Article Mobilité , Régulation

En route vers une flotte de voitures électriques

Accélérer la transition pour respecter les objectifs climatiques

03.03.2021

Quelle stratégie suivre en matière de réduction des émissions de CO2 de la flotte suisse de voitures de tourisme? Des chercheurs ont développé un modèle permettant de comparer différents scénarios. Pour ce faire, ils ont aussi étudié la consommation réelle de voitures électriques, hybrides, à gaz ou encore à pile à combustible.

Lors de l’achat d’une nouvelle voiture, force est de constater que la consommation de carburant effective est souvent nettement plus élevée que celle indiquée par le constructeur. Ceci s’explique par le fait que les constructeurs se basent sur des valeurs déterminées en laboratoire. La consommation y est mesurée à l’aide de bancs d’essai standardisés qui ne reflètent pas suffisamment l’utilisation réelle des véhicules.

Le cycle d’essai NEDC (New European Driving Cycle), appliqué dans l’UE et en Suisse au cours des dernières années, a régulièrement sous-estimé la consommation réelle, en moyenne de 40%. Appliqué depuis 2020, le cycle d’essai WLTP (World harmonized Light vehicles Test Cycle) devrait réduire cette divergence mais, comme le montrent différentes études, cette dernière s’élève toutefois encore à environ 20 à 30% pour les moteurs à essence et ­Diesel. Ces écarts sont non seulement gênants pour les conducteurs, mais ils menacent aussi de saper les mesures politiques, par exemple en matière de politique climatique. En effet, les limites de consommation se basent actuellement sur ces valeurs normalisées. Si ces valeurs sont systématiquement trop basses, les prescriptions politiques n’auront pas l’effet escompté.

Cinq systèmes de propulsion

On sait depuis longtemps que la consommation réelle des moteurs à essence et Diesel est supérieure aux spécifications du constructeur. Ce thème n’est toutefois que très peu étudié dans le cadre des voitures électriques et autres systèmes de propulsion basés sur le gaz naturel ou l’hydrogène. Une équipe de chercheurs de l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ) et du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (Empa) de Dübendorf a décidé de combler cette lacune en étudiant cinq systèmes de propulsion sur lesquels repose l’espoir d’une circulation plus écologique.

Récemment terminée, cette étude1) s’est basée sur une flotte stationnée à l’Empa, composée de cinq véhicules d’essai dotés de systèmes de propulsion modernes (figure 1): une voiture électrique (VW e-Golf), une hybride rechargeable (Audi A3 e-tron), une entièrement hybride (VW Jetta), une à gaz (Audi A3 g-tron) et une à pile à combustible (Hyundai ix35 Fuel Cell). La consommation des cinq véhicules a été mesurée sur un banc dynamométrique (figure 2) pour un total de 13 cycles de conduite prédéfinis (dont le WLTC). En outre, l’Empa les a également utilisés pour des essais de terrain de début 2016 à l’automne 2018. Les véhicules ont parcouru un total de 115'000 km en 3000 trajets. Ce faisant, toute une série de données de consommation a été enregistrée.

Quatre facteurs d’influence

«En évaluant ces données, nous avons pu mettre en évidence que la consommation réelle de ces moteurs alternatifs était également de 20 à 30% supérieure aux spécifications du constructeur, c’est-à-dire dans la même mesure que pour les voitures à essence et Diesel», résume le Dr Lukas Küng, l’un des coauteurs de l’étude. L’importance de cette divergence dépend de la situation individuelle. Lukas Küng et ses collègues ont pu démontrer que les écarts entre la consommation réelle et les spécifications du constructeur s’expliquaient essentiellement par quatre facteurs d’influence spécifiques à l’utilisateur.

La vitesse moyenne constitue le facteur le plus important. Une personne qui se déplace avec sa voiture essentiellement en ville a besoin d’une puissance de propulsion plus réduite qu’une personne qui se déplace quotidiennement à grande vitesse sur l’autoroute. Le deuxième facteur est le comportement d’accélération. Celui qui adapte son style de conduite au modèle «Ecodrive» conduit de manière plus économique qu’un conducteur dit «dynamique». Le troisième facteur est la topographie du secteur dans lequel le conducteur se déplace généralement: les trajets sur terrains plats sont plus économiques que les trajets vallonnés ou en montagne. Finalement, le quatrième facteur d’influence est constitué par la température extérieure: lorsque la température est moyenne, la consommation du chauffage ou de la climatisation est plus faible qu’en cas de grande chaleur ou de grand froid.

Un modèle pour la flotte suisse

L’étude des chercheurs de l’ETHZ et de l’Empa n’avait pas pour but de déterminer de manière aussi précise que possible la consommation d’un conducteur individuel. Son objectif était plutôt d’utiliser les résultats obtenus afin de développer un modèle qui permettrait une estimation fiable de la consommation d’énergie de la flotte nationale de voitures de tourisme. Ils y sont parvenus en recourant à certaines données de base liées aux véhicules (telles que le poids, la taille et les pneumatiques) et en les combinant aux informations relatives à leur utilisation.

Il n’est guère possible de déterminer comment chaque individu utilise sa voiture, mais les résultats d’une enquête menée auprès de la population suisse sur son comportement en matière de mobilité sont disponibles, notamment dans le «Microrecensement mobilité et transports» de l’Office fédéral de la statistique. Les chercheurs ont eu recours aux données de 2015, qui leur ont permis de concevoir un modèle pertinent. Celui-ci montre comment la consommation et les émissions de CO2 de la flotte suisse de véhicules évoluent en fonction du système de propulsion utilisé.

Avec ce modèle, les chercheurs fournissent un outil permettant de calculer la consommation d’énergie ou les émissions de CO2 des transports privés motorisés en Suisse pour différents scénarios, et ce, notamment en fonction de la proportion des différents types de systèmes de propulsion en circulation sur les routes suisses à l’avenir. La figure 3 montre l’évolution des limites des émissions de CO2/km de la flotte des voitures neuves selon quatre scénarios différents basés sur le nouveau cycle d’essai WLTP. Les scénarios T1, T2, T3 et C diffèrent par la valeur de référence des limites des émissions de CO2 en 2020 (114 gCO2/km pour les scénarios T1 et T2 si l’on tient compte de la consommation réelle des véhicules, et 95 gCO2/km pour les scénarios T3 et C), ainsi que par la vitesse requise en termes de réduction des émissions de CO2/km pour atteindre les objectifs suivants: une flotte suisse de voitures neuves sans émissions de CO2 en 2054 (scénario T1), en 2044 (scénario T2 et T3) et en 2030 (scénario C). En ce qui concerne les émissions de CO2 directes cumulées de 2019 à 2065 de la flotte suisse de voitures de tourisme, seul le scénario C est compatible avec l’objectif de limiter le réchauffement climatique à + 1,5°C (figure 4).

Une conclusion importante: «En Suisse, une flotte entièrement électrifiée s’est avérée être une stratégie de décarbonisation efficace et robuste», écrivent les scientifiques dans leur rapport final.

Accélérer le remplacement des systèmes de propulsion fossiles

Mais n’est-il pas évident qu’il faille miser sur les voitures électriques si l’on veut réduire les émissions de CO2? Pas forcément, car cette stratégie n’a de sens que si l’électricité nécessaire pour alimenter les véhicules électriques peut être produite qu’avec de faibles émissions de CO2. Cette condition est remplie pour la Suisse, selon les calculs des scientifiques, lesquels tiennent compte de la «teneur en CO2» de l’électricité produite ou importée en Suisse (voir encadré). «L’électrification est la voie que nous devons emprunter», affirme Lukas Küng pour résumer brièvement ce résultat.

Il y a environ 4,5 millions de voitures de tourisme en Suisse et chaque année, 300'000 anciennes voitures sont remplacées par des nouvelles. Le renouvellement complet de la flotte dure ainsi 15 ans. Utiliser plus de voitures électriques ne suffira pas à rendre la flotte de véhicules plus «propre». Il faudrait surtout que les politiciens travaillent en parallèle à une substitution plus rapide des voitures à carburant fossile, par exemple avec des «primes à la casse» (à noter que cette proposition des scientifiques ne tient pas compte de l’énergie grise). Simultanément, l’utilisation de carburants à faible teneur en CO2 (E-Fuels, biocarburants) devrait être encouragée plus fortement.

Littérature complémentaire

Notes

Dr , responsable du projet de l’OFEN «Mobilité», communique des informations à propos de ce projet.

1) L’étude Esmobil-Red a été soutenue financièrement par l’Office fédéral de l’énergie (OFEN).

Choisir le véhicule adéquat...

L’électrification de la flotte de voitures de tourisme réduit les émissions de CO2 pour autant que les véhicules soient rechargés avec du courant «propre». Dans le cadre de l’étude Esmobil-Red, les scientifiques ont déterminé quels étaient les véhicules qui en émettaient le moins pour diverses «teneurs en CO2» de l’électricité. L’électricité qui provient des prises de courant suisses est relativement pauvre en CO2 (environ 150 gCO2/kWh). Dans ce cas, pour les distances quotidiennes moyennes (de 50 à 350 km), les véhicules purement électriques constituent le type de véhicule présentant les plus faibles émissions de CO2. «Pour les courtes distances d’environ 50 km par jour, les voitures entièrement électriques avec des batteries compactes et légères ou les hybrides rechargeables (également avec une batterie légère) capables de parcourir des distances inférieures à 50 km de manière purement électrique, sont les véhicules qui émettent le moins de CO2. Les lourdes voitures électriques dotées de grosses batteries ne sont pas optimales, en termes d’émissions de CO2, pour des distances quotidiennes de moins de 50 km, qui représentent 80% des trajets quotidiens en Suisse», précise Lukas Küng.

Auteur
Dr. Benedikt Vogel

est journaliste scientifique.

  • Dr. Vogel Kommunikation
    DE-10437 Berlin

Commentaire

Hubert Kirrmann,

Ich glaube, die Autoren des Artikels «En route vers une flotte de voitures électriques» haben einen Überlegungsfehler gemacht, als sie schrieben:

«...cette stratégie n’a de sens que si l’électricité nécessaire pour alimenter les véhicules électriques peut être produite qu’avec de faibles émissions de CO2. Cette condition est remplie pour la Suisse, selon les calculs des scientifiques, lesquels tiennent compte de la «teneur en CO2» de l’électricité produite ou importée en Suisse...»

Nein, die Bedingung ist nicht erfüllt. Der Strom für die E-Autos ist nicht der heutige Strommix der Schweiz, ausser die Schweiz verzichtet auf Wärmepumpen und Datenzentren. Denn jede zusätzliche kWh muss entweder importiert oder durch Zubau von erneuerbaren Energien, d. h. Solarstrom, erbracht werden. Und dann werden die AKWs abgestellt und die CO2-Bilanz des Schweizer Strommixes wird sich entsprechend verschlechtern.

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