe à la démocratisation de cette technologie.

Le graphique de la figure 4 met en évidence les zones géographiques avec leurs différences en termes de concurrence après 14 jours d’ouverture de l’appel d’offres.

Certes, il est primordial de multiplier ce type d’actions, mais il est également nécessaire de répartir ces futurs projets dans le temps. En effet, le but n’est pas de noyer les entreprises sous une montagne d’appels d’offres simultanés, mais bien de proposer des actions sur une base régulière. La maîtrise de la fréquence de lancement est indispensable afin de favoriser la montée en puissance des entreprises du domaine, de renforcer l’emploi à long terme dans un secteur clé de la transition énergétique et de multiplier graduellement le nombre d’installations à réaliser.

Pour conclure, beaucoup d’indicateurs montrent la prise de conscience de la population, en particulier des jeunes, dans la nécessité de réduire nos impacts sur le climat. La technologie doit continuer à évoluer, mais dans la société actuelle, ce sont les actions autour des «êtres humains» qui font défaut. Les barrières ne proviennent que rarement de la technique, mais plutôt de ceux qui décident ou non de participer à l’effort collectif.

Porteurs de projet

L’Energy Management Lab (EML), partie intégrante de l’Institut Entrepreneuriat et Management (IEM) ainsi que de l’Institut Énergie et Environnement (IEE) de la HES-SO Valais-Wallis, travaille en recherche-action dans le domaine de l’énergie, en se focalisant sur son impact local et régional. L’EML apporte ses compétences sur des sujets tels que les marchés de l’énergie, l’acceptation sociale, les systèmes énergétiques territoriaux et les smart cities, en se concentrant principalement sur des approches combinant technique, économie et société.

Lien

• www.hevs.ch

Référence

[1] B. Robelia, T. Murphy, «What do people know about key environmental issues? A review of environmental knowledge surveys.», Environmental Education Research, 18(3), pp. 299-321, 2012.

¹⁾ Lien vers l’émission:

• www.rts.ch